lundi 7 janvier 2013

"We want information, information, information !"

Un titre tiré d'une série télévisée, en l'occurrence "le Prisonnier", voilà qui n'a rien d'innocent, vous le verrez bientôt, ni dans le fond, ni dans la forme. Car, 2012 a vu la renaissance ouvertement affichée du roman-feuilleton. Certes, ce n'est plus tout à fait le roman-feuilleton du XIXème siècle, on est plus dans une vision télévisuelle du genre, dans la forme, en particulier, mais le projet "Sérum" et sa saison 1, initiés par Henri Loevenbruck et Fabrice Mazza, m'a permis de passer un délicieux début d'année 2013. En effet, j'ai volontairement patienté jusqu'à la semaine dernière pour attaquer les 6 livres (6 courts romans, tous autour de 200 pages) qui composent cette saison 1 et les lire à la suite, pour vous proposer un billet global et pas épisode par épisode, cette méthode me semblant présenter un trop gros risque de spoiler. Mais trêve de bavardage, entrons dans l'univers de "Sérum", saison 1 (en poche, chez J'ai Lu).


Couverture Sérum, saison 1, tome 2


Un vendredi 13 de janvier, à New York. En cette froide soirée, une femme court dans la rue, manifestement poursuivie par des personnes très, très mal intentionnées... Preuve en est quand elle se réfugie dans l'enceinte du Brooklyn Museum, au milieu des visiteurs. Mais, ça ne suffit pas à arrêter ceux qui la traquent. Des coups de feu éclatent, panique générale, la femme, qui n'a pas été touchée, parvient à s'enfuir et la course-poursuite reprend...

Une course-poursuite qui va s'achever dramatiquement dans le parc de Fort Greene, à quelques dizaines de mètres du musée, lorsqu'une balle atteint la jeune femme à la tête... Tout s'est déroulé en peu de temps, dans la stupeur générale. Appelée sur les lieux pour commencer l'enquête sur cette situation digne du Far West en plein coeur de la Big Apple, Lola Gallagher, détective au sein de la police de New York, découvre que la jeune femme n'a pas succombé à sa blessure et que ses agresseurs n'ont sans doute pas eu le temps de lui porter le coup de grâce.

Sérieusement touchée, il va falloir attendre un peu pour pouvoir l'interroger. Et des questions, il va y en avoir beaucoup à poser à cette jeune femme qui n'a sur elle aucun document permettant de l'identifier... Elle n'a sur elle qu'une alliance sur laquelle sont gravés deux prénoms : Emily et Mike. C'est bien peu. Car, malgré le ramdam provoqué par la poursuite violente en pleins lieux publics, les enquêteurs n'ont que peu d'indices à exploiter... Et la poursuite lancé par le policier débutant Velazquez dans le parc de Fort Greene n'a pas permis de coincer le ou les tireurs...

Miraculeusement, la jeune femme va vite récupérer de sa blessure à la tête. Mais, ce serait trop simple s'il n'y avait aucune séquelle... Lorsqu'elle se réveille, l'inconnue n'a plus aucun souvenir de qui elle est, de sa vie d'avant l'agression, de ce qui l'a amenée au parc de Fort Greene via le Brooklyn Museum, ni, bien sûr, de l'identité de celui ou ceux qui ont essayé de la tuer. Diagnostic : amnésie rétrograde. Une conclusion pas vraiment surprenante, eu égard à la blessure et au choc reçus par la patiente. Mais une situation qui n'arrange pas du tout les affaires de Lola Gallagher, dont l'enquête est au point mort...

Les images de vidéo-surveillance du musée ont bien montré la présence d'un homme portant un chapeau mou dissimulant son visage et qui pourrait bien être l'agresseur... Encore une impasse, donc. Sur les bandes, on voit aussi la victime, cachée derrière le piédestal d'une statue, qui semble lancer un message muet aux caméras de la salle d'exposition... Après décryptage de ce qui est visible, compréhensible en lisant sur les lèvres de l'inconnue, les policiers se retrouvent plus avec une énigme supplémentaire à résoudre qu'avec de sérieux indices...

Alors, Lola Gallagher, remarquable flic mais ayant toujours tendance à utiliser des méthodes peu conventionnelles, voire carrément hors procédure, décide d'emmener celle que, par défaut, on a décidée d'appeler Emily, le prénom féminin gravé sur son alliance, chez son meilleur ami, Arthur Draken. Un homme qui n'est pas en odeur de sainteté auprès de la hiérarchie de Gallagher, ce qui la pousse à se rendre clandestinement à son cabinet avec Emily...

Arthur Draken (qui apparaît page 99 du premier épisode, hasard, coïncidence ou malice des auteurs ?) est un psychiatre aux méthodes lui aussi assez iconoclastes. Pour aider ses patients, il a régulièrement recours à l'hypnose, une méthode somme toute assez classique, mais que Draken a cherchée à pousser plus loin... Pour cela, avec l'aide d'un scientifique tout droit sorti de la divine époque du Flower Power, Ben Mitchell, il a mis au point un produit couleur de Chartreuse, le Sérum, aux effets remarquables sur la conscience humaine, mais aux effets secondaires terribles.

Utiliser le Sérum demande de respecter une posologie très stricte, comprend-on, sous peine de catastrophes. Et, sans qu'il en soit dit plus, on se doute que, si le Sérum n'a plus été utilisé depuis près de 2 ans avant qu'Emily ne débarque chez Draken, c'est que le produit a fait des dégâts et que Draken s'est retrouvé dans le collimateur des autorités, sa carrière et sa vie ayant failli basculer à ce moment.

C'est donc une demande lourde de sens que fait Lola à Draken lorsqu'elle lui explique qu'il faudrait injecter une dose de Sérum à l'inconnue pour essayer d'obtenir de son subconscient les renseignements bloqués par l'amnésie. Draken renâcle un peu avant d'accepter devant l'insistance de son amie mais aussi mu par une curiosité, pas forcément très saine...

Précisons que le Sérum de Draken n'est pas un "sérum de vérité" classique. Celui à qui on l'injecte ne va pas déballer d'un coup toute sa vie sans rien pouvoir dissimuler et répondre avec une sincérité désarmante à toutes les questions qui lui seront posées. Non, le Sérum de Draken obtient des résultats remarquables, à condition de posséder une clef de décodage...

Car, une fois le Sérum dans les veines d'Emily, celle-ci va raconter une sorte de fable pleine de personnages de contes, dira-t-on, je ne vais pas trop en dire à ce sujet, préférant vous laisser découvrir par vous-mêmes ces récits symboliques... Mais, le plus étonnant, c'est que, peu à peu, alors qu'ils s'attendent à voir émerger le passé d'Emily, ce sont des évènements à venir qui vont se dessiner dans un premier temps... Passé et futur, curieux mélange...

Evidemment, d'autres évènements vont se mettre en branle à partir de cette première énigme. Emily n'est, en quelque sorte qu'un détonateur, l'étincelle qui va mettre le feu aux poudres. Car, pendant que Lola, aidée par Detroit, le spécialiste informatique de son service et amant occasionnel, et Tony Velazquez, essaye d'avancer dans son enquête, autour d'elle tout s'accélère et les premiers éléments d'une formidable machination se mettent en place.

C'est aussi une course à l'information qui commence, de la part de nombreux personnages. Les policiers, bien sûr, Draken et Emily également, mais, dans l'intrigue centrale elle-même, on découvre que l'information, plus que l'argent, peut aussi être source d'un pouvoir immense à condition de la détenir, de la maîtriser, voire de la manipuler. Notre ère numérique est aussi celle de l'information et c'est sur ce constat que Loevenbrick et Mazza font leur lit dans "Sérum", au point d'y impliquer les médias traditionnels mais aussi leurs homologues alternatifs, en particulier un organisme dit "lanceur d'alertes", qui n'est pas sans rappeler le très controversé WikiLeaks.

Bien sûr, il est frustrant de ne pas pouvoir vous en dire plus... J'aimerais vous révéler ceci, vous dire que, évoquer le sort de... Mais non, ce serait dommage, tant la construction de cette série de roman est importante, tant le rôle de ce qu'on appelle les cliffhangers est fondamental. On est vraiment, dans chacun des 6 romans, dans une construction qui rappelle les séries télévisées, plus particulièrement les séries américaines, ne le nions pas...

Des chapitres, j'allais écrire des scènes, courts et rythmés, des changements de décor et de situation permanents pour ménager des effets, des rebondissements permanents et des questions qui se posent sans arrêt à la sagacité du lecteur. "Sérum", c'est l'Hydre de Lerne : quand on croit avoir une réponse, il repousse deux nouvelles questions... Et l'engrenage reprend... On est happé, on veut comprendre ce qui se passe, le rôle exact des uns et des autres, on va y revenir, on veut essayer de deviner où les auteurs nous conduisent (par le bout du nez).

Comme pour une série, on se prend au jeu, on devient accro, il faut sa dose de Sérum au lecteur aussi, le Sérum des auteurs qui lui ouvrira la compréhension globale de l'histoire... Mais, chose abominable, sachez d'ores et déjà que les 6 romans de la saison 1 ne suffiront pas... Tout se termine là encore sur de magnifiques cliffhangers qui vous rendront comme moi, je pense, impatients de dévorer la saison 2...

Ca ressemble à une fin de billet mais ça n'en est pas une. Car, j'ai encore à dire. D'abord sur le slogan de "Sérum", présent sur les couvertures des deux premiers volets : "on peut effacer votre mémoire, pas votre passé". Cette sentence renvoie évidemment directement à Emily, mais indirectement, à une bonne partie des autres personnages, dont on découvre au fur et à mesure des épisodes et des rebondissements, que le passé pèse lourd dans leur existence...

C'est le cas de Lola, personnage central du récit, qui, entre son frère Chris, et son fils Adam, a bien des choses à nous cacher. Mais elle n'est pas la seule. Draken est un personnage délicieusement ambigu, qui joue les électrons libres encore mieux que Lola. Lui aussi, voit émerger certains secrets du passé qu'il aurait préféré laisser aux oubliettes. Au bout d'une saison pleine, je ne sais toujours pas quoi penser de ce personnage, ni du rôle exact qu'il incarne... Il est tellement sur le fil du rasoir que la pièce qu'il représente dans le puzzle semble ne pas encore trouver vraiment sa place.

Oh, il n'est pas le seul à être ambigu, c'est certain, même la pauvre Emily semble peu digne de foi, on se méfie de tous, car on s'attend à chaque instant de découvrir chez eux un côté sombre, une possible implication dans la machination globale, sans que cela soit justifié... Detroit en est l'exemple parfait, tant son comportement et sa personnalité désagréables laissent présager le pire à son sujet... ou pas ! Les pistes sont brouillées à l'envi par deux auteurs qui se sont bien amusés, on le sent parfaitement.

Ajoutés à des situations qui évoluent de façon surprenante, à l'image de la série "24h Chrono", à laquelle on fait souvent référence en parlant de "Sérum", ces personnages contrastés, qu'ils soient des protagonistes majeurs ou qu'ils occupent des rôles plus secondaires, contribuent au suspense d'une série rudement bien troussée. J'en mettrai deux en exergue, qui m'ont particulièrement plu : Ian Draken, le père d'Arthur, psychiatre, également, vieil acariâtre attachant dans lequel je n'ai pu m'empêcher de voir un certain Christopher Lee ; et puis, Adam, le fils de Lola, âgé de 11 ans, à la fois drôle et touchant, enfantin et mature pour son âge, qui entrera bientôt dans une adolescence que l'absence d'un père et une mère débordée par son boulot risquent de ne pas arranger...

Enfin, je ne peux pas passer une des grandes originalités de "Sérum" sous silence : son interactivité. Régulièrement, entre deux chapitres, voire carrément à l'intérieur de certains, sont placés des flashcodes, ces étranges pictogrammes qui vous renverront, si vous décider de jouer le jeu, un site internet, consultable directement, si vous le souhaitez. On y trouve la play list de la série, composée par Loevenbruck, pour ceux qui aiment s'imprégner en musique des ambiances de leurs lectures.

On y trouve plein d'autres choses, comme des énigmes (pas fastoches, d'ailleurs, va falloir faire fonctionner les cellules grises), des indices, des informations (on y revient, hé, hé...), des plans pour mieux visualiser les actions en temps réel, etc. C'est pas mal du tout, assez rigolo et très facile au niveau navigation, bien plus, selon beaucoup d'avis, que ce qui avait été mis en place pour la trilogie "Level 26".

On peut donc s'immerger dans cette saison 1, faire joujou avec les applications autant qu'on veut, cela peut aussi aider à patienter jusqu'à l'arrivée de la saison 2... Oui, il va en falloir, de la patience, car l'envie est grande de retrouver tout ce petit monde de "Sérum" et d'en savoir plus sur les évènements décrits dans la saison 1 et sur leurs véritables répercussions.

Autre jeu : s'amuser à découvrir tous les clins d'oeil que les malicieux Loevenbruck et Mazza ont disséminé dans leur histoire. Je ne les ai sans doute pas tous vus, mais deux m'ont bien fait rire et concernent les noms des personnages... Indice : Loevenbruck aime la musique, il est auteur, compositeur et désormais interprète, fan de rock, et de Deep Purple en particulier, je peux en témoigner personnellement, moi qui, à sa demande, avait réussi à passer "Black Night" sur une antenne dont ce n'était pas du tout la couleur musicale habituelle... Cet amour du rock et en particulier d'un instrument se retrouve dans bon nombre de noms de personnages, y compris certains très éphémères. Et c'est parfois très drôle !

Et puis, là encore, je me fais peut-être des idées, mais je suis assez sûr de moi, je connais suffisamment Henri pour savoir que l'espièglerie est une de ses qualités, vous repérerez peut-être la présence de Léon Trotsky dans "Sérum", mais dans un contexte bien surprenant... Je n'en dis pas plus...

Enfin, j'ai même cru déceler un clin d'oeil à "l'Apothicaire", le précédent roman de Loevenbruck. Mais j'en fais un peu trop, non ? Non, je ne crois pas, je n'en démords pas, ce clin d'oeil existe, il apparaît de façon très étonnante quand on compare les contextes des deux livres et, par ce décalage, en devient très amusant.

Vous l'aurez compris, j'ai mordu à "Sérum" et je suis resté accroché de la première à la dernière page. J'ai adoré l'histoire et sa construction, son suspense, ses rebondissements et les questions qui restent posées. Mais j'ai aussi aimé ce concept de roman-feuilleton, avec les bandes annonces de la suite des opérations en fin d'épisode et ses résumés des épisodes précédents en début d'ouvrage.

Oui, j'ai aimé "Sérum" et JE VEUX LA SAISON 2 !!!

Hum, désolé, cri du coeur...


3 commentaires:

  1. en effet ça donne vraiment envie de le lire :)
    Valérie de la LGI sur facebook ;)


    RépondreSupprimer
  2. Et comme en plus, ça donne envie de lire la suite, c'est une terrible cercle vicieux... Mais c'est si bon de sa laisser entraîner !

    RépondreSupprimer
  3. j'ai beaucoup aimé cette série également! vivement la saison 2 :)

    RépondreSupprimer