lundi 3 février 2014

"Quiconque osera profaner mon tombeau ou cherchera à nuire au lieu où repose ma dépouille encourra une mort certaine et rapide..."

Non, non, ne partez pas, cette malédiction ne concerne pas les lecteurs de ce billet !! Cette phrase est au coeur de notre roman du jour, un thriller fantastique qui va nous emmener en Egypte, à la recherche d'une tombe royale oubliée... Et, croyez-moi, à côté de cette tombe, celle de Toutankhamon, c'est de la petite bière (ah, ah, ah...) ! Pour "la troisième porte" (en grand format chez Michel Lafon), Lincoln Child a écrit seul, sans son habituel alter ego littéraire, Douglas Preston, avec qui il signe l'excellente série centrée sur l'agent (très) spécial du FBI, Aloysius Pendergast. Il nous emmène surtout dans un univers parfait pour créer une atmosphère propice au thriller et rassemble différents ingrédients susceptible de nous mettre sous tension et qu'il marie avec habileté...





Jeremy Logan enseigne l'histoire médiévale à Yale. Mais, il est connu à travers le monde pour une autre activité, sensiblement différente, pour laquelle il se qualifie lui-même d' "énigmologue". Comprenez qu'il vient enquêter sur des phénomènes surnaturels auxquels il essaye d'apporter des réponses concrètes... Ses réussites dans la démythification de certaines des plus célèbres légendes contemporaines lui ont valu une certaine médiatisation et, désormais, il est souvent demandé pour venir exercer ses talents...

Le voilà contacté par un de ses anciens amis, du temps où ils étaient étudiants, le docteur Ethan Roche. Celui-ci, suite à un événement grave qui l'a touché à la fois sur le plan personnel et sur le plan professionnel, est devenu un spécialiste des EMI, les Expériences de Mort Imminente. Il se consacre entièrement aux recherches sur ce sujet, mais ce qu'il veut proposer à Logan ne semble pas concerner ce domaine...

En fait, le Dr Rush a accepté d'être le médecin d'une mission particulière, placée sous le sceau du secret pour le moment, mais qui, si elle aboutit à un succès, devrait avoir un immense retentissement... Et il sert d'intermédiaire auprès de Logan pour qu'il vienne lui aussi apporter son expérience au projet. Comprenez, son expérience d' "énigmologue".

Il n'en faut pas plus pour aiguiser la curiosité de Logan qui s'embarque sans même savoir où ni pourquoi il quitte son douillet cocon universitaire... Et, en moins de temps qu'il n'en faut pour l'écrire en tapant sur un clavier (en comptant les fautes de frappe à corriger...), le voilà en Egypte... Ah, Alexandrie, la Vallée des Rois, Louxor, Saqqarah... Eh bien non, pas du tout...

Le voyage ne s'arrête pas à ses sites dont nous connaissons tous les noms et qui nous font rêver... Il se poursuit direction le sud... Ou plus exactement, le Sudd, avec une majuscule et deux D. Pour y arriver, vous suivez le cours du Nil jusqu'à la limite entre Egypte et Soudan, dans une immense zone marécageuse, paysages aussi sublimes que la région peut s'avérer hostile et impénétrable...

Là, il rejoint l'équipe formée par un authentique chasseur de trésors. Oh, il n'aime pas la formule, mais c'est ainsi que le grand public le connaît : Porter Stone. L'homme capable de monter des expéditions incroyables pour faire des découvertes auxquelles on ne croyait plus jusqu'à ces opérations audacieuses...

Et là, c'est un projet... pharaonique, dans tous les sens du terme, ou presque... Dans cet endroit assez sordide et glauque, une jungle aqueuse, étouffante et à l'eau limoneuse, se cacherait la tombe d'un souverain égyptien, et pas n'importe lequel : Narmer, le roi qu'on considère comme l'unificateur de la Haute et la Basse Egypte...

Et qui dit tombeau, dit trésor, immense trésor ! Et pas seulement en termes de valeur, mais aussi symboliquement. Car Porter Stone est persuadé que ce tombeau quasiment englouti contient quelque chose de tout à fait incroyable, une découverte qui placerait Stone à la hauteur des découvreurs de Troie ou Cnossos et renverrait Howard Carter dans l'anonymat...

Pour y parvenir, Stone a quasiment fait construire une ville artificielle en plein coeur des marécages. Un modèle de structure éphémère, capable de loger la large équipe nécessaire à une telle entreprise... Ils sont nombreux à vivre là, presque comme chez eux. Et, parmi les têtes pensantes, on trouve une égyptologue de talent, Tina Romero, le docteur Fenwick March, archéologue renommé et habitué des expéditions de Stone, l'intendant et responsable des équipes techniques, Frank Valentino et le docteur Rush, que Logan connaît déjà et qui, curieusement, est venu dans ce lieu perdu, avec son épouse, Jennifer...

Mais, qui dit tombeau de roi égyptien, dit... malédiction, eh oui, nous y voilà ! Et, enfin, Logan comprend pourquoi on a fait appel à lui... Voilà ce que redoute Stone, et sans doute une bonne partie de son équipe avec lui... D'autant que, depuis quelques jours, de curieux incidents se multiplient, sans gravité, mais embêtant...

Dès son arrivée, Logan est d'ailleurs témoin d'un nouvel accident, plus sérieux, celui-là, et cela va aller en empirant... Si Logan est là, c'est donc pour fureter sur la base et essayer de découvrir si l'expédition est victime d'un hasard facétieux ou si une malédiction est à l'oeuvre... A moins de sabotages d'origine tout simplement humaine...

Tandis que la recherche avance et que Stone et ses acolytes se préparent à entrer dans le tombeau, à visiter ses trois chambres, la tension monte. D'autant que l'équipe, forcément à la demande de Stone et sous la houlette du docteur Rush, a recours a des méthodes, disons, un peu particulières... Peut-être même franchement discutables, et pas seulement sur le plan éthique...

Malédiction ou pas, découvertes fabuleuses ou pas, le Sudd est un piège à lui tout seul et nos aventuriers ne sont au bout ni de leurs joies, ni de leurs peines, ni de leurs surprises, bonnes ou mauvaises... Avec un suspense qui va aller croissant et emmener le lecteur dans cette zone étouffante où le danger est partout...

Je reste volontairement évasif, car le lecteur est dans la même position que Logan : il lui faut grappiller chaque élément pour embrasser au final la situation dans laquelle l'énigmologue est arrivée et qu'il va devoir éclaircir pour savoir ce qui se passe sur ce chantier pas comme les autres... Comprendre surtout qui sont les autres membres de cette équipe ainsi que tout ce qu'on a soigneusement pris soin de lui cacher...

Lincoln Child signe ici un techno-thriller sur fond d'égyptologie qui n'a pas grand rapport avec ce que peut faire un Christian Jacq, par exemple. On est vraiment dans un thriller à l'américaine, gros budget et gros muscles... Toute l'installation de cette ville dans les marécages m'a rappelé le "Deception Point" de Dan Brown, dans la démesure d'une opération en milieu hostile fonçant vers l'inconnu...

Il faut dire que, en soit, l'aspect techno-thriller d'aventure (qu'on pourrait aussi mettre sur le même planb que les romans de Clive Cussler ou David Gibbins, par exemple) aurait pu se suffire à lui-même, tant le lieu, ce Sudd qui colle à la peau, cette chaleur humide, ces odeurs de décomposition végétale, cette eau épaisse comme un coulis, la visibilité réduite, les moustiques, l'incertitude permanente de ce qu'on va croiser dans cette vase stagnante... Tout ça contribue à instaurer une ambiance oppressante...

Ajoutez à cela qu'on est coupé du reste du monde, livré à soi dans cet environnement si étrange, comme immuable depuis des temps immémoriaux, comme fantomatique... Je suis presque surpris de ne pas croiser plus souvent de romans se passant entièrement ou en partie dans cette région... Je crois, si ma mémoire ne me trompe pas, que David Camus y situe un passage très impressionnant, et justement très fantomatique, de sa trilogie "le roman de la Croix". Mais là, ouf, on a envie de prendre un bol d'air à chaque fois qu'on repose le livre...

Pourtant, faire planer là-dessus une mystérieuse malédiction s'avère être une vraie plus-value pour ce roman. D'abord, parce qu'elle instille un doute, d'abord, puis une angoisse certaine dans le roman. Elle vient proposer un degré de frisson supérieur à la simple adrénaline de la découverte du tombeau... On n'est pas dans un nouvel épisode d'Indiana Jones, ce serait plus dans la lignée de "la Momie", même si Logan est moins farfelu que Brendan Fraser.

J'ai d'ailleurs beaucoup aimé ce personnage de Logan si cartésien, si posé, si froid, qui essaye avant tout d'observer ce qui se passe (et la base est une vraie fourmilière, qui plus est assez vaste). A aucun moment, il n'a d'idée préconçue ou il ne croit connaître la vérité. Mais il pèse tous les éléments à sa disposition pour arriver à une conclusion... Reste à savoir si ce sera assez tôt...

Je dois dire que la dimension fantastique a des manifestations assez spectaculaires, impressionnantes, même. Là, on n'est pas dans la Momie, non, c'est autre chose, des manifestations qui mettent très mal à l'aise et qui, en allant crescendo, prennent, progressivement, une dimension de plus en plus inquiétante.

Pourtant, s'il faut aborder frontalement la question du fantastique dans "la troisième porte", je dois humblement avouer que je me pose encore la question... Malédiction ou... autre chose que je ne peux pas évoquer ici ? J'adorerais pouvoir en discuter avec Logan... ou avec Child ! Mais c'est aussi une des qualités de ce roman de permettre des lectures différentes aux uns et aux autres...

Et puis, à travers son personnage d' "énigmologue", Child peut jouer à plaisir avec le scepticisme, la raison scientifique, le doute sans pour autant fermer la porte à l'inexplicable. L'inexplicable est d'ailleurs la raison d'être de Logan et son ambition est de le rendre explicable... Et il dispose d'autres "aptitudes", appelons ça ainsi, qu'il met à profit dans ses investigations.

Quand je dis que Child joue avec le fantastique, c'est parce qu'il joue d'abord avec la limite fluctuante entre l'explicable et l'inexplicable. Fluctuante, parce que la science avançant, cette ligne recule ou se déplace... Et rien ne dit que ce qui intervient, en tout cas en partie, dans "la troisième porte", ne connaîtra pas un jour des évolutions sensibles permettant de mieux appréhender ces sujets délicats...

Au final, si je n'avais pas forcément été convaincu par "T-Rex", roman écrit par Douglas Preston seul, j'ai été séduit par son alter ego et l'envie de retrouver la plume "à deux mains" de Lincoln Chidl me trotte déjà dans la tête. On m'a déjà parlé de "Deep Storm", son précédent roman, il faudra sans doute un jour s'y pencher, parce qu'avec un titre pareil, ça doit décoiffer !

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