dimanche 9 février 2014

"En un mot comme en cent : votre livre m'a rendue heureuse en un jour où j'étais malheureuse comme jamais..."

N'en déplaise à certain(e)s lecteur(trice)s, il m'arrive de quitter les univers sanglants du thriller, les récits sociétaux et politiques, l'Histoire et ses vicissitudes pour m'attaquer à des lectures plus légères, comme... une comédie romantique ! Oui, amateur(trice)s de "Coup de foudre à Notting Hill", par exemple, ce roman est fait pour vous... "Le sourire des femmes" (en grand format chez Héloïse d'Ormesson), de Nicolas Barreau, auteur franco-allemand, nous dit la quatrième de couverture, nous emmène dans le monde de l'édition et ses mystères pour un improbable ménage à trois... Euh, l'expression est peut-être un peu rapide, mais il y a vraiment de ça, dans une histoire aux faux airs de Cyrano de Bergerac... On sourit, on s'attendrit, on écrase sa petite larme... Et, en prime, on a droit à un menu de Saint-Valentin ! Qui dit mieux ?





Aurélie, la trentaine, traverse une période difficile... Quelques semaines plus tôt, son père est décédé, lui laissant les commandes du restaurant familial, "le temps des cerises", à deux pas du boulevard Saint-Germain. Et voilà que Claude, l'homme de sa vie, son amant, la quitte, sans prévenir, lui annonçant simplement sur un bout de papier qu'il va vivre avec une autre...

Sale période pour la jeune femme qui, malgré le soutien de son amie fidèle, Bernadette, craque... Profitant d'un jour de repos, elle part dans une errance à travers les rues de Paris jusqu'au jardin des Tuileries. Là, pour fuir un policier qui confond service et drague un peu lourde, elle entre dans une librairie...

Lire, ce n'est pas son truc, à Aurélie. C'est Bernadette, qui dévore des romans en quantité. Pourtant, autant pour se donner une contenance que pour endiguer sa peine, Aurélie prend le premier ouvrage qui se trouve à sa portée et rentre chez elle. Là, ses larmes pas encore sèches, elle ouvre ce roman inconnu et... le lit d'une traite !

En une nuit, elle a avalé les pages d'un livre dont elle n'avait jamais entendu parler, "le sourire des femmes", signé par un romancier anglais, Robert Miller, inconnu au bataillon... Mais peu importe, Aurélie a adoré cette histoire, elle a lu toute la nuit jusqu'au dénouement de cette histoire qui l'a touchée au plus profond de son être, dans un moment de détresse...

Mais, ce qui a fait bondir encore plus le coeur de la jeune femme, ce sont ces dernières pages qui ont confirmé son impression première : l'héroïne du roman... c'est elle ! Le physique, les vêtement, jusqu'au restaurant et ses nappes à carreaux devant lequel se déroule la fin du livre... Ce n'est pas possible autrement, Robert Miller est venu devant "le Temps des cerises", peut-être y a-t-il mangé et, elle en est certaine, il s'est inspiré d'elle pour son personnage.

Alors, elle décide de le rencontrer, coûte que coûte, parce que la manière dont il parle de ce personnage qui lui ressemble tant l'a séduite. Et elle aimerait vraiment faire la connaissance de cet homme en chair et en os, et pas seulement à travers la photo exposée en quatrième de couverture... Et pour cela, il faut prendre contact avec sa maison d'édition...

Cette maison, ce sont les Editions Opales. Et on y est plutôt content d'avoir déniché cette perle rare, cet auteur inconnu qui, avec son premier livre, est en train de casser la baraque ! Les ventes sont au beau fixe, les sollicitations s'accumulent et, entre une interview dans la presse nationale et des lectures-signatures, le succès devrait encore s'accroître...

Le seul qui ne se réjouit pas complètement de cette situation, c'est André. Il est l'éditeur français de Robert Miller, celui qui a été le chercher en Angleterre, celui grâce à qui cet homme mystérieux est en train de devenir un phénomène littéraire... Sauf que ces rencontres, cette agitation médiatique, ça ne l'arrange pas trop...

Robert Miller n'est pas vraiment le genre d'écrivain à aimer les feux de la rampe. Il vit reclus, seul avec son chien depuis que sa femme l'a quitté et bichonne des voitures de collection comme principal hobby... Voilà à peu près tout ce qu'on sait de cet écrivain que tout le monde réclame... Tout le monde, y compris Aurélie, que André rencontre dans les locaux de la maison d'édition...

Une Aurélie qui insiste, demande à rencontrer Miller, explique à qui veut l'entendre à quel point "le sourire des femmes" l'a sauvée, a changé sa vie, l'a remise sur les bons rails. Une Aurélie qui téléphone, se déplace en personne, écrit des mails, envoie des courriers destinés au romancier, fait de la vie d'André un enfer... Comme si toute cette histoire ne le mettait pas déjà assez à cran !

Vont suivre des rendez-vous manqués, des malentendus, des interrogations pour elle, des inquiétudes pour lui. Et surtout un étrange triangle amoureux, sorte de triangle rectangle où Robert Miller serait l'angle droit... Un triangle rectangle dont l'hypoténuse serait bien difficile à tracer, tant la relation entre Aurélie et André est difficile...

La restauratrice n'apprécie guère l'éditeur et le soupçonne de vouloir se mettre entre elle et le romancier... Quant à lui, il essaye de se sortir tant bien que mal des emm... euh, des ennuis dans lesquels l'a plongé le succès inattendu de Robert Miller... Et Aurélie ne fait qu'attiser cette situation, d'autant que André la trouve plutôt charmante et que son caractère lui plaît bien...

Je n'en dis pas plus, même si on n'est pas dans un roman à suspense, mais bien dans une comédie romantique, l'expression n'est pas galvaudée. Nicolas Barreau ne révolutionne pas le genre ou ses codes, mais son idée de départ est amusante et originale et elle tient la route jusqu'au dénouement. Amusant de se dire qu'on aurait tout pour faire un vrai vaudeville, avec hurlements, portes qui claquent et quiproquos, mais le rythme du roman, sa tonalité plus sentimentale et son humour léger en font une friandise, pour reprendre un mot présent dans le roman.

L'alternance entre les deux narrateurs, Aurélie et André, donne aussi un côté théâtral très amusant, certaines scènes étant racontées au lecteur par chacun des deux protagonistes, évidemment à leurs façons respectives. On a aussi le regard que porte l'une sur l'autre et réciproquement, et cela rend les choses un peu plus acides, par moments...

Nicolas Barreau, c'est un pseudonyme, a choisi le milieu de l'édition pour installer son histoire. Un milieu qu'il connaît bien, nous dit la quatrième de couverture du livre, pour y travailler dans la vraie vie... De là à imaginer qu'il y a de lui dans le personnage d'André... Il n'y a qu'un pas que je vais franchir !

Enfin, pas tout à fait, je m'explique. Ce roman est un vrai jeu de miroirs avec le livre au coeur de tout : Aurélie se reconnaît dans le personnage d'un roman alors que Nicolas Barreau travaille dans l'édition, comme André, qui publie le roman "le sourire des femmes", comme le véritable livre que j'ai entre les mains, et qui plaît tant à Aurélie... Vous me suivez ?

On en vient même à se demander si le choix de l'auteur d'utiliser un pseudonyme ne cacherait pas une expérience très proche de celle vécue par André dans le livre (et je ne parle pas que de la rencontre avec Aurélie...) ! Mieux encore, tout s'imbrique si bien que le dénouement, en plus de ressembler à ce qui se passe dans le livre dans le livre, repose également sur un effet miroir...

Mais si, c'est simple, je vous assure ! C'est juste la rencontre de la fiction et de la réalité au coeur d'une jolie histoire, semée d'embûches et de surprises. J'en entend qui ricanent... Non, effectivement, je ne suis pas forcément un fan absolu de ce genre de littérature (et, par pitié, cessez d'appeler tout et n'importe quoi "romance", ça ne veut rien dire...) parce qu'on y tombe vite dans le cucul, si vous permettez l'expression...

Ici, ce n'est pas le cas, d'abord parce que rien n'est fait. L'amour est la finalité du roman, pas son point de départ, et il va falloir se démener pour y arriver, il ne va pas tomber tout seul du ciel sous la forme d'angelots dodus remuant de leurs petites ailes tout en décochant des flèches à pointes en forme de coeur vers deux individus choisis quasiment au hasard... Ca, c'est cucul !

L'autre aspect qui m'a bien plu (comprenez, qui n'est pas cucul, oui, c'est le leitmotiv), ce sont ces personnages qu'on trouve gentiment agaçants, au moins au début... L'insistance d'Aurélie, son entêtement, son caractère parfois ombrageux et sa quasi obsession pour un homme qu'elle n'a jamais rencontré ont de quoi exaspérer un André déjà à cran...

De l'autre côté, André est horripilant, prenant de haut Aurélie puis la faisant tourner en bourrique, lui mentant effrontément; se conduisant comme le pire des goujats... A plusieurs reprises, elle a les yeux revolver, le regard qui tue, la demoiselle, face à celui qui se dresse entre elle et son objectif : rencontrer Robert Miller...

Je n'oublie pas ce dernier, sorte d'Arlésienne, qui s'avère être celui des trois personnages avec qui j'aurais eu le plus de plaisir à passer du temps (au moment où on le rencontre, en tout cas). Plein d'humour, détendu, sachant donner envie de le lire, à l'image de son roman... Le gars sympa, quoi... Trop pour être honnête, même !

J'ai évoqué Cyrano parce que ce sont les mots écrits par Robert Miller qui les premiers séduisent Aurélie. Le schéma ensuite, avec l'entrée en jeu d'André, n'est évidemment pas calqué sur la pièce d'Edmond Rostand, mais il y a un peu de ça. Ensuite, on a un chassé-croisé classique pour une situation impliquant une femme et deux hommes. Enfin, en apparence...

Et puis, la bonne idée, c'est d'aller au bout des choses en faisant vraiment se rencontrer les univers des principaux protagonistes : la restauration et l'édition... Il y a des scènes dans les univers particuliers des personnages, les locaux de la maison d'édition et au "Temps des cerises", mais aussi, dirons-nous, en terrain neutre...

Neutre, mais tout de même marqués par les professions des uns des des autres. La première, dans un établissement qui, certes, a un peu perdu de son lustre d'antan mais reste une grande adresse de la capitale : la Coupole. L'autre, dans une librairie, pour une rencontre entre Robert Miller et ses lecteurs, sous l'oeil plus qu'inquiet d'un André qui redoute le pire... Une des scènes clés du roman, cette dernière, pour plusieurs raisons, que je ne vais pas exposer ici...

En revanche, je peux vous parler du menu à la Coupole ! Non, pas seulement parce que je suis un gros gourmand qui parle de bouffe dans ses billets dès que c'est possible (enfin, si, un peu quand même...) mais parce que cette dimension culinaire est bien présente dans ce roman. Je disais donc, avis aux amateurs, que nos personnages dégustent le curry d'agneau à l'indienne de la Coupole, un classique de la maison depuis 1927... Ca fait envie, non ?

Et si je dis que la cuisine tient une bonne place dans le livre, c'est aussi parce que Aurélie tient un restaurant, évidemment. Elle n'y travaille pas seule, elle à son chef cuisinier, Jacquie, un Normand, à ses côtés. Mais elle met volontiers la main à la pâte et va cuisiner un menu bien spécial pour une occasion qui ne l'est pas moins...

Un vrai menu de Saint-Valentin, si vous me lisez dès la mise en ligne de ce billet, il n'est pas trop tard pour le découvrir et, pourquoi pas, le préparer à votre Valentin ou votre Valentine, aux fourneaux, Messieurs ! Personnellement, tout me met l'eau à la bouche, mais mention spéciale pour le parfait à l'orange sanguine que Aurélie sert en accompagnement d'un moelleux au chocolat...

Ah, oui, j'oubliais... Toutes les recettes sont proposées en fin d'ouvrage... Voilà...

Et non, ce n'est pas ce qui me fait apprécier cette comédie romantique, mauvaises langues que vous êtes ! C'est une cerise sur le gâteau... Avec un menu qui se met au diapason de l'histoire, léger, savoureux et plein de surprises. Même lorsqu'elle est servie avec une sauce à la grimace et un arrière-goût désagréable, bien vite, cette histoire retrouve son allant et retrouve la direction menant au dénouement que tout lecteur attend de ce genre de roman...

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