lundi 23 janvier 2012

Nicolas Le Floch, première !

Eh oui, il en est des livres comme des trains, parfois, on les rate... Aujourd'hui, je fais amende honorable : oui, je suis, pendant une décennie, passé à côté des romans de Jean-François Parot et de son héros, Nicolas Le Floch. Mais l'an passé, apprenant la participation de Monsieur Parot à un festival qui m'est cher, j'avais essayé de rattraper cet oubli en lisant, avec grand plaisir, d'ailleurs, "le noyé du Grand-Canal" (en poche chez 10/18). Et puis, patatras, un imprévu, pas de M. Parot au festival... Mais une découverte pour moi, que ces polars ayant pour cadre le XVIIIème siècle. Aussi, me suis-je dis que ce ne serait pas si mal de poursuivre l'expérience plus loin, en s'attaquant à toute la série? Ne soyez donc pas étonnés si vous retrouvez Parot et Le Floch de temps en temps sur ce blog ! Et comme toute série a un commencement, voici donc un billet sur le premier roman mettant en scène Nicolas Le Floch : "l'énigme des Blancs-Manteaux" (dans sa version poche, chez 10/18).


Couverture L'Énigme des Blancs-Manteaux


Voilà 15 mois, en ce début d'année 1761, que Nicolas Le Floch est arrivé à Paris. Enfant trouvé à Guérande, il a grandi sous la protection du chanoine Le Floch, qui lui a donné son nom, et sous le parrainage d'un aristocrate breton, le marquis de Ranreuil. Il n'a manqué de rien, si ce n'est de parents, a bénéficié d'une éducation chez les jésuites, s'est formé au droit et est devenu clerc. C'est dans cet état de clerc que son parrain a décidé de l'envoyer à Paris, où il l'a recommandé comme il se doit au Comte de Sartine, le lieutenant général de la police.

Voilà comment Nicolas a modestement fait ses débuts dans une profession qu'il ne s'attendait pas à exercer, la police. D'ailleurs, grâce à Sartine, et après avoir passé les premiers moments de sa vie parisienne dans un couvent, le voilà logé chez le commissaire Lardin, un policier chevronné et de bonne réputation. Il y a là Guillaume, le commissaire en personne, donc, sa seconde épouse, Louise, et Marie, fille née du premier mariage de Guillaume. Sans oublier Catherine, la cuisinière et femme à tout faire, avec qui Nicolas va vite devenir complice.

Mais, le jeune homme va devoir rentrer quelques jours au pays. Là-bas, en Bretagne, le chanoine Le Floch se meurt. Nicolas fait donc le voyage, juste à temps pour assister aux derniers instants de celui à qui il doit tant. Un voyage bouleversant, qui fait définitivement basculer Nicolas dans l'âge adulte. D'autant que plus rien, pas même la fille du marquis de Ranreuil, dont il était épris, ne le retient plus en Bretagne. Le voilà prêt à devenir un parisien à part entière et à entrer dans une carrière à laquelle rien ne semblait le destiner...

A son retour, après, pourtant, une absence de quelques jours seulement, beaucoup de choses ont changé... A commencer par son logeur, le commissaire Lardin, qui a disparu sans laisser de trace... Et, à sa grande surprise (et sans doute à celle de bien des policiers plus aguerris), c'est à Nicolas que Sartine confie la mission d'élucider la disparition de Lardin. Si tôt, une telle mission, quel honneur ! A lui de faire ses preuves en menant à bien cette enquête.

Une enquête où le jeu, le libertinage, l'adultère et la corruption vont bientôt faire mauvais ménage... Des vols et des meurtres vont s'accumuler, des menaces et des agressions vont directement viser Nicolas, pour lui intimer l'ordre de renoncer à son enquête. Autant de péripéties qui ont un point commun, un lieu vers lequel tous les éléments de l'enquête semblent inlassablement ramener Nicolas : la maison des Lardin, sise en plein coeur de Paris, rue des Blancs-Manteaux, juste en face de l'église qui porte le même nom...

Une enquête bien plus complexe et dangereuse qu'il n'y paraît, d'autant que certaines motivations ont été dissimulées au jeune homme, car ses ramifications pourraient bien toucher de près le roi Louis XV en personne, ou plutôt, sa favorite, la si jalousée, si critiquée, si haïe Madame de Pompadour...

Je ne vous en dirait pas plus sur l'enquête en elle-même, qui vous fera découvrir la Villette, le Châtelet, à la fois morgue et prison, la Bastille et même Versailles et sa cour... Juste un mot sur le dénouement final, lorsque Le Floch réunit tous les protagonistes de l'affaire (enfin, les survivants...) pour leur raconter par le menu toute l'affaire et révéler le ou les coupables, qui rappelle furieusement les romans d'Agatha Christie. Le Floch y fait son Poirot...

Je ne dirai rien non plus de l'épilogue de ce premier roman, lors duquel Nicolas (et nous avec) découvre la vérité sur ses origines, dernière étape avant de pouvoir laisser le passé définitivement derrière lui et se tourner résolument vers un avenir plus facile à envisager dans ces conditions. Mais, puisque nous avons là une série déjà bien lancée et que vous êtes sûrement nombreux à déjà connaître, évoquons ses personnages et son contexte historique.

Commençons par Sartine, un des véritables personnages historiques que l'on croise dans cette série. Fin politique, plus fin courtisan encore, il est sans doute bien moins frivole qu'on ne l'imaginerait si on s'arrêtait à sa collection de perruques. Il prend sous son aile Nicolas, mais on saisit d'abord mal s'il le manipule ou s'il le protège (c'est sans doute un peu les deux...).

Une chose est certaine, avec Nicolas, ils sont faits pour s'entendre, l'un apportant son travail sur le terrain à l'autre qui peut lui ouvrir bien des portes dans cette société aristocratique très fermée à laquelle ses origines ne lui permettent pas de se mêler aisément. Et l'on voit vite que, si, dans un premier temps, Nicolas a mené une enquête en trompe-l'oeil pour un Sartine soucieux de politique plus que je justice, ensuite, le finaud Sartine a pressenti le talent inné du garçon pour mener des enquêtes...

Bourdeau, maintenant. Un policier d'expérience que Nicolas va se choisir d'emblée comme adjoint. Un choix judicieux, car, s'il s'avère être un parfait complément à son fougueux collègue, il en est aussi le parfait contraire : marié, père de famille, bon vivant, amateur de bons repas, mais aussi roublard, expérimenté et de bon conseil.

Mais la plus grande qualité de Bourdeau, c'est d'avoir compris immédiatement que le jeune homme tout juste débarqué de sa province, mal dégrossi et terriblement impétueux, n'était pas un obstacle à sa carrière mais, au contraire, une opportunité. Et le voilà aussitôt qui, sans arrière-pensée, se met au service de Nicolas, lui, mais aussi tout son réseau d'informateurs, aussi fourni qu'efficace. Il est l'alter ego idéal pour apprendre à Nicolas les subtilités de son nouveau métier et à canaliser son énorme énergie. Le tandem a déjà des automatismes et une grande confiance mutuelle ; il est fait pour durer.

Enfin, Nicolas... Solitaire, introverti, mais également courageux au point d'en frôler parfois l'inconscience et de se mettre en danger de façon inconsidérée, et d'une grande naïveté parfois. Il a des qualités innées d'enquêteur, l'observation, la méticulosité, la perspicacité. Il sait aussi bien écouter que faire parler, témoins comme suspects, et commence même à maîtriser certaines ruses...

Il est encore un peu trop "chien fou", mais avec l'expérience, l'âge et un coup de main de Bourdeau pour vraiment prendre conscience de ce qu'on peut et ne peut pas faire au cours d'une enquête, on a là une graine de héros, attachant, intègre, idéaliste... Et qui saura parfaitement évoluer dans des sphères aristocratiques où les amitiés, comme les inimitiés se nouent durablement...

Et puisque l'on évoque le contexte historique, finissons avec lui. Nous sommes sous Louis XV, roi surnommé le Bien-Aimé. Et pourtant, on commence à voir les prémices de ce qui va advenir près de 3 décennies plus tard : la Révolution. Entre les idées des Lumières, Voltaire en tête, qui gagnent du terrain sur la religion, un peuple qui se sent abandonné, livré à la famine et à la pauvreté, loin des fastes versaillais.

Le meilleur exemple en est l'interrogatoire de Bricart, un des hommes de main arrêtés par Nicolas. Enrôlé sans en avoir ni le choix, ni l'envie, dans les armées royales, il a été blessé à la bataille de Fontenoy et laissé une jambe sur le champ de bataille. Du coup, retour à la vie civile et incapacité à exercer un quelconque métier... Voilà comment il est devenu malfrat. Pour vivre, tout simplement, comme il l'explique à Nicolas. Comme beaucoup de ses compatriotes, il en est réduit à des extrémités terribles pour survivre dans une précarité de plus en plus intolérable.

Sans oublier la description de la vie dans les maisons closes, pas toujours des plus reluisantes, malgré la haute qualité des clients. Là encore, avec Antoinette, une "connaissance" de Nicolas, on découvre cette orientation comme unique moyen de s'en sortir lorsque l'on n'a pas un nom, une charge ou des appuis solides.

Mais Parot, parallèlement, nous offre aussi un formidable portrait des classes les plus aisées de la société, qu'elles soient bourgeoises, aristocratiques ou détentrices de charges. Comme l'ancien procureur Noblecourt, nouvel ami et surtout logeur de Nicolas se retrouve chassé de chez les Lardin. Une opulence qui, malgré l'évidente bonté d'âme de l'ancien magistrat, ne l'en coupe pas moins de certaines réalités quotidiennes.

Mais, Parot excelle aussi à la description de la vie de cour. Dans ce premier roman, Le Floch fréquente peu Versailles, il sera amené à y revenir voire à y enquêter, mais là, il est encore bizut, si j'ose dire. Ce qui ne l'empêche pas de découvrir des us et coutumes que même la fréquentation régulière dans sa jeunesse du marquis de Ranreuil n'a pas pu lui enseigner.

Enfin, comment ne pas terminer un billet sur un roman de Jean-François Parot sans parler de nourriture ? Car, dans les enquêtes de Nicolas Le Floch, on mange souvent et, la plupart du temps, très bien. Ce premier opus regorge d'idées de recettes alléchantes et l'on se prend à saliver à certaines pages.

Cela peut paraître anecdotique, mais c'est en lien avec ce que nous évoquions juste avant : le royaume est alors dirigé par une classe plus préoccupée par les plaisirs des chairs (et ces deux pluriels sont bien là à dessein) que par les affaires de l'Etat...

Avec notre recul, tirons-en un plaisir certain à ces repas pantagruéliques, certes, mais passionnants également, pour juger des goûts gastronomiques de l'époque (et mieux comprendre pourquoi la goutte était l'un des maux les plus répandus du siècle !).

Avant de vous souhaiter un bon appétit et de bonnes lectures, je le redis, j'ai hâte de retrouver Nicolas Le Floch et toute cette époque si particulière...

1 commentaire:

  1. je viens de l'emprunter...il est grand tant pour moi de découvrir cet univers encore inconnu !

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