Autant je suis peu sensible aux couvertures, autant je suis très attentif aux titres des livres, car, parfois, ils m'intriguent et me donnent envie de lire un roman plutôt qu'un autre. Et c'est ainsi qu'en cette rentrée littéraire, je me suis laisser tenter par le nouveau roman de Jean Rolin, "le ravissement de Britney Spears" (paru aux éditions POL). Une vraie découverte, car, si je connais et apprécie Olivier Rolin, je n'avais encore jamais lu de livre de Jean, son frère.
Comment un agent des services secrets français peut-il se retrouver au fin fond du Tadjikistan, avec comme mission de noter les plaques d'immatriculation des voitures traversant (dans les deux sens) la frontière chinoise ? Eh bien, parce qu'il a échoué dans sa mission précédente, manquant de provoquer un incident diplomatique international à côté duquel le sabordage du Rainbow Warrior par les faux époux Turenge passerait pour de la gnognote...
Cette mission, c'est empêcher l'enlèvement de la chanteuse américaine Birtney Spears par des islamistes fondamentalistes. Comment les services français ont-ils obtenu cette information ? Mystère et boules de gomme... Mais une chose est certaine, nos valeureux espions comptent bien profiter de la situation, si jamais elle se produit...
Alors, un des meilleurs agents de terrain est envoyé à Los Angeles pour veiller sur la star, ou plutôt, pour se tenir prêt à intervenir avant tout le monde en cas de tentative terroriste. Mais voilà, est-il le vraiment le meilleur pour cette mission tant il semble étranger à l'univers "people" des paillettes hollywoodiennes. Pire encore, cet agent ne conduit pas et doit utiliser taxis, bus et métro dans cette mégapole où tout est fait pour donner la priorité à l'automobile.
Bref, voilà un homme qui, du fin fond de son exil asiatique, va nous relater ses (més)aventures dans cet univers qu'il méprise, lui qui préfère Orson Welles ou Bergman aux blockbusters planétaires et aux starlettes pour adolescents.
Sans jamais la rencontrer véritablement, le narrateur va donc passer deux mois aux basques de Britney Spears, essayant de se familiariser avec les us et coutumes des stars, des paparazzis qui ne les lâchent pas d'un pouce, des médias qui font leurs choux gras de n'importe quel incident les concernant et découvrant aussi, de par ses pérégrinations à travers la Cité des Anges, l'envers du décor, bien moins glamour.
Il faut préciser que le moment pour surveiller Britney est particulièrement bien choisi car la jeune femme est au quotidien sous le feu des projecteurs, les médias et le public attendant de voir si elle va réussir à se sortir d'une période compliqué (divorce, addictions, pétages de plomb, prise de poids, activité musicale au ralenti...). Mais, peu à peu, comme c'est le sort terrible de métier, elle va se voir remplacée à la une des gazettes (et pas seulement) par une oncurrente plus jeune et plus déjantée, Lindsay Lohan...
Comme si le ravissement évoqué part Rolin dans le titre de son roman n'était ni l'expression d'une joie quelconque, ni une extase mystique, ni même un kidnapping à la portée retentissante, mais bel et bien, le ravissement de la une des titres de la presse people ou de caniveau...
Voilà qui ne facilite pas la tâche de notre narrateur, obligé de s'acoquiner avec le "gratin" des journalistes people, afin de ne jamais perdre la trace de Britney et, par-là même, le fil de sa mission. Une mission dont la vacuité n'a d'égal que celle de ce monde totalement artificiel (pour eux, même le paradis, l'est...) et vain mais qui focalise l'attention en permanence d'un pays aux mains de la superficialité et de la pudibonderie.
Alors, il erre, de quartiers chics en établissements de luxe, mais aussi de zones plus sauvages, moins peuplées, en lieux laissés à l'abandon, comme ceux qui y vivent ou y survivent tant bien que mal, bien loin des fastes des villas de stars. Il joue les pique-assiette, essayant de se rappeler que l'espion qu'il est, malgré tout, se doit de rester discret dans un monde où cette valeur n'existe pas...
Et, comme dans ce monde, tout n'est qu'illusion, le narrateur finit par se demander lui-même si sa mission a vraiment une existence, si on ne se joue pas de lui comme ces stars se jouent de leurs fans et des médias et s'il n'y aurait pas une autre histoire derrière le décor de carton-pâte dans lequel on le force à évoluer.
A sa manière, Jean Rolin nous offre un roman qui se situe quelque part entre le roman noir des années 40 et les écrits de Brett Easton Ellis. Le narrateur a beau être un agent secret, il fait penser, par son côté désabusé et fatigué, à ces détectives privés qu'affectionnaient les Chandler ou autres Hammett. Les motels où descend notre agent sont aussi miteux que leurs bureaux étaient délabrés. Et toute l'affaire tourne autour de femmes fatales, blondes (enfin, par toujours...), lointaines et sans doute venimeuses, si on les côtoie de trop près.
Pour le côté Ellis, il y a ce voyage dans les coulisses de la High Society hollywoodienne où seul le paraître compte, où, pour être discret, il suffit de porter d'énoooormes lunettes de soleil qui vous font remarquer encore un peu plus (mais c'est ça, le jeu !!), où les fringues de marque, la coiffure les cosmétiques en disent plus long sur vous que bien des discours (mais moins que les articles de presse et les reportages audiovisuels), où la vulgarité s'étale sans pudeur ni limite, où la violence n'est pas physique mais sociale et morale, où l'alcool et la drogue font partie du quotidien, où tout n'est finalement qu'une gigantesque comédie... pas drôle.
Enfin, dernier contraste, celui entre les deux lieux où nous voyons évoluer notre brave agent... Entre Los Angeles et le Tadjikistan, quelle différence d'atmosphère ! La fourmilière californienne est en ébullition permanente quand l'ennui menace de tout ronger sur place comme la rouille une grille en fer forgé... Mais, après à la futilité totale de Hollywood, il se retrouve dans un lieu certes bien moins excitant a priori mais qui concentre tous les maux de la géopolitique mondiale actuelle (le Tadjikistan a des frontières que nous qualifierons poliment de poreuses avec la Chine, le Pakistan et l'Afghanistan).
Et pourtant, le monde entier se fout éperdument (et lui le premier) de ce qui se passe là-bas tandis que les frasques de Britney, Lindsay et les autres alimentent les conversations devant les machines à café du monde entier...
Rolin dénonce dans "le ravissement de Britney Spears", cette société otage du people au détriment de toute autre évènement pourtant plus important qui pourrait se dérouler dans le monde. Tout n'y est que toc et bling-bling, mais c'est ce qui fait rouler les affaires.
Après tout, doit-on être surpris de cela ? La règle de notre société (du spectacle) actuelle n'est-elle pas, quoi qu'il se produise par ailleurs : the show must go on ?
Je ne me pose qu'une seule question au sujet de ce roman : faut-il le lire au premier degré ou bien peut-on le lire avec un certain recul, qui confinera au mépris de la culture populaire chez certain, à un humour féroce, chez d'autres...
Et bien, ce n'est pas le genre de livres qui m'intéressent mais tu en parles si bien que ça me donne envie de l'essayer. Juste une question, comme je n'aime ni le glauque ni le sordide (suis chochotte, un peu, hum), puis-je me lancer sans craindre le mal de coeur ? :-))
RépondreSupprimerLa violence, dans ce roman, est surtout sociale. On est vraiment dans le choc brutal entre richesse et pauvreté, m'as-tu-vu et honte, superflu en abondance et manque de l'essentiel. C'est un faux roman d'espionnage, "notre agent" n'a rien de James Bond, sauf dans les cocktails. D'ailleurs, pour ce qui est du mal de coeur, la seule chose qui peut le provoquer, c'est l'abus d'alcool (et d'autres substances moins légales...).
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