mercredi 17 juillet 2013

« A eux il n’est point de savoir pourquoi, à eux seulement il est d’y aller ou mourir ».

En guise de titre, une phrase extraire de « la Charge de la Brigade Légère », poème de Tennyson, à un mot près, le « ou » qui remplace un « et », dans le texte original. C’est le personnage principal de notre roman du jour qui la prononce, un avocat chevronné qui explique à son assistante débutante sa stratégie quelque peu kamikaze… C’est en effet Maître Mickey Haller qui est le principal protagoniste de Michael Connelly, « le Cinquième témoin », publié en grand format chez Calmann-Lévy. Une livraison annuelle, pour ce romancier prolifique, qui profite de l’actualité  lourde de son pays, la crise des subprimes, en l’occurrence, pour nous montrer le fonctionnement parfois curieux du système judiciaire américain (bel euphémisme, non ?). Un polar judiciaire de grande qualité, qui comprend une enquête délicate et pleine de zones d’ombres et une démonstration in vivo des imperfections d’une institution…




Avec la crise, les criminels capables de payer les honoraires d’un avocat talentueux comme Mickey Haller se font rares, au point qu’il a vu, ces dernières années, ses ressources baisser sensiblement. L’avocat a donc choisi de se réorienter dans le droit des affaires, une branche en plein essor depuis que la crise des subprimes a fait augmenter de façon exponentielle les dossiers d’expulsion.

Après une petite remise à niveau, Haller a donc choisi de défendre les citoyens qui risquent de perdre leurs maisons à cause des manœuvres pour le moins indélicates des banques et des actions un peu trop zélées des sociétés mandatées pour effectuer ces saisies. Un travail à temps plein, et même plus, au point que Haller a dû embaucher pour pouvoir traiter tous les dossiers qui lui sont soumis.

En plus de Lorna, son ex-femme, qui gère le cabinet de main de maître, de son enquêteur baraqué, Cisco, et de son chauffeur repenti, Rojas, l’avocat a recruté une jeune avocate fraîche émoulue de son école de droit, Jennifer Aronson, surnommée Bullocks. Une recrue corvéable à merci, pour le moment, qui doit encore en apprendre beaucoup sur le job, mais se montre plutôt efficace.

Alors que Haller est justement sur le terrain pour voir s’il va accepter un dossier supplémentaire, Lorna l’appelle pour le prévenir qu’une de ses clientes, Lisa Trammel, vient d’être arrêtée pour meurtre et qu’il ferait bien de se rendre au commissariat pour savoir de quoi il retourne exactement. De quoi faire retrouver à l’avocat ses vieux réflexes…

Qui est Lisa Trammel? Cette mère de famille, dont le mari est parti quelques années plus tôt, lui laissant sur les bras une maison pas encore complètement payée, se bat depuis des mois contre sa banque pour essayer de garder son logement qui devrait lui être saisie. Cette professeure s’est découvert, à cette occasion, des talents d’activiste : elle a monté un groupe de pression, un site internet et une page Facebook pour essayer de rassembler tous ceux qui connaissent la même mésaventure et protester à grand renfort de publicité contre les abus des banques.

Des protestations qui n’ont pas fait plaisir à tout le monde : la banque concernée, exaspérée de voir Trammel et ses amis manifester sous ses fenêtres, a porté l’affaire devant la justice et obtenu une injonction d’éloignement à l’encontre de Lisa Trammel. Comme elle n’a plus le droit d’approcher les locaux de la banque, elle a repris ses actions pacifiques devant le tribunal qui a délivré cette injonction… Chez les Trammel, on ne baisse pas les bras !

Que lui reproche-t-on exactement ? Ce matin-là, un des vice-présidents de la banque Westland, cette fameuse banque qui voudrait faire saisir la maison des Trammel, a été retrouvé mort dans le garage de sa société. Mitchell Bondurant a apparemment été mortellement frappé à la tête au moment où il descendait de sa voiture pour aller travailler…

En quelques heures, Lisa Trammel est tombée dans le collimateur des policiers. Une diligence due au témoignage d’une employé de la Westland qui affirme avoir vu Lisa Trammel en arrivant à son boulot, à proximité de la banque. Comme Lisa était en haut de la liste des potentielles menaces pouvant viser l’établissement, c’est vers elle que l’enquête s’est orientée d’emblée.

Evidemment, Haller n’entend pas déléguer cette affaire à un autre avocat, c’est lui qui va s’occuper de Lisa Trammel jusqu’à son terme. Mais, et ce n’est pas moi qui le dit, Lisa Trammel est une cliente enquiquinante… Comprenez qu’elle a du mal à suivre les directives de son avocat, qu’elle a tendance à parler à tort et à travers, surtout s’il y a des caméras, et à hausser un peu trop le ton…

Une cliente délicate à gérer, donc, mais pas autant que l’affaire qui va se présenter à Haller… Car, les enquêteurs puis la procureure, Andrea Freeman, semblent persuadés que Lisa Trammel a fait le coup. Même si l’enquête peut paraître avoir été menée un peu… rapidement, l’accusation est assez sûre d’elle pour vouloir mettre d’ores et déjà Lisa Trammel derrière les barreaux, en attendant son procès…

Finalement, Trammel va être libérée sous caution, mais Haller n’y est pour rien. Le garant s’appelle Herb Dahl, un curieux personnage qui n’a pas hésité à sortir de sa poche la somme coquette qu’avait demandé le juge pour libérer Lisa… Oh, ne croyez pas que Dahl soit un philanthrope… Non, il espère obtenir de Lisa tous les droits sur son histoire en vue d’en faire un film, et retrouver ainsi sa mise, lorsque le projet aura vu le jour…

Si Trammel est séduite, Haller considère Dahl comme un caillou sournois arrivé dans sa chaussure qui lui meurtrirait le pied… D’abord parce que le bonhomme a une tête qui ne lui revient pas. Ensuite, et surtout, parce que la stratégie de Haller est également de prélever ses honoraires sur les droits cinématographiques à venir… Ca fait une personne de trop sur cette affaire…

Mais Dahl n’est pas le seul souci que va devoir gérer Haller dans cette histoire… Alors que le procès se profile, l’avocat est passé sévèrement à tabac par deux gros bras… Pas de doute, à leurs commentaires, c’est bien lui la cible. Et le geste a forcément été commandité… Mais par qui ? Cela pourrait-il avoir un rapport avec l’affaire Trammel ?

Ensuite, c’est Freeman qui va faire des siennes et réveiller la sérieuse migraine qui guette toujours l’avocat de la défense… A des moments-clés de la procédure, la voilà qui fournit des pièces à convictions terriblement préjudiciables pour sa cliente et qui semblent être tombées du ciel… « Une manne céleste », dira même Freeman…

Quand je dis « pièces à conviction », soyons clair, ce sont des éléments de preuve qui risquent de peser lourd dans la balance face au jury et que Haller pourrait avoir bien du mal à désamorcer… Pourtant, on y reviendra, Haller ne se pose pas la question de la culpabilité ou de l’innocence de sa cliente. Peu importe, son boulot, c’est de la faire acquitter…

Et, pour y parvenir, il doit pouvoir apporter devant la cour une solution alternative qui puisse créer le fameux « doute raisonnable », cher au droit américain, suffisant pour obtenir un verdict favorable à la défense. Pas besoin d’apporter un dossier chiadé, avec des preuves solides et argumentées, non, juste une histoire suffisamment crédible pour qu’au moins un des jurés y croit…

Or, cette histoire, il l’a. Pas besoin de chercher midi à quatorze heures : Lisa Trammel est victime d’un coup monté, résultat de la lutte entre la banque et la société chargée de la saisie. Une lutte d’influence portant sur des sommes faramineuses qui pourrait avoir poussé au meurtre… Mais, et Haller est le premier à le reconnaître, son dossier est un vrai château de cartes et il faudra bien des circonstances favorables pour que son opération suicide (faire des preuves indiscutables contre Lisa un argument en faveur du coup monté) fonctionne.

Des circonstances favorables, et aussi (et surtout), quelques arrangements avec l’éthique… Un domaine dans lequel Mickey Haller, réputé pour ses coups tordus, excelle depuis longtemps. C’est donc sur le fil du rasoir que Haller se présente face au jury, espérant mettre en avant les insuffisances d’une enquête très rondement menée, l’impossibilité d’analyser la scène de crime avec certitude, et, cerise sur le gâteau, sa fameuse théorie alternative, qu’il entend bien étayer le moment venu avec des témoignages qu’il n’est pas sûr de pouvoir maîtriser…

« Le Cinquième témoin », c’est le récit de cette enquête, de la procédure contre Lisa Trammel et de son procès, avec rebondissements et effets de manche à la clé, jusqu’à un verdict qui posera pas mal de questions, à Haller au premier chef… Et, pour en arriver là, il aura fallu déjouer tous les pièges, l’ambitieuse Andra Freeman, le soupe-au-lait juge Perry, une cliente insupportable, un Herb Dahl bien trop présent et une défense bien aléatoire…

Je n’en dis pas plus sur l’histoire, je vais maintenant aborder quelques thèmes forts de ce roman. En commençant par Herb Dahl. Je ne sais pas ce que vous penserez de lui, mais en lisant le roman, je n’ai pu m’empêcher de voir Joe Pesci… Plus celui de « l’Arme fatale » que des « Affranchis », quoi que…

Si Trammel est par moments pénibles, Dahl donne simplement envie de lui filer de grandes baffes pour le faire taire et le renvoyer d’où il vient… D’ailleurs, Haller, au fil de l’histoire, sent aussi la moutarde lui monter au nez devant ce pitre. Un homme pourtant symbolique de cette Amérique où tout n’est que spectacle et source potentielle de profits.

En effet, et Dahl n’est pas le seul à agir ainsi, à Los Angeles, à deux pas des studios hollywoodiens, il est fort tentant de trouver un producteur près à miser gros sur une histoire croustillante. Une fois scénarisée, ce « destin » finira au mieux sur grand écran ou, au pire, sortira directement en DVD ou en téléfilm pour les après-midis de TF1…

Quand je dis que Dahl n’est pas le seul, c’est d’abord parce que Haller agi exactement de la même façon, lorsqu’il sait pertinemment que son client n’aura pas les moyens de lui payer ses honoraires habituels (et c’est le cas de Lisa Trammel). La différence, c’est que Haller est en contact avec un agent au bras long, possédant des contacts plus « haut de gamme » que ceux de Dahl, comme o le découvrira vite.

Haller a sans doute bon cœur, mais travailler gratos ne fait pas partie de ses projets professionnels. Aussi, voit-il d’un très mauvais œil l’arrivée de Dahl, espèce d’opportuniste en contact avec les pires studios de cinéma et les producteurs les moins regardants, et son influence croissante auprès de Lisa, parce que ce triste sire risque de lui ôter le pain de la bouche s’il arrive à ses fins…

Voilà, en plus de son dossier mal ficelé, un élément perturbateur de plus à gérer, comme si l’avocat et son équipe n’avaient que ça à faire… Mais, Dahl n’est pas juste un parasite permettant à Connelly de montrer du doigt cette industrie du fait divers qui fait prospérer bien du monde, sans trop se poser de questions morales et sans état d’âme…

Bien sûr, il nous faut parler aussi de ces subprimes, qui sont au cœur du « Cinquième témoin ». Non, je ne vais pas vous faire un cours, rassurez-vous. Juste esquisser brièvement le contexte. Longtemps, les banques ont proposé aux personnes souhaitant devenir propriétaires de leur domicile des prêts à des taux avantageux.

Tant que l’activité a été florissante, aucun souci. Mais, lorsque la crise a éclaté, en 2007-2008, les banques ont voulu récupérer leurs mises. On s’est alors rendu compte que ces mêmes banques avaient prêté bien plus d’argent qu’elles ne l’auraient dû à de nombreuses personnes. Lorsque les traites ont augmenté, nombreux sont ceux qui, ayant souvent perdu leur emploi dans le même temps, n’ont pu les honorer…

En retour, les banques ont donc lancé des procédures de saisie, faisant fi du fait qu’elles étaient responsables de la panade dans laquelle leurs clients étaient plongés. Et, pour faire le sale boulot, les banques  ont mandaté des sociétés spécialisées dans cette activité… Ainsi, les banques n’apparaissent dans aucune des démarches aboutissant à la saisie, constitution du dossier, courriers aux emprunteurs visés, saisies elles-mêmes… Mais ramassent tout de même leurs billes… Tout bénef, quoi.

C’est dans la gestion de ces dossiers, fort rémunérateur, que bien des magouilles se cachent, dont les victimes sont les pauvres emprunteurs, déjà menacés de perdre leurs maisons, mais en plus montrés du doigt comme responsables de leurs propres malheurs… Dans le roman de Connelly, la banque, c’est la Westland, pour laquelle travaillait Mitchell Bondurant, la victime.

Pour les saisies, il met en scène une société baptisée ALOFT, une « usine à saisies », comme la qualifie Haller, que l’avocat retrouve impliquée dans au moins un tiers des dossiers dont il a la charge. A travers elle, Connelly dénonce les abus perpétrés par ces « chasseurs de subprimes ». Sa théorie est osée mais très intéressante qui montre que, derrière ce scandale qui a touché tant de monde, pourraient bien se cacher des gens beaucoup moins fréquentables encore que des banquiers (si, si, c’est possible…).

Le talent de Connelly, c’est de parvenir à évoquer le sujet sans être ennuyeux, et surtout, de fondre ce sujet d’actualité au combien brûlant dans sa fiction. Tout tourne en effet autour de cette saisie qui aurait pu pousser Lisa Trammel à commettre le pire (thèse de l’accusation) ou servir de trompe-l’œil à un coup monté pour masquer le véritable mobile du crime (thèse de la défense).

De ce fait, le cœur de l’histoire est d’une simplicité enfantine, c’est tout ce qui se passe en périphérie qui vient alimenter les rebondissements mais surtout la procédure et le procès. « Le Cinquième témoin » se déroule en grande partie pendant le procès de Lisa Trammel, avec, vous connaissez sans doute cela pour l’avoir vu dans des films ou des séries, les fameux interrogatoires et contre-interrogatoires des deux parties concernées.

Comme au poker (menteur), chacun à tour de rôle montre sa main et l’autre partie doit découvrir une meilleure main pour atténuer ou discréditer un témoignage, instiller la certitude de la culpabilité de l’accusée ou, au contraire, le doute dans l’esprit des jurés… Les joutes entre Andrea Freeman et Mickey Haller sont tout à fait intéressantes, pleines de chausse-trappes et de coups de Jarnac, toujours à la limite de l’outrage, Haller sachant se montrer exaspérant avec un incroyable talent, le tout arbitré par un juge aux idées bien arrêtées mais très à cheval sur l’équité entre accusation et défense…

Pourtant, et d’entrée, dans le roman, la question est posée, il y a une absente de taille dans tout cela : la vérité. « Bullocks », la nouvelle recrue de Haller, encore jeune et idéaliste, demande à Haller s’il croit Lisa coupable. Elle a droit en retour à une réponse catégorique : aucune importance. Haller ne veut même pas savoir, son seul objectif est de mettre en échec l’accusation en démontant ses arguments et d’avancer une théorie qui puisse convaincre un juré au moins, même si elle s’avère tirée par les cheveux…

Connelly, qui fut chroniqueur judiciaire au Los Angeles Times avant de faire la carrière de romancier qu’on lui connaît, s’empare de cette situation assez étrange pour nous, Européens : la recherche de la vérité n’est pas le but de la justice américaine… En fait, quel que soit le verdict, il n’est que le résultat de la conviction contagieuse du camp vainqueur…

Peut-être connaissez-vous une série américaine qui s’appelle « the whole truth »… Pas sûr, ce fut un fiasco aux Etats-Unis, il n’y a donc eu que 13 épisodes, je crois. En France, elle a été diffusée par TF1 à des heures indues, presque en catimini, se plantant là aussi joyeusement. Pourtant, c’est une très intéressante série judiciaire.

On y suit les enquêtes d’une procureure et d’un avocat, amis depuis leur enfance, et qui se tirent la bourre dans les prétoires, en essayant de l’emporter l’un sur l’autre à chacune des affaires qui les opposent. On y voit comment chaque camp élabore sa stratégie, les éléments nouveaux qu’ils découvrent, les réactions du camp adverse et, au final, le verdict…

Le spectateur n’a que très peu d’élément sur ce qui s’est vraiment passé, comme souvent, mais il n’y a pas d’enquête de police, on arrive directement sur la prise en main du dossier par la partie judiciaire. Que ce soit la procureure ou l’avocat, chacun est persuadé de l’a culpabilité ou de l’innocence de l’accusé. Mais on ne découvrira « The whole truth », toute la vérité, si je traduis littéralement, qu’à la toute fin de l’épisode…

Autrement dit, lors de la dernière scène de l’épisode, indépendamment de tout ce qui a précédé, y compris du jugement qui a été rendu, le spectateur découvre l’élément qui permet de savoir qui était vraiment l’assassin. Et ce n’est pas forcément la personne qui a été jugée, évidemment, sinon, ce ne serait pas drôle…

Pardon de cette longue parenthèse, mais « le Cinquième témoin » m’a fait penser à cette série dans sa construction. Pas dans le rapport entre Freeman et Haller, qui ne se connaissaient pas avant de se retrouver face à face dans cette affaire. Mais, parce que, lors de l’épilogue, on comprend ce qui s’est réellement passé. D’un seul coup, les questions posées lors du procès et restées sans réponse jusque-là, vont être élucidées, comme par magie… Et aors, toute la vérité apparaît…

Une vérité, qui plus est, qui a de quoi ébranler les certitudes de tous les acteurs de ce roman, car ce dénouement est assez inattendu, en tout cas, dans sa forme, plus que dans son fond. Mais surtout, un dénouement qui apporte de l’eau au moulin de Connelly (vous me direz, c’est lui l’auteur, il serait un peu couillon s’il arrivait à une conclusion inverse…) : comment un système judiciaire comme celui des Etats-Unis peut-il acquitter des coupables et condamner des innocents ?

Comment un système judiciaire comme celui des Etats-Unis peut-il se montrer si indifférent à la vérité ? Au-delà du strict cadre de ce roman, c’est une justice à plusieurs vitesses que met en lumière Connelly. Une justice qui repose entièrement sur la dimension financière des prévenus, qui peuvent ainsi se payer un avocat de qualité, des enquêteurs avec des moyens, etc.

Haller, au début du roman, j’en parlais au début de ce billet, a fait le choix de cesser de s’occuper des affaires criminelles, parce que de moins en moins de prévenus sont capables de régler les honoraires. En cette période de crise, ce sont les avocats commis d’office qui croulent sous les dossiers en attente. Avec des moyens plus que limités pour défendre leurs clients…

En revanche, quelle que soit l’affaire, le bureau du procureur, lui, dispose de moyens quasi illimités. D’où l’allusion de Haller à « la Charge de la Brigade Légère », qui l’amène à citer Tennyson… Même lui qui a une équipe efficace et très professionnel et ne compte ni ses heures, ni les dollars dépensés, se retrouve en grande infériorité face à l’accusation et doit donc faire preuve, disons, de créativité, parfois, dans son mode de défense…

Pourtant, et on l’avait déjà vu dans le précédent roman de Connelly, « Volte-face », Haller commence à sérieusement se poser des questions sur son job d’avocat criminel. En défendant la plupart du temps des gens peu recommandables, ou même des Lisa Trammel, pour laquelle il doit recourir à des subterfuges et multiplier les entorses à l’éthique, Haller n’a pas l’impression, pardon pour le cliché, de faire le bien.

Le fait de ne pas rechercher la vérité, donc de trahir les faits, qu’il gagne ou qu’il perde, lui pèse de plus en plus lourdement sur la conscience. Sa fille adolescente a commencé à se poser des questions à ce sujet et avoir pour ex-épouse une procureure, n’aide pas l’avocat à se sentir bien dans ses baskets…

On sent bien qu’en s’occupant des dossiers de saisies, en défendant les faibles et les démunis contre les forts, les opprimés contre les oppresseurs, il avait retrouvé une certaine forme de sérénité, même si business is still business, et que demander des honoraires confortables à des clients en situation précaire n’est pas évident… Mais, au moins, il agit sans se poser de questions morales ou sans avoir de cas de conscience…

Ce retour inopiné à la case « procès criminel » va réveiller ces états d’âme et, dans les dernières pages du roman, on comprend que les prochains romans de Michael Connelly mettant en scène Mickey Haller pourraient bien prendre à l’avenir une nouvelle direction. Un cap plus en adéquation avec un certain idéal, avec les convictions profondes de cet homme qu’il a souvent mis dans sa poche, avec son mouchoir dessus, parce que cela faisait partie du boulot…


Alors, rendez-vous en 2014, sauf si on retrouve Harry Bosch, l’autre personnage récurrent de Connelly, pour savoir si la carrière de Mickey Haller va prendre un tour nouveau. Avec, probablement, de nouvelles sources d’emmerdements, mais différentes, et moins douloureuses, souhaitons-le lui, de celles qu’on croise ici, dans ce « Cinquième témoin ».


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