mercredi 16 novembre 2011

Après eux, le déluge...

C'est le 7ème titre de Nicolas d'Estienne d'Orves auquel je m'attaque et, comme les 6 fois précédentes, j'ai aimé retrouver son univers bien déjanté, exempt de politiquement correct, rocambolesque à souhait, avec en plus, cette fois, un très intéressant clin d'oeil à Jules Verne qui est un vrai plus. Comment étiqueter, puisque c'est notre grande habitude, presque une passion, ce nouveau roman ? Sur la couverture de "l'enfant du premier matin", qui vient de paraître chez XO, on lit thriller, un terme générique bien insuffisant. Car, outre le rythme du thriller, d'Estienne d'Orves y ajoute le fantastique et l'ésotérisme pour un livre qui se lit comme avance l'intrigue : à 100 à l'heure.


Couverture L'Enfant du premier matin


Valentin est un garçonnet comme les autres. Ou presque. D'abord, parce qu'il est né le 11 septembre 2001. Ensuite parce que son père est mort accidentellement en 2010 et que ce père disparu semble lui avoir transmis une insatiable curiosité pour des sujets bien complexes pour un enfant de son âge. Ensuite, parce qu'il semble posséder des dons étranges, faire des cauchemars horribles et parler dans son sommeil agité une langue inconnue. Enfin parce qu'il est malade, atteint d'un mystérieux syndrome, une maladie orpheline que tout le monde ou presque semble ignorer.

Lucie, la maman de Valentin, a choisi, à la mort de son époux, de se retirer sur les hauteurs de Carpentras. Evidemment, elle se ronge les sangs devant son fils unique, ses douleurs, ses inquiétudes et ses aptitudes... Elle l'a donc, dès son installation en Provence, emmener consulter un pédopsychiatre, Laurent Soulès, qui semble bien avancer avec l'enfant.

Mais, quand la santé de Valentin se dégrade, à l'approche de ses 12 ans, les deux adultes sont fort désemparés. Ils tentent alors de l'adresser aux spécialistes les plus pointus, ce qui, après un passage par Rome, les envoie à Florence... Pas la capitale de la Renaissance, non, Florence, Wisconsin, trou paumé des Etats-Unis, perdu au milieu d'une dense forêt. Là, se trouve, au milieu des méandres d'un fleuve, un archipel où s'est installée LA clinique qui pourrait soigner Valentin.

Mais, quand Lucie, Valentin et Laurent arrivent là-bas, ils sont fort décontenancés. Car Valentin est loin d'être le seul patient de la clinique du professeur Ouspansky. Ils sont une trentaine de gamins a souffrir des mêmes symptômes, à subir des changements physiques impressionnants et... à se parler dans cette langue bizarre dans laquelle Valentin s'exprimait dans ses cauchemars... Enfin, dernier détail, mais pas des moindres, comme Valentin, tous ces petits malades sont nés le 11 septembre 2001...

Lucie accepte mal ce que subit son fils (on le serait à moins !) mais trouve que cette clinique a plus des airs de secte que de sanatorium. Alors qu'elle essaye de trouver le moyen de quitter les lieux avec Valentin, la clinique est démantelée, tous les occupants disparaissent sans laisser de trace et la jeune mère, à qui il ne reste que son enfant unique, se lance dans une course désespérée pour retrouver son fils, comprendre qui sont ceux qui lui ont pris et pressent qu'il y a là quelque chose qui la dépasse.

Et elle a raison...

Reprenant des thèmes, des lieux et des situations qui lui sont chers, puisqu'on y retrouve des éléments de chacun de ses précédents romans, Nicolas d'Estienne d'Orves nous emmène dans une course contre la montre, ou plutôt contre le temps, menée à toute vitesse, haletante, ébouriffante, la bataille d'une mère pour sauver son fils adoré d'un danger qu'elle ne comprend pas et assez rapidement, car elle soit aussi tenir compte de la maladie du garçon, qui semble sans cesse empirer.

Mais le lecteur, lui non plus n'est pas au bout de ses peines. Car l'auteur, dans son esprit torturé (si, si, un peu quand même...), a conçu un contre-chant qui vient s'entrelacer avec le récit principal comme le ferait une spirale d'ADN. De cette deuxième histoire, je ne vais pas vous parler trop, pour ne pas déflorer l'intrigue. Mais c'est la partie qui fait penser aux romans de Jules Verne, de part l'époque dans laquelle elle se déroule en grande partie, la fin du XIXème siècle, ainsi que par le fantastique et l'aventure qui s'y mêlent.

Des rites sataniques dans cette époque où l'ésotérisme est en vogue, jusqu'aux confins de l'Himalaya, il voyage, notre "Saint-A", comme tous le monde l'appelle. Et nous le suivons avec curiosité dans ses tribulations, jusque dans des lieux dont l'existence vous surprendra certainement...

Cette deuxième facette est, pour nous lecteurs, la possibilité que n'a pas Lucie, d'entrevoir les enjeux majeurs qui se concentrent autour de Valentin. Des enjeux qui remontent aux origines de la civilisation mais qui demeurent aujourd'hui cruciaux. Quand je dis "entrevoir", c'est évidemment parce que l'histoire d'Yves de Saint-Alveydre, personnage centrale de cette partie se déroulant dans le passé, nous est proposée au compte-gouttes, comme les pièces d'un puzzle qui vont finir par s'assembler pour nous donner enfin accès au véritable décor de cette histoire.

Un décor toutefois où les faux semblants abondent, où les croyances , même les plus ancestrales, sont sans cesse remises en cause, où les frontières entre bien et mal sont floues voire entremêlées. Car, en nous faisant voyager aussi bien dans l'espace que dans le temps, d'Estienne d'Orves s'amuse à redessiner tout ce que nous savons de notre histoire et de notre géographie. Ainsi que les valeurs qui sont attachées à ces périodes marquantes de l'humanité.

Et si, finalement,  rien de ce que nous connaissons, ou croyons connaître, ne venait de là où l'on nous l'a dit ? Et si on nous avait menti ? Dans quel but, alors ?

Voilà pourquoi il faudrait vite retrouver Valentin et ses ravisseurs, car, malgré ses 12 ans, l'enfant pourrait être la clef permettant d'accéder au Grand Secret de notre Humanité, rien que ça, et donc de le révéler au monde entier...

Je le savais déjà, pour avoir lu "Fin de race" ou "Rue de l'Autre-Monde", mais aussi les thrillers plus récents qu'a publiés chez XO Nicolas d'Estienne d'Orves, l'imagination de ce jeune auteur (37 ans) n'a pas de borne. Une impression que vient confirmer cet "enfant du premier matin", roman passionnant qui mêle histoire biblique, roman gothique du XIXème siècle, thriller ésotérique contemporain et roman d'action.

Cet auteur baroque et empli d'une folie (pas toujours) douce, poétique et proche du surréalisme, explore dans ce nouveau roman une vision humaniste du monde, une vision qui n'appartient qu'à lui (dans le fond, pas forcément, mais dans la forme, c'est certain !), une vision plutôt anticonformiste et quelque peu provocatrice, au final, dans cette époque troublée où la tolérance n'est pas toujours de mise...

Malgré une fin que d'Estienne d'Orves embrouille à merci dans un étourdissant jeu de miroirs (peut-être même un peu trop étourdissant, on peut s'y perdre...), "l'enfant du premier matin" est un livre qui se dévore (630 pages en moins de 3 jours, en ce qui me concerne). On est emporté par cette histoire d'abord intrigante puis qui nous plonge dans le fantastique comme on glisse sur un toboggan : doucement d'abord, puis de façon vertigineuse.

Avec un leitmotiv, en guise de conclusion : l'homme est au centre de tout et a son destin entre ses propres mains.


Un texte biblique, à avoir en tête au cours de votre lecture (pas vraiment un spoiler, mais il vaut mieux lire le roman d'abord)...

4 commentaires:

  1. Je lis ton article en diagonale car je suis en plein dans ce livre. Je reviendrai plus tard voir en détail et te donner à mon tour mon avis :)

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  2. J'attends avec impatience tes commentaires. C'est aussi ce que j'essaye de faire avec ce blog : initier des discussions autour des livres.

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  3. Je vois que tu as été séduit comme moi par ce roman fantastique...dit thriller !

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  4. Je suis un fidèle de Nicolas d'Estienne d'Orves, comme je le dis dans le billet. Donc j'attends ses nouvelles productions avec impatience. Il a une imagination foisonnante, un rejet du politiquement correct qui fait chaud au coeur et un mauvais esprit réjouissant. Quant à ce livre, oui, il m'a emporté avec l'envie d'en connaître le dénouement, ce qui, pour un thriller, ou un livre classé comme tel, est une vraie qualité. La fin m'a plus désarçonné que déçu, mais je m'attendais à autre chose. J'espère avoir l'occasion d'en parler avec lui un de ces quatre, mais c'est un auteur que je recommande volontiers.

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