ATTENTION, CE BILLET CONCERNE LE DEUXIEME TOME D'UNE TRILOGIE. CERTAINS ELEMENTS FERONT REFERENCE AU PREMIER VOLET.
Le thriller fantastique se découvre en ce moment des envies de volumes multiples. Après "les Brillants", évoqué ces derniers jours, voici le deuxième volet de la trilogie "Niceville", signée Carsten Stroud, au premier tome de laquelle nous avions consacré un billet il y a deux ans, déjà. Et je dois dire que, même si j'ai tardé à reprendre le chemin de l'étrange et inquiétante cité de Niceville, j'étais impatient de replonger dans l'atmosphère mystérieuse entourant cette ville du grand sud des Etats-Unis, avec son histoire, remontant avant la Guerre de Sécession, et ses fantômes. Au sens propre du terme. Dans "Retour à Niceville" (au Seuil et disponible depuis le début de cet été en poche chez Points), Carsten Stroud prolonge l'étrange expérience de mêler un thriller classique, teinté de cynisme, et une histoire de fantômes, ni vraiment liées, ni totalement indépendantes. Avec, par rapport au premier volet, une progression de la partie fantastique. Et des frissons qui l'accompagnent...
"Retour à Niceville" débute dans la foulée immédiate du premier volet. On retrouve l'événement qui refermait "Niceville", le crash d'un avion de tourisme contre le Mur de Tallulah, cette falaise qui se dresse en plein coeur de la ville. Mais, ce qu'on ignorait, ce sont les conséquences funestes de cet accident. Un second crash, quasi simultané, au golf de Niceville. Saletés de corbeaux !
Ce deuxième avion, qui a transformé le 14e trou du parcours de golf de Niceville en cratère, transportait des hommes d'affaires chinois qui, peu avant, au moment du décollage en urgence de leur jet, se réjouissait du mauvais coup joué (cf "Niceville"). Aucun survivant dans ce regrettable accident, et même une défaite collatérale : la femme qui tenait le drapeau en attendant que son mari putte...
Une sale journée commence donc pour le chef de la police de Niceville, Nick Kavanaugh, et son adjoint, Beau Nichols, qui n'ont pourtant pas que ça à faire : l'affaire du braquage sanglant qui a épouvanté la ville peu de temps auparavant est encore en cours et n'avance pas trop. Sans même parler de ces histoires de fantômes que Kavanaugh essaye de ne pas trop ébruiter...
Pourtant, il ne sera pas dit que cette journée sera uniquement catastrophique. En effet, au milieu de ce chaos, va surgir un indice inespéré concernant le braquage. Mieux qu'un indice, un nom : Byron Deitz, patron d'une importante boîte de sécurité. Une révélation qui est une grosse surprise pour les policiers, d'autant que cet homme est le beau-frère de Kavanaugh...
Enfin, une avancée concrète qui devrait permettre de mettre derrière les barreaux un braqueur, mais aussi un tueur de flics, puisque quatre d'entre eux ont été abattus lors de l'attaque du fourgon... Bien sûr, il reste beaucoup à faire pour comprendre exactement ce qui s'est passé, le lien avec les Chinois, d'éventuels complices, etc. Mais c'est peut-être la fin de la folle parenthèse qui a réveillé la paisible Niceville...
Pourtant, Deitz reste obstinément muet. Plus que son avocat qui a ameuté les médias... Et, comme à Niceville, rien n'est vraiment simple, l'affaire Deitz ne va pas tarder à rebondir, mettant encore une fois la ville en émoi et entraînant une nouvelle série d'événements graves que Kavanaugh et Nichols vont devoir gérer comme ils peuvent...
Pendant ce temps, Kate Kavanaugh, l'épouse de Nick, continue d'avoir d'étranges visions qui la plongent en 1840, à l'époque où quatre familles, les familles fondatrices de Niceville, se partageaient les lieux... Des visions pas franchement oniriques, même carrément flippantes. Et que Kate a bien du mal à expliquer.
Mais, bientôt, elle va avoir un autre sujet de préoccupation : Rainey Teague. Ce gamin, dont la disparition a tout déclenché 18 mois plus tôt, vit désormais avec les Kavanaugh, devenus ses tuteurs. Pourtant, ce pré-ado semble avoir du mal à retrouver ses marques. Et, plus embêtant, il semble avoir une très mauvaise influence sur Axel, le neveu de Kate, et le fils de Deitz...
Le hic, c'est que les démons qui hantent le jeune garçon n'ont pas grand-chose à voir avec l'adolescence ou le traumatisme lié à sa mystérieuse disparition... Les Teague, autre famille fondatrice de Niceville, ont un passé trouble, violent... Et ce passé pourrait bien vouloir faire son retour, à travers une étrange entité qui se fait appeler Néant...
Vous l'avez compris, les jours ne sont jamais vraiment tranquilles à Niceville. Et, comme lors du premier volet, cette paisible ville du Sud va être secouée profondément par des événements dramatiques à répétition. A croire que les populations indiennes qui vivaient là avant la fondation de la ville avaient raison : les lieux sont maudits !
Le lecteur va encore une fois entrer dans le tourbillon de folie qui saisit Niceville pour suivre en parallèle la rocambolesque affaire du braquage et ses conséquences directes, et la lente mais réelle résurgence du passé, dangereux, envoûtant, venimeux, violent et surtout, particulièrement déterminé. Il ne fait pas bond traîner à Niceville, par les temps qui courent !
Comme dans le premier volet, s'entrecroisent donc deux histoires qui prennent racine à Niceville, se recoupent et se complètent, sans vraiment être liées. Il y a le thriller pur et dur, avec le braquage et l'enquête, et la partie fantastique autour de Rainey Teague en point d'ancrage. Un mélange en forme d'émulsion, les deux histoires ne se mélangeant pas... Du moins pour l'instant !
La partie thriller s'appuie sur quelques moments de gloire, comme une poursuite sortie directement d'un épisode de "Fast & Furious" ou une prise d'otages dans un centre commercial qui vaut aussi son pesant de cacahuètes. Et le tout, jamais gratuit, puisque chaque élément, depuis les crashes initiaux jusqu'au final, viennent nourrir la double intrigue.
Carsten Stroud trouve là un style qui rappelle celui de la Série Noire. Il y a, par moments, une certaine loufoquerie qui s'empare de l'histoire, avec des personnages hauts en couleur, et le cynisme de l'écriture renforce cette sensation bien agréable. Cette enquête, qui va entraîner des quiproquos, des interventions extérieurs, va faire prendre bien des risques aux flics de Niceville...
Ca dépote, ça bastonne, ça défouraille sec, dans cette partie et, comme personne n'a rien perdre, étant donné les faits reprochés, forcément, difficile d'amadouer les uns et les autres. Du plus dur de dur au plus inattendu des personnages secondaires, on n'a pas affaire à des demi-sels : ne pas être impitoyable est une faiblesse et être faible, c'est se mettre en grand danger...
Et puis, il y a l'autre versant de ce roman, la partie fantastique. J'ai vu récemment un article estival dans lequel Stephen King en personne donnait ses conseils de lectures pour les vacances. Une sélection fortement teintée de thrillers et de fantastiques, vous vous en doutez. Le troisième et dernier tome de "Niceville", qui n'est pas encore sorti en France y figurait.
Rien de surprenant à cela tant Carsten Stroud semble avoir pour référence le maître King en personne. L'atmosphère qu'il crée, la façon dont il instille le fantastique, le côté sombre et angoissant, la présence des enfants, je pourrais poursuivre l'énumération, tout cela fleure bon l'influence kingienne ! Niceville, c'est Derry qui aurait quitté le Maine pour gagner la Géorgie ou la Caroline du Nord...
Tout Niceville n'assiste pas à ces manifestations, il semble que les fantômes choisissent leurs interlocuteurs. En tout cas, certains, comme Rainey Teague, évidemment, ou encore Lemon Featherlight, un native american à la réputation de gigolo, semblent les plus sensibles à ces phénomènes. Sans oublier Kate, bien sûr, et quelques autres...
Comme pour la partie thriller, la partie fantastique est également truffée de scènes fortes. Mais cette fois, plus une once de cynisme ou de décalage. On est dans le sombre de chez sombre, dans l'oppressant, le glauque, le flippant... Et, par rapport au premier tome, il m'a semblé que cette dimension-là prenait légèrement le dessus sur la partie thriller.
Petit à petit, sont posés des éléments qui, j'imagine, seront la base du dernier tome, dans lequel il faudra bien délaisser les crimes de droit commun pour affronter le surnaturel... Le mystère gagne comme une espèce de brouillard tombant sur Niceville et Néant s'ancre dans le présent, fourbit ses armes afin d'arriver à son but.
Ce but, on le devine, mais on ne le cerne pas encore complètement. En tout cas, il prend forme alors que, dans le premier volet, tout était resté très flou, en dehors du lien évident avec les familles fondatrices de Niceville et l'Histoire de cette cité... Le Mur de Tallulah et la Fosse du Cratère, ces lieux emblématiques et pourtant bien peu rassurants, n'ont pas livré tous leurs secrets...
Avec ce deuxième tome, Carsten Stroud poursuit dans la voie qu'il s'est fixée pour sa trilogie : un thriller fantastique protéiforme, dans le fond comme dans la forme, enroulant deux récits de deux genres proches mais différents pour former les brins d'ADN de sa trilogie. Entre les deux histoires, les passerelles existent, je ne serai pas surpris qu'elles se rapprochent pour le final.
Mais, en attendant, Niceville doit attendre que l'orage passe. Cet orage qui dure depuis près de deux ans, désormais, et fait d'une paisible bourgade, un lieu maléfique et dangereux. Nick Kavanaugh, ancien militaire, est certainement à son aise pour prendre en charge la traque des braqueurs de convoi de fonds, mais il aura besoin d'alliés pour s'attaquer aux fantômes qui s'évertuent à envahir les lieux.
Pour moi, le mélange prend parfaitement, l'angoisse monte peu à peu et les événements réalistes paraissent une diversion idéale pour permettre au surnaturel de s'installer, sournoisement, insidieusement... Si on a aimé la première partie, on retrouve dans cette deuxième manche le même mélange et la même efficacité.
Le fantastique va crescendo, on s'attend à un possible déchaînement de forces occultes, pour le moment encore contenu, dans la dernière partie. Avec des réponses et, peut-être, des solutions... Le bouquet final devrait valoir le coup d'oeil et il ne me reste plus désormais, qu'à programmer un "Dernier voyage à Niceville", pour reprendre le titre du dernier tome, déjà disponible.
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