jeudi 1 mai 2014

"On n'est jamais libre. Il y a les personnes qui nous retiennent, et, quand elles ne sont plus là, il y a les fantômes" (Valérie Gans).

Une découverte ! Oh, ce n'est pas une surprise pour certains, car je fais la réclame (oui, j'aime bien les mots désuets...) pour ce livre depuis quelques jours sur les réseaux sociaux. Un court roman, moins de 200 pages, mais cela suffit à installer un univers qui m'a séduit et passionné. Un véritable roman d'aventure mais aussi une émouvante histoire d'amour. Avec "Dresseur de fantômes", de Camille Brissot (publié par l'Atalante, couverture de Philippe Jozelon), j'ai passé un moment de lecture plus qu'agréable et j'espère que ce billet, sans trop vous en dire, vous donnera un aperçu fidèle de cet univers et vous donnera envie de le découvrir à votre tour.





Valentine et Théophraste forment un couple à la ville comme au boulot. Et leur boulot n'est pas ordinaire : ils sont mandatés (et rémunérés) pour partir à la recherche de trésors ou d'antiquités rares, de tout objet pouvant satisfaire leur client. Et peu importe où se trouvent ces objets, le couple est le meilleur dans son domaine...

Mais, depuis plus d'un an, le couple ne travaille plus. Et pour cause : Valentine est morte. Pire, elle a été assassinée, empoisonnée. Et pas par n'importe qui : leur principal client, qu'ils n'avaient jamais rencontré et ne connaissent que sous le nom de "Collectionneur". Cet homme riche et puissant à qui ils ont rapporté tant de trésors a tendu un piège à Valentine dans le but de la faire disparaître...

Théophraste a été dévasté par la disparition de son âme soeur. Voilà pourquoi il a cessé de courir le monde pendant cette période. Mais il revient aux affaires, parce qu'il faut bien gagner sa vie, mais aussi parce qu'il espère bien se venger. Pour cela, il lui faudra retrouver la trace du Collectionneur, à propos duquel il n'a que très peu d'indices.

C'est pourquoi l'aide de Valentine lui sera précieuse. Pardon ? Oui, Valentine, sa compagne inséparable. Celle qui est morte, oui... Mais, allez savoir pourquoi, elle est revenue aux côtés de l'homme de sa vie sous la forme d'un fantôme. Il est le seul à pouvoir la voir, l'entendre, lui parler, mais elle n'a plus aucune sensation, toucher, goût, odorat, elle traverse les murs ou les personnes qu'elle croise. Un fantôme, quoi.

Sa présence invisible auprès de Théophraste a valu au jeune homme le surnom de Dresseur de fantômes et un respect teinté de frayeur de la part de ceux qu'il rencontre. Le couple pas ordinaire est à La Rochelle, prêt à traverser l'Atlantique. Officiellement, ils doivent retrouver quelque chose pour un client, officieusement, Théophraste croit savoir que le Collectionneur se trouve en Amérique...

C'est le début d'une enquête pleine de dangers et de surprises, pas toujours agréables, pour Théophraste et Valentine. Mais, le couple n'a pas que des ennemis, il peut aussi compter sur des alliés fidèles, toujours prêts à leur donner un coup de main. Parmi eux, le capitaine Peck, qui commande la frégate Odorante, le plus grand bateau à aubes du monde, sur lequel ils vont traverser l'océan.

Mais aussi les frères Malaga et toute la troupe de l'AéroCircus, un cirque pas comme les autres, puisque le chapiteau et tout le convoi se compose de dirigeables et de montgolfières. Ca, ce sont pour les amis d'avant. D'avant la mort de Valentine, je veux dire. C'est vous dire leur dévouement et leur fidélité : aucun n'a douté de la présence de Valentine auprès de Théophraste ; aucun n'a douté de la santé mentale du jeune homme...

Et puis, il y a les amis rencontrés en cours de route. A commencer par Tom, "comme Tom Sawyer", un gamin battu par son père et qui ne rêve que de voyages aux longs cours... Peut-être voient-ils en lui l'enfant qu'ils n'auront jamais... Mais ils vont l'aider à fuir ce père violent et bénéficieront de la reconnaissance d'un enfant très débrouillard... Ou encore Wicapi Wacan, un chef indien un peu particulier, qui va apporter au couple une aide salutaire dans leur quête idéale, dans la poursuite du Collectionneur.

Voilà pour la trame centrale du roman de Camille Brissot, livre complètement inclassable, entre fantasy, fantastique et science-fiction... Enfin, on est dans l'imaginaire, hein ! Et de la plus pure eau. Car, tout ce que je viens de raconter ne serait pas grand-chose sans l'univers dans lequel il se déroule. Non, je reformule : cette histoire est magnifiée par son contexte.

Nous sommes en 2014, un calendrier aperçu en début de roman en atteste. Mais le monde a beaucoup changé. La faute à ce qu'on appelle le Grand Maelström... Un événement qui a redessiné toute la carte du monde, sa géographie, mais aussi ses courants, ses climats... Bref, c'est notre monde, mais complètement différent...

Mais, l'originalité ne s'arrête pas là. Les plus attentifs d'entre vous auront noté les mots "bateau à aubes" ou "dirigeables" dans le début de ce billet. On pourrait ajouter "train" et quelques autres éléments qui devraient faire tilt : "STEAMPUNK !!!", vous entends-je crier... Oui, mais non, et c'est justement une des qualités du roman, pour moi.

Camille Brissot aurait pu surfer sur cette vague, très tendance, et je ne lui aurais pas jeté la pierre pour ça, mais elle a préféré proposer encore autre chose. Pas de vapeur, dans "Dresseur de fantômes", non, mais je ne vais pas tout vous dire non plus ! Juste que j'ai trouvé ça très original et que cela renouvelle le genre avec créativité.

Reste qu'on est dans une ambiance qui pourrait rappeler l'univers steampunk, ce XIXème siècle où déboule la modernité sous plein de formes différentes... Mais, en lisant "Dresseur de fantômes", ce n'est pas un XIXème siècle de livre d'histoire ou de roman de SF que j'ai cru voir, mais un hommage au XIXème siècle littéraire... Et plus particulièrement anglo-saxon.

Je dis "j'ai cru", parce qu'il m'arrive d'être la proie de visions, parce que je ne suis que le lecteur et que je ne peux préjuger des intentions d'un(e) auteur(e). Ce qui arrive est donc de mon fait, mais avec quelques indices, quand même qui m'ont mis la puce à l'oreille et justifient, je trouve, que je les mentionne (sans que ce soit exhaustif)...

La Rochelle et son port ont quelque chose du Londres de Dickens, Tom ("comme Tom Sawyer, vous vous souvenez ?) ainsi que les bateaux à aube rappellent Mark Twain, le capitaine Peck m'a renvoyé à Melville, la traversée de l'Atlantique à Stevenson, etc. Je trouve même que la frégate Odorante aurait sa place chez Jules Verne (ah, tiens, l'est pas anglo-saxon, lui !)...

La liste n'est pas complète, loin de là, mais je dois dire que cette période littéraire me plaît énormément et que ça a sans doute joué sur le fait que je me sente dans "Dresseur de fantômes" comme chez moi. C'est la combinaison des éléments que je viens de vous énumérer qui fait que j'aime beaucoup ce livre et que j'ai vraiment envie de vous faire partager ce plaisir.

Je n'ai qu'un regret : sa brièveté... 192 pages, ça passe à toute vitesse ! Dites, Camille Brissot, vous pourriez pas les faire un peu plus longs vos romans ? Euh, là, je vous parle d'une pub que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître, pour des gâteaux (séance de rattrapage ici), mais vous m'avez compris quand même, j'aurais bien pris un peu de rab...

Pour l'univers, je n'y reviens pas, mais aussi pour ce duo pas ordinaire qui focalise l'attention. Théophraste et Valentine... En tête, l'image de Patrick Swayze et Demi Moore dans "Ghost", même si les rôles sont inversés, ici, le fantôme est l'aimée. Mais j'ai retrouvé la même fusion psychique, à défaut d'être physique, chez ces deux-là...

Leur frustration, terrible, à laquelle on compatit, d'être ensemble sans vraiment l'être, l'impossibilité de se toucher, intimement, bien sûr, mais dans chaque geste du quotidien, que ce soit tendre ou simplement utile, nécessaire... La mort les a séparés, mais leur amour dure toujours (oui, ça fait un peu discours de mariage, désolé...) et la puissance de cet amour est aussi un des moteurs de cette histoire.

En particulier, parce qu'il alimente la soif de vengeance de Théophraste, mais aussi de Valentine qui sait pertinemment que ça n'arrangera pas sa situation, mais qui aimerait pouvoir infliger à son assassin son content de souffrance. Des amoureux maudits en quête de vengeance, voilà qui est peut-être classique en apparence, mais qui sera traité de façon là encore plutôt originale.

Autour de cela, se noue un roman d'aventure sans temps mort et bien rythmé avec quelques "moments de gloire", comme les scènes qui se situent dans l'AéroCircus, particulièrement spectaculaires (si vous avez le vertige, pensez à vos harnais !) mais aussi la scène finale, menée tambour battant.

Mais la place donnée à l'amitié, une amitié vraie, pure, sans contrepartie, m'a aussi beaucoup intéressé. J'ai évoqué dans le résumé cette amitié et ceux qui l'incarnent, je ne veux pas entrer trop dans les détails, mais chacun de ses personnages avoir son rôle à jouer dans le court du roman. Restons-en là, si vous le voulez bien.

Bien sûr, on pourra trouver "Dresseur de fantômes" un peu trop manichéens, avec de vrais gentils, héros inébranlables et positifs, qui s'opposent à de vrais méchants, qui ne seront jamais sur la voie de la rédemption... C'est en partie vrai, mais pas complètement. Surtout concernant le personnage de Valentine.

Théophraste, veuf éploré, est certes déterminé à faire payer au Collectionneur ce qu'il a fait à Valentine. Mais, ce garçon n'est pas une brute, la violence n'est pas une habitude pour lui et il peut se montrer naïf, par moment. En revanche, Valentine, sans doute parce qu'elle n'a plus rien à perdre et qu'une colère inhumaine habite son corps ectoplasmique, se montre prête à tout pour parvenir au but fixé. Quitte à se montrer violente, très violente.

Ne vous fiez pas totalement à ce que je viens de vous dire, il y a encore plein de surprises à découvrir dans ce roman signée par une jeune romancière que, j'avoue, qu'elle me pardonne, je ne connaissais pas du tout. Je me suis laisser embarquer dès les premières lignes et j'en redemandais une fois la dernière page tournée.

Et, depuis, une question me brûle les lèvres : retrouvera-t-on Théophraste et Valentine dans de nouvelles aventures ? Retrouvera-t-on cet univers étonnant, mystérieux, dépaysant et onirique à la fois ? Je le souhaiterais sincèrement, car l'alchimie a fonctionné sur le lecteur que je suis et je m'y replongerais avec délice...

Et puis, voir ce que vont devenir les personnages, les deux principaux, bien sûr, mais aussi Tom, le capitaine Peck ou les frères Malaga, en attendant, mais là, je prends mes désirs pour des réalités (à moins que je ne mette la pression sur Camille Brissot et sur l'Atalante ?), d'en découvrir de nouveaux qui viendront enrichir, par leur personnalité et ce qu'ils apporteront avec eux l'univers de "Dresseur de Fantômes"...

Alors, rêve ? Ou espoir et patience ?

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