ATTENTION, CE BILLET CONCERNE LE TROISIEME VOLET D'UNE TRILOGIE.
Un an ! Un an d'attente, de patience avant enfin de connaître le dénouement d'une trilogie... Et enfin, la délivrance, lorsque le livre arrive dans la boîte aux lettres ! Oui, il y a quelques jours, j'ai pu tenir dans mes mains le troisième roman de la trilogie "Léviathan", signée Lionel Davoust. Après "la Chute" (premier tome est sorti en poche il y a quelques jours, à bon entendeur, salut !) et "la Nuit", voici donc "le Pouvoir", que viennent de publier en grand format les éditions Don Quichotte. On va enfin comprendre pourquoi le personnage central de la trilogie, Michael Petersen, zoologiste marin souffrant pourtant d'une peur panique, voit sa vie s'écrouler autour de lui, tandis que se multiplient des phénomènes étranges et que, lui-même, est comme possédé par celui qu'on appelle l'Ombre... Un thriller fantastique dense et spectaculaire, proposant une réflexion très intéressante sur le sens de la vie humaine.
Après la mort très violente de Gordon Harper, l'ancien capitaine du Queen of Alberta, les Petersen ont choisi de quitter les Etats-Unis. Il faut dire que, plus que jamais, Michael est suspect dans une affaire de meurtre, lui qui a déjà été soupçonné dans d'autres décès aussi brutaux qu'inexplicables, puisque ces personnes sont mortes noyées alors qu'elles se trouvaient bien loin de la mer...
Avec l'aide de l'agent du FBI Andrew Leon et de sa collègue et maîtresse, Carolyn, Michael, Megan et leur fils Eric ont pu bénéficier d'une fausse identité pour prendre la direction du Canada. Pourquoi cette destination ? Petersen veut absolument revenir sur les lieux du naufrage du Queen of Alberta, qui eut lieu 30 ans plus tôt. Le zoologiste y a perdu ses parents et est resté gravement phobique, suite à ce traumatisme. Il est désormais certain que c'est là que tout à commencé qu'il comprendra les événements tragiques qui se multiplient depuis quelques mois autour de lui...
Mais, lorsque les Petersen approche du lieu de la catastrophe maritime, Megan essaye de dissuader Michael de plonger dans le but de voir l'épave. La jeune femme a de quoi être un peu effrayée : depuis le naufrage, Michael a toujours eu une peur bleue de l'eau, au point de ne jamais s'approcher de l'océan, même dans le cadre de son métier ! Pourtant, le voilà naturellement aux commandes d'une vedette, envisageant de plonger comme si c'était un geste quotidien...
La peur n'est pourtant pas la seule motivation de Megan : cette visite macabre en Colombie-Britannique risque de révéler bien des mensonges, dont a été victime le zoologiste, y compris ceux de son épouse. Alors, celle-ci, la mort dans l'âme, va devoir menacer l'homme qu'elle aime pour l'obliger à faire demi-tour... Et, en agissant ainsi, elle va réveiller la mer, une meute, il n'y a pas d'autres mots, d'animaux marins, orques en tête, qui poursuivent le bateau...
Pendant ce temps, l'agent du FBI Andrew Leon n'a pas encore de soucis avec sa hiérarchie, mais ceux qui l'attendent sont d'un tout autre calibre... En effet, l'algorithme qu'il a mis au point et qui permet, pardon si je simplifie abusivement, de détecter les phénomènes surnaturels là où ils se produisent, a attiré l'attention des deux Voies, d'abord la Main Droite, puis la Main Gauche.
La Main Droite a envoyé un de ses fers de lance, le bien nommé inquisiteur Mandylion. Ses arguments sont... musclés, à défaut d'être convaincants, en tout cas pour Leon. Celui-ci refuse de coopérer et provoque ainsi l'ire de Mandylion. Sans l'intervention d'une des mages de la Main Gauche, sans doute aurait-il fini dans les geôles de l'Inquisition, cet organisme d'un autre temps, dont le nom a changé, mais pas l'influence...
Pourtant, ce sauvetage, pour l'agent du FBI, c'est comme tomber de Charybde en Scylla... Les intentions de la Main Gauche n'ont rien à envier à celles de la Main Droite. Leurs méthodes, non plus. Quant aux scrupules, je ne suis pas certain qu'ils connaissent le sens de ce mot... Il va falloir à Leon subir la pire des épreuves et ne pas craquer s'il ne veut pas voir sa découverte utilisée à des fins terrifiantes...
L'Ombre, elle aussi, surveille les événements de près. C'est elle qui va tirer Michael des mauvais pas dans lequel il se retrouve, car l'étau se resserre, les mages de la Main Gauche fondent sur lui... Peu à peu, les motivations des uns et des autres se dévoilent, les rivalités aussi, au sein du Comité, où chaque mage nourrit des ambitions propres... Eh oui, pas pour rien que ce troisième tome a pour sous-titre "le Pouvoir"... Dans différentes acceptions du mot, d'ailleurs...
L'épouse de Michael, elle, doit jouer un bien dangereux double jeu si elle veut apporter son aide au zoologiste... Mais, cette ambiguïté risque de lui coûter son amour, sa famille, peut-être sa vie... La voilà condamnée à trahir, encore, cette fois-ci pour une cause en laquelle elle croit sincèrement, du plus profond de son coeur... Voilà qui ne s'annonce pas évidemment, entourée qu'elle est des mages les plus puissants qui soient...
Désormais, au Canada, les masques vont tomber, les affrontements décisifs vont se dérouler, chacun des personnages va se retrouver confronté aux autres, mais surtout à lui-même. Car, en plus des batailles titanesques qui vont définir des hiérarchies, régler des comptes et affirmer la puissance des uns et des autres, ce dernier volume de la trilogie de Lionel Davoust propose des combats intérieurs violents, où les caractères, les qualités et les défauts des protagonistes vont émerger...
Dans cette ambiance délétère, Michael Petersen sera une nouvelle fois le centre d'attraction de tout ce jeu d'influences, le coeur, le noyau de la puissance dépassant notre entendement qui va se déchaîner. Il est l'épicentre simultanément d'une explosion et d'une implosion formidables qui vont modifier bien des choses dans la perception de chacun de l'existence en général et de sa propre vie, en particulier.
Bien sûr, je ne suis pas très clair dans ce que je raconte. Mais, si vous avez déjà lu les deux premiers volets, il me semble très important de ne pas en dire trop sur les enjeux de ce dénouement ; et si vous tombez sur ce billet sans connaître le "Léviathan" de Lionel Davoust, là, je ne peux que vous conseillez d'entreprendre la lecture de ces livres, que l'auteur qualifie d'urban fantasy, que l'éditeur a choisi d'étiqueter "thriller" mais qui est un savant et savoureux mélange des deux, un thriller contemporain dense et efficace, mâtiné de fantasy, qui fait irruption dans l'histoire d'abord presque subrepticement, puis de manière de plus en plus spectaculaire...
Avant d'évoquer les thématiques de ce troisième tiers, une parenthèse subjective et toute personnelle. J'ai connu avec "Léviathan", et plus encore avec ce troisième tome, une expérience de lecture particulière... Tout au long de ces trois livres, j'ai eu la sensation de suivre un récit en noir et blanc... Je pense, pour avoir retourné cette question dans mon esprit malade, que j'ai été influencé par l'omniprésence de l'océan.
Mais pas un océan de carte postale, turquoise, apaisée, qui donne envie que piquer une tête illico... Non, l'océan noir, sombre, glacial, menaçant, tel qu'il apparaît par exemple à la fin du premier tome, lorsque Petersen disparaît, mais aussi, tout au long de ce troisième tome, où son rôle ne lui donne pas une image façon affiche publicitaire pour le Club Med.
Une noirceur qui m'a sans doute poussé à "voir" l'histoire se dérouler dans un camaïeu de gris, avec une nette tonalité sombre... Sauf, sauf pendant les scènes de combats, incroyablement chorégraphiées, terriblement visuelles et séduisantes... Un danger fascinant, explosif, étincelant, qui se pare de couleurs magnifiques et chatoyantes, dans mon esprit de lecteur...
En discutant lors des Imaginales d'Epinal de ce livre, on m'a dit, lorsque j'ai exposé cette lubie bizarre, que ça faisait penser au film "Sin City"... Oui et non. D'abord parce que je n'ai pas imaginé le côté graphique façon Comics de "Sin City", pour moi, "Léviathan" est un récit réaliste malgré le fantastique. Ensuite, parce que ce sont des personnages de chair et de sang que je vois évoluer au fil des pages... Mais, malgré ces différences, il y a quand même un peu de ça, oui...
Et puisque je parle de ce que j'ai "vu" en lisant ce dernier volet (amis lecteurs, vous savez ce que je veux dire, quand j'emploie le mot "voir" dans ce contexte, n'est-ce pas ?), je dois dire que les combats évoqués ci-dessus, sont encore une fois époustouflants ! Directement sortis de films de sabre asiatiques (les mages combattent en effet avec des épées rituelles), ils ont fait frétiller mon imagination et tout ce qui dans mon cerveau est chargé de transmettre...
Entre cette filière asiatique et ma lubie coloriste, figurez-vous que j'ai eu l'impression de lire un récit dans la lignée de "Hero", film juste splendide, où l'utilisation des couleurs, autant que les figures réalisées par les comédiens, joue un rôle aussi bien que les faits racontés eux-mêmes. C'est... juste beau, je ne vais pas m'appesantir, juste vous conseiller de voir "Hero", si vous ne connaissez pas encore, et de lire "Léviathan", évidemment ! Ah bon, je l'ai déjà dit ? Je radote, alors, l'âge, sans doute...
Refermons cette (longue) parenthèse si subjective, mais qui, j'en suis certain, pourrait ouvrir de longues discussions, tant, d'un lecteur à l'autre, ce genre de vision varie... Revenons au court plus classique de notre billet en approfondissant le point majeur déjà évoqué plus haut, point névralgique, pour moi, de ce troisième tome de "Léviathan" : la lutte, contre les autres, évidemment, mais aussi contre soi-même, pour faire sortir de la gangue un être nouveau, libre peut-être, assumant cette nouvelle voie, située entre la Main Droite et la Main Gauche, entre ces carcans que l'un comme l'autre camp cherchent à imposer.
Au sein du comité, les mages sont en lutte avec eux-mêmes, d'une certaine façon, car, petit à petit, leurs ambitions prennent le dessus sur le projet global de la Voie de la Main Gauche. Comme des coutures qui, l'une après l'autre, saute... Mais, on comprend peu à peu que Julius et Alukar ne sont pas les premiers à se laisser ainsi aller à vouloir suivre leur propre chemin, que les dissensions ne sont pas nouvelles entre les mages, que la belle unité affichée de longue date se lézarde de plus en plus.
D'où les oppositions frontales qui vont se déclencher, non comme des cerfs s'affrontant à la force de leurs bois pour atteindre une suprématie sur ses congénères, mais véritablement comme une quête individuelle pour un acquérir un pouvoir extraordinaire, difficilement qualifiable avec notre vocabulaire, croit-on, avant, en fin d'histoire, d'en mesurer l'ampleur...
Pour Megan et Andrew, là aussi, la lutte est autant intérieure qu'un combat contre une adversité. Bien sûr, chacun d'eux doit affronter la puissance destructrice des mages et tout ce qu'elle pourrait entraîner dans leur existence (à condition d'y survivre...). Mais leur survie dépend aussi d'eux-mêmes et peut-être avant tout d'eux-mêmes...
Megan doit se faire violence pour revenir vers ceux qui l'ont envoyée auprès de Michael et leur donner le change. Après avoir été séparée de son mari, devant veiller sur son fils, elle ne sait absolument pas ce qu'il va advenir de Michael, si elle a le moindre espoir de retrouver un jour l'homme dont elle est tombée amoureuse, en totale contradiction avec sa mission initiale...
Rejouer ce jeu de la femme soumise à la puissance magique, alors qu'elle n'y croit plus, qu'elle n'a plus aucune confiance en ses maîtres et qu'elle ne désire que comprendre ce qui arrive à Michael pour essayer de le sauver, le sauver de ces dangers dont elle a une idée, c'est vrai, mais finalement assez vague. Se mettre en danger ne sera rien, à côté de l'introspection qui commence dès les premières pages de cette dernière partie, introspection qui fait d'elle une traîtresse, une femme qui devra convaincre son homme qu'elle a toujours été sincère en matière de sentiments... Mais que les révélations seront lourdes et parfois inattendues !
Quant à Leon, pris au piège pour avoir découvert par accident ce fameux algorithme, il mesure vite l'enjeu. Pas difficile de comprendre, en même temps, que sa vie ne tient qu'à un fil : s'il lâche les éléments nécessaires pour qu'un autre que lui, forcément bien moins bien intentionné en prenne le contrôle, alors, on se débarrassera de lui aussitôt...
Au-delà du risque que sa découverte tombe entre de mauvaises mains, il y a donc sa capacité à survivre, à se battre contre lui-même, sa souffrance, son découragement, la folie aux confins de laquelle vont le conduire les traitements de choc auxquels il va être soumis. Mais ne pas lâcher, surtout ne pas lâcher, de sa résistance et de son combat contre lui-même dépend bien plus qu'une possible survie... Et, s'il y parvient, alors, sans doute se révélera-t-il à lui-même, bien au-delà de ce qu'il peut imaginer...
Enfin, Michael Petersen... Falot en début de trilogie, il a dû composer avec ce qui s'est éveillé en lui, ce qu'il a déclenché ou ce qu'on a déclenché pour lui, allez savoir... Bien sûr, après un premier volet qui nous laissait complètement dans la mélasse, on a vu s'esquisser dans le deuxième tome ce qui clochait chez ce garçon sans histoire... Ici, on va enfin mieux comprendre tout ce qui fait de ce gars anodin, transparent, le centre de toutes les attentions, la cible de puissances phénoménales.
Mais, là encore, au-delà de cette lutte pour survivre à ceux qui, manifestement, veulent le tuer, on découvre une lutte terrible d'un homme contre lui-même. Si j'ai un peu extrapolé pour rédiger les paragraphes précédents, ici, je suis tranquille, tout est dans le livre. Dans le tome 2, on avait vu apparaître celui qu'on appelait alors l'Ombre, je vais garder ce vocable, ce qui préservera le mystère sur son identité réelle.
Ce que je peux cependant dire, c'est qu'il y a véritable cohabitation entre Michael et l'Ombre. Et plus pour le pire que pour le meilleur. Deux revers d'une même médaille, tant ces deux-là paraissent opposés en tous points. Mais comment accepter que l'Ombre, fatale, venimeuse, impitoyable, soit une partie de soit ? Comment reprendre le contrôle de son esprit, de son existence ? Voilà ce que dois découvrir Michael Petersen, alors qu'il est une proie d'autres forces censées le dépasser...
Je ne vais pas plus loin, car voilà tout l'enjeu de ce dernier tome, tout ce qui va conditionner le dénouement de cette excellente trilogie qui vient confirmer le talent de Lionel Davoust, déjà bien apparent dans "la Volonté du Dragon", mais aussi dans la plupart de ses nouvelles. "Léviathan" est d'ailleurs pour moi dans la lignée de ce premier roman, purement du genre fantasy, celui-là, dans l'utilisation du jeu...
Dans "la volonté du Dragon", c'est un jeu qui ressemble fort à nos échecs qui est au coeur du récit. Dans "Léviathan", on est plus proche du jeu de rôles, chaque mage bénéficiant de spécificités individuelles, de forces et de faiblesses que les autres doivent exploiter. Qui jette les dés, qui décide des affrontements ? Ca... L'auteur, répond le blogueur qui se défile !
Cette impression a été renforcée par la structure des combats, souvent longs, où chacun des belligérants éprouve l'autre, cherche la faille, l'erreur, mais aussi à affaiblir son adversaire en espérant posséder une endurance supérieure. Le lecteur, témoin des joutes, voit comme des points de vie s'envoler, comme des barres de puissance se réduire...
L'enjeu de ce jeu de rôles grandeur nature n'est pas un fabuleux trésor, le coeur d'une belle princesse, la couronne d'un riche royaume, ni même un quelconque pouvoir terrestre, comme on pourrait l'entendre, mais quelque chose de plus précieux et de plus fort à la fois, quelque chose d'inestimable tant c'est difficile à acquérir : la liberté !
La liberté d'un homme, Michael Petersen, dont on l'a privé "à l'insu de son plein gré". Mais, sortons de la simple dimension livresque : le message est pour nous aussi, chaque lecteur de cette trilogie, pour que nous sachions à notre tour saisir notre liberté, en nous affranchissant des systèmes, des formatages, des contingences qu'on nous impose du berceau à la tombe.
Oui, ce Léviathan qui est en nous tous, mais que ceux qui nous dirigent veulent empêcher de sortir, à tout prix, c'est la Liberté...
A méditer...
(NDLA : le titre est tiré du texte de la chanson "Ma part d'ombre", du groupe Eiffel).
Pendant ce temps, l'agent du FBI Andrew Leon n'a pas encore de soucis avec sa hiérarchie, mais ceux qui l'attendent sont d'un tout autre calibre... En effet, l'algorithme qu'il a mis au point et qui permet, pardon si je simplifie abusivement, de détecter les phénomènes surnaturels là où ils se produisent, a attiré l'attention des deux Voies, d'abord la Main Droite, puis la Main Gauche.
La Main Droite a envoyé un de ses fers de lance, le bien nommé inquisiteur Mandylion. Ses arguments sont... musclés, à défaut d'être convaincants, en tout cas pour Leon. Celui-ci refuse de coopérer et provoque ainsi l'ire de Mandylion. Sans l'intervention d'une des mages de la Main Gauche, sans doute aurait-il fini dans les geôles de l'Inquisition, cet organisme d'un autre temps, dont le nom a changé, mais pas l'influence...
Pourtant, ce sauvetage, pour l'agent du FBI, c'est comme tomber de Charybde en Scylla... Les intentions de la Main Gauche n'ont rien à envier à celles de la Main Droite. Leurs méthodes, non plus. Quant aux scrupules, je ne suis pas certain qu'ils connaissent le sens de ce mot... Il va falloir à Leon subir la pire des épreuves et ne pas craquer s'il ne veut pas voir sa découverte utilisée à des fins terrifiantes...
L'Ombre, elle aussi, surveille les événements de près. C'est elle qui va tirer Michael des mauvais pas dans lequel il se retrouve, car l'étau se resserre, les mages de la Main Gauche fondent sur lui... Peu à peu, les motivations des uns et des autres se dévoilent, les rivalités aussi, au sein du Comité, où chaque mage nourrit des ambitions propres... Eh oui, pas pour rien que ce troisième tome a pour sous-titre "le Pouvoir"... Dans différentes acceptions du mot, d'ailleurs...
L'épouse de Michael, elle, doit jouer un bien dangereux double jeu si elle veut apporter son aide au zoologiste... Mais, cette ambiguïté risque de lui coûter son amour, sa famille, peut-être sa vie... La voilà condamnée à trahir, encore, cette fois-ci pour une cause en laquelle elle croit sincèrement, du plus profond de son coeur... Voilà qui ne s'annonce pas évidemment, entourée qu'elle est des mages les plus puissants qui soient...
Désormais, au Canada, les masques vont tomber, les affrontements décisifs vont se dérouler, chacun des personnages va se retrouver confronté aux autres, mais surtout à lui-même. Car, en plus des batailles titanesques qui vont définir des hiérarchies, régler des comptes et affirmer la puissance des uns et des autres, ce dernier volume de la trilogie de Lionel Davoust propose des combats intérieurs violents, où les caractères, les qualités et les défauts des protagonistes vont émerger...
Dans cette ambiance délétère, Michael Petersen sera une nouvelle fois le centre d'attraction de tout ce jeu d'influences, le coeur, le noyau de la puissance dépassant notre entendement qui va se déchaîner. Il est l'épicentre simultanément d'une explosion et d'une implosion formidables qui vont modifier bien des choses dans la perception de chacun de l'existence en général et de sa propre vie, en particulier.
Bien sûr, je ne suis pas très clair dans ce que je raconte. Mais, si vous avez déjà lu les deux premiers volets, il me semble très important de ne pas en dire trop sur les enjeux de ce dénouement ; et si vous tombez sur ce billet sans connaître le "Léviathan" de Lionel Davoust, là, je ne peux que vous conseillez d'entreprendre la lecture de ces livres, que l'auteur qualifie d'urban fantasy, que l'éditeur a choisi d'étiqueter "thriller" mais qui est un savant et savoureux mélange des deux, un thriller contemporain dense et efficace, mâtiné de fantasy, qui fait irruption dans l'histoire d'abord presque subrepticement, puis de manière de plus en plus spectaculaire...
Avant d'évoquer les thématiques de ce troisième tiers, une parenthèse subjective et toute personnelle. J'ai connu avec "Léviathan", et plus encore avec ce troisième tome, une expérience de lecture particulière... Tout au long de ces trois livres, j'ai eu la sensation de suivre un récit en noir et blanc... Je pense, pour avoir retourné cette question dans mon esprit malade, que j'ai été influencé par l'omniprésence de l'océan.
Mais pas un océan de carte postale, turquoise, apaisée, qui donne envie que piquer une tête illico... Non, l'océan noir, sombre, glacial, menaçant, tel qu'il apparaît par exemple à la fin du premier tome, lorsque Petersen disparaît, mais aussi, tout au long de ce troisième tome, où son rôle ne lui donne pas une image façon affiche publicitaire pour le Club Med.
Une noirceur qui m'a sans doute poussé à "voir" l'histoire se dérouler dans un camaïeu de gris, avec une nette tonalité sombre... Sauf, sauf pendant les scènes de combats, incroyablement chorégraphiées, terriblement visuelles et séduisantes... Un danger fascinant, explosif, étincelant, qui se pare de couleurs magnifiques et chatoyantes, dans mon esprit de lecteur...
En discutant lors des Imaginales d'Epinal de ce livre, on m'a dit, lorsque j'ai exposé cette lubie bizarre, que ça faisait penser au film "Sin City"... Oui et non. D'abord parce que je n'ai pas imaginé le côté graphique façon Comics de "Sin City", pour moi, "Léviathan" est un récit réaliste malgré le fantastique. Ensuite, parce que ce sont des personnages de chair et de sang que je vois évoluer au fil des pages... Mais, malgré ces différences, il y a quand même un peu de ça, oui...
Et puisque je parle de ce que j'ai "vu" en lisant ce dernier volet (amis lecteurs, vous savez ce que je veux dire, quand j'emploie le mot "voir" dans ce contexte, n'est-ce pas ?), je dois dire que les combats évoqués ci-dessus, sont encore une fois époustouflants ! Directement sortis de films de sabre asiatiques (les mages combattent en effet avec des épées rituelles), ils ont fait frétiller mon imagination et tout ce qui dans mon cerveau est chargé de transmettre...
Entre cette filière asiatique et ma lubie coloriste, figurez-vous que j'ai eu l'impression de lire un récit dans la lignée de "Hero", film juste splendide, où l'utilisation des couleurs, autant que les figures réalisées par les comédiens, joue un rôle aussi bien que les faits racontés eux-mêmes. C'est... juste beau, je ne vais pas m'appesantir, juste vous conseiller de voir "Hero", si vous ne connaissez pas encore, et de lire "Léviathan", évidemment ! Ah bon, je l'ai déjà dit ? Je radote, alors, l'âge, sans doute...
Refermons cette (longue) parenthèse si subjective, mais qui, j'en suis certain, pourrait ouvrir de longues discussions, tant, d'un lecteur à l'autre, ce genre de vision varie... Revenons au court plus classique de notre billet en approfondissant le point majeur déjà évoqué plus haut, point névralgique, pour moi, de ce troisième tome de "Léviathan" : la lutte, contre les autres, évidemment, mais aussi contre soi-même, pour faire sortir de la gangue un être nouveau, libre peut-être, assumant cette nouvelle voie, située entre la Main Droite et la Main Gauche, entre ces carcans que l'un comme l'autre camp cherchent à imposer.
Au sein du comité, les mages sont en lutte avec eux-mêmes, d'une certaine façon, car, petit à petit, leurs ambitions prennent le dessus sur le projet global de la Voie de la Main Gauche. Comme des coutures qui, l'une après l'autre, saute... Mais, on comprend peu à peu que Julius et Alukar ne sont pas les premiers à se laisser ainsi aller à vouloir suivre leur propre chemin, que les dissensions ne sont pas nouvelles entre les mages, que la belle unité affichée de longue date se lézarde de plus en plus.
D'où les oppositions frontales qui vont se déclencher, non comme des cerfs s'affrontant à la force de leurs bois pour atteindre une suprématie sur ses congénères, mais véritablement comme une quête individuelle pour un acquérir un pouvoir extraordinaire, difficilement qualifiable avec notre vocabulaire, croit-on, avant, en fin d'histoire, d'en mesurer l'ampleur...
Pour Megan et Andrew, là aussi, la lutte est autant intérieure qu'un combat contre une adversité. Bien sûr, chacun d'eux doit affronter la puissance destructrice des mages et tout ce qu'elle pourrait entraîner dans leur existence (à condition d'y survivre...). Mais leur survie dépend aussi d'eux-mêmes et peut-être avant tout d'eux-mêmes...
Megan doit se faire violence pour revenir vers ceux qui l'ont envoyée auprès de Michael et leur donner le change. Après avoir été séparée de son mari, devant veiller sur son fils, elle ne sait absolument pas ce qu'il va advenir de Michael, si elle a le moindre espoir de retrouver un jour l'homme dont elle est tombée amoureuse, en totale contradiction avec sa mission initiale...
Rejouer ce jeu de la femme soumise à la puissance magique, alors qu'elle n'y croit plus, qu'elle n'a plus aucune confiance en ses maîtres et qu'elle ne désire que comprendre ce qui arrive à Michael pour essayer de le sauver, le sauver de ces dangers dont elle a une idée, c'est vrai, mais finalement assez vague. Se mettre en danger ne sera rien, à côté de l'introspection qui commence dès les premières pages de cette dernière partie, introspection qui fait d'elle une traîtresse, une femme qui devra convaincre son homme qu'elle a toujours été sincère en matière de sentiments... Mais que les révélations seront lourdes et parfois inattendues !
Quant à Leon, pris au piège pour avoir découvert par accident ce fameux algorithme, il mesure vite l'enjeu. Pas difficile de comprendre, en même temps, que sa vie ne tient qu'à un fil : s'il lâche les éléments nécessaires pour qu'un autre que lui, forcément bien moins bien intentionné en prenne le contrôle, alors, on se débarrassera de lui aussitôt...
Au-delà du risque que sa découverte tombe entre de mauvaises mains, il y a donc sa capacité à survivre, à se battre contre lui-même, sa souffrance, son découragement, la folie aux confins de laquelle vont le conduire les traitements de choc auxquels il va être soumis. Mais ne pas lâcher, surtout ne pas lâcher, de sa résistance et de son combat contre lui-même dépend bien plus qu'une possible survie... Et, s'il y parvient, alors, sans doute se révélera-t-il à lui-même, bien au-delà de ce qu'il peut imaginer...
Enfin, Michael Petersen... Falot en début de trilogie, il a dû composer avec ce qui s'est éveillé en lui, ce qu'il a déclenché ou ce qu'on a déclenché pour lui, allez savoir... Bien sûr, après un premier volet qui nous laissait complètement dans la mélasse, on a vu s'esquisser dans le deuxième tome ce qui clochait chez ce garçon sans histoire... Ici, on va enfin mieux comprendre tout ce qui fait de ce gars anodin, transparent, le centre de toutes les attentions, la cible de puissances phénoménales.
Mais, là encore, au-delà de cette lutte pour survivre à ceux qui, manifestement, veulent le tuer, on découvre une lutte terrible d'un homme contre lui-même. Si j'ai un peu extrapolé pour rédiger les paragraphes précédents, ici, je suis tranquille, tout est dans le livre. Dans le tome 2, on avait vu apparaître celui qu'on appelait alors l'Ombre, je vais garder ce vocable, ce qui préservera le mystère sur son identité réelle.
Ce que je peux cependant dire, c'est qu'il y a véritable cohabitation entre Michael et l'Ombre. Et plus pour le pire que pour le meilleur. Deux revers d'une même médaille, tant ces deux-là paraissent opposés en tous points. Mais comment accepter que l'Ombre, fatale, venimeuse, impitoyable, soit une partie de soit ? Comment reprendre le contrôle de son esprit, de son existence ? Voilà ce que dois découvrir Michael Petersen, alors qu'il est une proie d'autres forces censées le dépasser...
Je ne vais pas plus loin, car voilà tout l'enjeu de ce dernier tome, tout ce qui va conditionner le dénouement de cette excellente trilogie qui vient confirmer le talent de Lionel Davoust, déjà bien apparent dans "la Volonté du Dragon", mais aussi dans la plupart de ses nouvelles. "Léviathan" est d'ailleurs pour moi dans la lignée de ce premier roman, purement du genre fantasy, celui-là, dans l'utilisation du jeu...
Dans "la volonté du Dragon", c'est un jeu qui ressemble fort à nos échecs qui est au coeur du récit. Dans "Léviathan", on est plus proche du jeu de rôles, chaque mage bénéficiant de spécificités individuelles, de forces et de faiblesses que les autres doivent exploiter. Qui jette les dés, qui décide des affrontements ? Ca... L'auteur, répond le blogueur qui se défile !
Cette impression a été renforcée par la structure des combats, souvent longs, où chacun des belligérants éprouve l'autre, cherche la faille, l'erreur, mais aussi à affaiblir son adversaire en espérant posséder une endurance supérieure. Le lecteur, témoin des joutes, voit comme des points de vie s'envoler, comme des barres de puissance se réduire...
L'enjeu de ce jeu de rôles grandeur nature n'est pas un fabuleux trésor, le coeur d'une belle princesse, la couronne d'un riche royaume, ni même un quelconque pouvoir terrestre, comme on pourrait l'entendre, mais quelque chose de plus précieux et de plus fort à la fois, quelque chose d'inestimable tant c'est difficile à acquérir : la liberté !
La liberté d'un homme, Michael Petersen, dont on l'a privé "à l'insu de son plein gré". Mais, sortons de la simple dimension livresque : le message est pour nous aussi, chaque lecteur de cette trilogie, pour que nous sachions à notre tour saisir notre liberté, en nous affranchissant des systèmes, des formatages, des contingences qu'on nous impose du berceau à la tombe.
Oui, ce Léviathan qui est en nous tous, mais que ceux qui nous dirigent veulent empêcher de sortir, à tout prix, c'est la Liberté...
A méditer...
(NDLA : le titre est tiré du texte de la chanson "Ma part d'ombre", du groupe Eiffel).
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