Un soir d'avril 2015, Tom Besson profite d'un agréable weekend en amoureux, quand son téléphone sonne. Un appel tout à fait inattendu, qui va changer le programme des jours à venir, et peut-être l'existence entière de ce quadragénaire, le genre homme d'affaires sportif et séducteur, à qui tout semble réussir.
Tom laisse d'abord sonner, mais écoute le message qui lui a été laissé quelques minutes plus tard. A l'autre bout de la ligne, une voix bien connue, celle de Luko, Fabrice Lukowski, un de ses amis de jeunesse. Ils ont été ensemble sur les bancs du lycée Henri-IV, à Paris, puis ont fait des études de commerce dans la même école, avant de suivre chacun leur voie.
Rien de bien urgent, rien en tout cas qui nécessite de rompre la belle harmonie qui unit Tom et sa compagne, Karine. Mais, à l'aube, le lendemain matin, tout change. Tom écoute une nouvelle fois ses messages et le dernier laissé par Luko va l'alerter : son ami dit être poursuivi, menacé par un tueur (un tueur !), et la brutale coupure de la ligne laisse imaginer le pire.
Faute de pouvoir joindre son ami policier, Pierre Jonquères, ce qui n'a rien d'étonnant, aussi tôt un dimanche matin, Tom décide d'agir, trop inquiet pour attendre plus longtemps. Lorsqu'il découvre que Luko l'a appelé depuis la Suède, près de Göteborg, pour être plus précis, il n'hésite pas un instant. Au revoir Karine, direction l'aéroport !
Luko n'est pas juste un ami, Tom lui est redevable. C'est peut-être l'occasion de régler une vieille dette. Mais, lorsqu'il retrouve l'endroit d'où Luko l'a appelé, il est trop tard... Luko est mort, et tout indique qu'il a été assassiné... Dans la maison proche, qui semble avoir été visitée, Tom trouve un ordinateur. Et lorsqu'il le sort de sa veille, nouveau choc...
A l'écran, un visage, surgi du passé... Emma... Mais pas l'Emma qu'il a connu plus d'un quart de siècle auparavant lorsqu'ils étaient élèves à Henri-IV et qu'ils étaient inséparables, non, l'Emma d'aujourd'hui, telle qu'elle serait s'il l'avait devant lui à cet instant... Emma, une amie, sans doute un peu plus... Ici, tout près du corps sans vie de Luko...
Pourquoi ? La question vient naturellement à l'esprit de Tom. Quel lien peut-il y avoir entre ces événements et la vie de collégiens comme il y en a tant d'autres, même si eux étaient issus d'un milieu privilégié ? Et ce message qui accompagne la photo, cette menace clairement exprimée, à qui s'adresse-t-elle et pourquoi l'a-t-on formulée ?
Lorsqu'il découvre une adresse et un numéro de portable, il n'hésite pas, appelle... Et entend la voix d'Emma pour la première fois depuis 26 ans... Il lui explique les récents événements et lorsqu'elle réalise que la photo date du jour même, elle est sous le choc. Et décide de tout laisser en plan, sa vie, son couple, ses vacances en Californie, pour rejoindre Tom et essayer d'en savoir plus.
Des retrouvailles loin d'être idéales, pour ces deux-là, qui vont prendre un tour plus délicat encore quand ils vont s'apercevoir qu'on les suit à la trace... Où qu'ils aillent et quelques précautions qu'ils prennent... Et manifestement, leurs poursuivants n'ont pas l'intention de faire la causette... Tom et Emma sont en danger à leur tour...
Impossible de se débarrasser de ces tueurs froids et déterminés, sauf à les affronter... Tom et Emma vont alors entamer un tour d'Europe éclair, en laissant derrière eux un sillage de sang... Au point de ne plus être seulement recherchés par des tueurs, mais aussi par la police. Mais que se passe-t-il donc ? Et quel rôle Emma tient-elle dans cette histoire ?
(Peut-être) malgré elle ?
Je dois être honnête avec vous : j'ai triché. Oui, j'ai triché, car le résumé que vous venez de lire commence en fait au chapitre 8 de "Malgré elle". C'est un choix et je vais vous l'expliquer maintenant : comme vous l'avez compris, le passé des personnages impliqués dans "Malgré elle" tient une place très importante dans le roman.
Les sept premiers chapitres se déroulent en 1989, lorsque Tom, Emma, Luko, pour ne citer que les personnages évoqués ici, étaient collégiens ensemble à Henri-IV, l'un des établissements scolaires parisiens les plus prestigieux. Ces chapitres d'ouverture nous racontent une tranche de vie, une période bien particulière qui s'achève sur un événement dramatique.
En soi, ce début d'histoire n'a rien d'extraordinaire, les cours, les copains et copines, les premières amours et les premiers émois, les fêtes et les sorties... Un quotidien somme toute classique, surtout pour ces enfants issus de familles aisées... Une insouciance brisée nette par un crime. Dont on ne sait en fait rien du tout, nous, lecteurs, le roman passant aussitôt à la partie se déroulant en 2015.
On a donc qu'une vague idée des événements de 1989 que la mort de Luko fait brusquement resurgir dans la vie de Tom et d'Emma. Pourtant, s'il semble bien que Tom se retrouve impliqué un peu par hasard, à cause de l'appel catastrophé de son ami Luko, la présence près du corps de la photo d'Emma semble indiquer qu'il n'en va pas de même pour son ancienne amie...
Il faut donc comprendre. Comprendre tout ce qui se passe en 2015, tout ce qui ne colle pas aussi, mais aussi comprendre le lien entre les événements présents et ceux de 1989, qui semblent être la cause, l'une des causes, disons, de la mort de Luko. Et, par-dessus tout, comprendre qui est Emma et pourquoi elle semble être au coeur de ce drame...
Elle-même paraît sincèrement bouleversée et inquiète, autant par les événements violents qui se déroulent que par sa présence au milieu de tout cela. Elle ne comprend pas. Elle a peur. Elle retrouve des sensations fort désagréables qu'elle a déjà connues... Mais tout cela semble impossible, incohérent ! Et pendant qu'Emma et Tom vont d'un pays à l'autre, ce dernier s'interroge : pourrait-elle... mentir ?
Et je dois dire que le lecteur aussi se pose beaucoup, beaucoup de questions. C'est d'ailleurs, je trouve, un des gros points forts de "Malgré elle". Cela lui donne un côté très hitchcockien, avec une Emma Novak (tiens, tiens, comme Kim ? Comme l'actrice de "Sueurs froides" ?) entourée d'un épais mystère, dont elle pourrait fort bien être elle-même la source...
Emma possède un charme très particulier, dont elle ne semble pas même avoir conscience. Il ne s'agit pas simplement de sa beauté, des traits de son visage, non, c'est au-delà de ça. "Magnétique", nous dit la quatrième de couverture, et c'est peut-être le terme qui convient le mieux, si l'on estime qu'il ne fait pas un peu trop cliché...
Mais elle n'en joue pas, elle n'a jamais été une séductrice, à l'inverse de Tom, par exemple, qui aimait jouer de son physique, de son courage, de ses aptitudes sportives, de son côté tête brûlée. Non, Emma était une jeune fille très sage, sans doute en raison d'une éducation très stricte, et on se dit qu'elle n'a guère changé. Et pourtant : derrière ce côté angélique, pourrait-elle cacher quelque chose de plus sombre ?
Alors, oui, forcément, on se pose plein de questions à son encontre et le mystère s'épaissit au fil des événements que l'on découvre, présents ou passés. Avec cette impression bizarre, désagréable, que l'on pourrait se trouver face à un formidable numéro de comédienne... Mais dans quel but organiserait-elle tout cela ?
Et voilà que, petit à petit, un doute doute s'immisce : et Tom ? Que sait-on de lui ? Après tout, lui aussi est embarqué dans cette histoire, on sait que durant leur adolescence, ils ont été très proches sans que cela aille plus loin qu'une tendre amitié... Mais Tom se retrouve embarqué dans l'affaire sans raison apparente... Sauf si... Sauf s'il en était l'instigateur...
Nous voilà donc essoufflés par la course dans laquelle sont lancés nos deux protagonistes, la tête pleine de soupçons envers l'un, envers l'autre, et toujours incapables de comprendre le mobile de la machination mise en branle... On guette, on épie chaque signe, on note chaque nouvelle information, chaque petit détail qui pourrait nous aider à sortir de cette parano qui s'installe gentiment...
Bien sûr, l'histoire n'attend pas que nous résolvions nos cas de conscience, et avec elle, le nombre de victimes augmente... Tout comme les indices d'une vengeance implacable que quelqu'un quelque part a décidé de manger bien froide, après 26 années d'attente... Et avec, un jeu de faux semblant qui n'en a pas fini avec nous et nos pauvres questionnements...
"Malgré elle" va vite, c'est efficace, violent et déroutant à la fois, on se laisse prendre même si on se demande aussi si tout cela tient vraiment debout... Bon, comme souvent avec ce genre de thriller, on marche ou alors tout tombe à plat, je dois dire que je me suis énormément amusé à cette lecture, même si elle ne m'a pas totalement convaincu (même si j'aime beaucoup la fin ouverte, cohérente avec toutes les questions posées dès le début).
Mais, il faut reconnaître qu'elle comprend pas mal de choses très intéressantes à partager. D'abord, les lieux où vont se rendre Tom et Emma, en particulier en Europe. Ca commence par le lieu où Tom retrouve le corps de Luko, qu'on croirait sorti d'une enquête de l'inspecteur Wallander, puis des destinations inattendues qui vont offrir des paysages et des décors fascinants.
Ensuite, pour revenir au côté hitchcockien évoqué plus haut, il y a tout un jeu narratif très intéressant, et qui apparaît très tôt dans le roman, autour du voyeurisme. C'est un aspect qui nourrit lui aussi les questionnements que le lecteur va avoir tout au long de cette histoire, qui alimente la parano, et de plusieurs manières.
Car, d'un côté, on a Emma, qui semble paniquée, qui se sent traquée, mais à qui on ne sait pas si on peut faire confiance, et de l'autre, tout ce qui tourne autour d'un mystérieux et insaisissable voyeur, dont l'existence est attestée, par exemple, par la photo découverte par Tom dans la maison où vivait Luko près de Göteborg...
Comment tout cela s'agence-t-il ? Qui mène la danse de ce drame macabre et énigmatique, où personne ne paraît véritablement fiable ? Ajoutez une goutte de thriller à la John Grisham, avec l'ombre d'une intrigante multinationale qui semble planer partout où passent (et trépassent) les personnages de "Malgré elle"...
Il y a un dernier élément qu'il faut évoquer, mais très succinctement, vous allez comprendre pourquoi : si "Malgré elle" est d'abord un thriller, tout ce qu'il y a de plus classique dans le genre, va apparaître une dimension que l'on peut qualifier de science-fictive... Vous n'en saurez pas plus sur ce blog, eh oui, je sais, c'est moche, c'est frustrant.
En revanche, je vous encourage vivement à lire les explications que donne David-James Kennedy en fin d'ouvrage, dans une annexe précédé de ce très joli avertissement : "si vous préférez croire que ce livre n'est qu'une pure fiction, n'allez pas au-delà de cette page". Il y a quelques précisions anecdotiques, mais surtout des informations passionnantes pour mieux comprendre ce qui se passe.
Des explications fort utiles, car elle donnent de l'épaisseur à ce que raconte David-James Kennedy, à ce qui se trouve au coeur de ce roman. Et nous permet aussi de lui donner du crédit. Parce qu'on y découvre des choses étonnantes, assez dingues, même, qui nous rappellent que ce que l'on appelle aujourd'hui science-fiction, ne sera peut-être plus, demain, que de la science...
C'est en musique que nous allons finir ce billet. Avec une chanson qu'on entend dans "Malgré elle", une chanson qu'adore Emma. Elle s'identifie à Olivia Newton-John, qui l'interprète dans le film "Grease". Le lecteur peut alors tout à fait se dire que c'est un peu à ça que ressemble Emma, à cette jeune femme en chemise de nuit se tenant contre une colonne de bois blanc...
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