mardi 9 août 2011

La vengeance est un plat qui se mange aussi... al dente.

Ouf, la grosse pression au moment de commencer la rédaction de ce billet. Oui, c'est le premier que j'écris spécialement pour mon blog tout nouveau, tout beau (enfin, j'espère...). Et le gagnant est... suspense... "Vendetta", de R.J. Ellory (en grand format chez Sonatine).





Un auteur dont j'ai souvent entendu parler en bien, en très bien même, alors j'ai voulu me faire ma propre opinion. "Vendetta" se passe en Louisiane, et c'est déjà un élément important, car je trouve que c'est un état extrêmement romanesque, propice à créer des atmosphères pesantes et plutôt sous-employé par les écrivains et les cinéastes.

Début des années 2000 à La Nouvelle-Orléans (sans doute avant le passage de l'ouragan Katrina). Août s'achève. Un soir, un corps affreusement battu est découvert dans le coffre d'une voiture de collection datant de la fin des années 60. On lui a arraché le coeur avant de le remettre dans sa cage thoracique...

Ce cadavre n'est pas celui de n'importe qui : l'homme est le garde du corps de la fille du gouverneur de Louisiane, Catherine Ducane. Aucune trace de cette ado de 19 ans, un poil capricieuse, mais pas habituée à disparaître sans laisser de trace derrière elle, fût-ce un homme assassiné.

Conséquence, ce sont des pontes descendus de Washington qui se retrouvent en charge du dossier... Mais, un dossier vide, à l'exception de coups de téléphone anonymes émanant du kidnappeur.

Le dernier de ces appels est reçu par les agents spéciaux Shaeffer et Woodroffe, chargé par les plus hautes instances de retrouver coûte que coûte Catherine Ducane. Et c'est peu de dire que les exigences du ravisseur les surprennent : il demande juste qu'on fasse venir sous 24h à la Nouvelle-Orléans un certain Ray Hartmann.

Drôle de revendication, non ?

Mais au fait, qui est ce Ray Hartmann ? Recherches faites illico presto, il s'avère que Ray est un obscur bureaucrate washingtonien travaillant pour le compte d'un procureur spécialisé dans les dossiers liés au crime organisé. Alcoolique repenti, ou presque, Ray a vu sa famille et sa santé détruites par son boulot et ses conséquences, car lutter contre les mafias est un peu le mythe de Sisyphe. Et, dernière particularité, il est natif de la Nouvelle-Orléans, même s'il n'y a plus remis les pieds depuis son adolescence.

Aussi déboussolé que ses charmants accompagnateurs, Hartmann se retrouve donc avant même d'avoir pu dire ouf et sans la moindre idée des raisons de ce séjour improvisé en Louisiane. Mais, rien à faire, le ravisseur présumé de Catherine Ducane n'entend parler qu'à lui, sinon, adieu, la demoiselle !

Hartmann, qui ne pense qu'à revoir sa fille et son ex-femme quelques jours plus tard, va alors se retrouver confronté à une situation qu'il n'aurait jamais pu imaginer : à peine arrivé, lui aussi reçoit un appel du ravisseur en guise de bienvenue.

Mais, le lendemain, alors que les enquêteurs, malgré leurs efforts, pataugent complètement, un rebondissement de taille va tout modifier : le ravisseur se rend. C'est un homme d'une soixantaine d'années qu'on imagine mal capable de battre à mort un autre homme, plutôt costaud, qui plus est. Pourtant, il est bien là, affirme savoir où est Catherine Ducane mais ne le dira qu'après s'être entretenu avec Hartmann.

Des entretiens qui vont prendre plusieurs jours, au cours desquels l'homme, Ernesto Perez, d'origine cubaine mais né à la Nouvelle-Orléans, va raconter à Hartmann sa vie. Une vie pas ordinaire, la vie d'un adolescent devenu très tôt meurtrier et qui, progressivement, va faire fructifier ce talent peu ordinaire, en le mettant au service de famille mafieuses italiennes.

Commence le récit d'une vie consacrée entièrement à l'assassinat, froid, efficace, qui, pendant les 50 dernières années, a emmené Perez aux quatre coins des USA et à Cuba. Une vie dont l'homme ne semble rien regretter et qu'il raconte avec un calme et une application diamétralement opposés à la tension que ressentent les enquêteurs, impuissants à comprendre ce qui se passe et encore moins à trouver le moindre indice concernant Catherine Ducane.

Ils n'ont pas le choix, ils vont devoir attendre la fin de ce récit éprouvant. Le récit d'une vie heureuse, si, si, une vie que Perez a su construire malgré sa "profession".

Mais alors, pourquoi cet homme de mains en est-il venu à enlever la fille d'un gouverneur ?

Et que diable vient faire Hartmann dans cette galère ?

Le titre du livre l'annonce d'emblée, on est dans une histoire de vengeance. Une vengeance machiavélique pour soldes de tous comptes. Mais Ellory distille son récit au compte-gouttes. On n'est pas dans un thriller mené à toute allure, des scènes d'action s'enchaînant avec d'autres scènes d'action. Non, on est dans un véritable roman noir évoquant les romans des années 40-50 (Hammett, Chandler...), dans lequel la lenteur relative entretient la tension et l'atmosphère poisseuse et glauque des bayous de Louisiane voisins amplifie l'angoisse émanant de la vie de cet homme impitoyable.

En lisant Ellory, on pense à Ellroy, autre "passionné" des années mafia. Comme son aîné, Ellory mêle roman et faits réels (tordant le cou au passage à deux ou trois des plus grands secrets de l'Histoire contemporaine des Etats-Unis) et trace la cartographie hallucinante des familles du crime organisé américain, telle une toile d'araignée recouvrant les 50 états en mailles serrées.

Ambition, trahison, argent, pouvoir, mais aussi origines ethniques, le cocktail est détonnant et d'autant plus impressionnant que c'est une réalité.

Roman d'une sombre violence où, paradoxalement, l'amour n'est jamais absent, bien au contraire, "Vendetta" ne se lit pas d'une traite. Sa lecture est éprouvante, car le lecteur est dans la même position que Hartmann : à la merci du ravisseur, contraint de suivre son terrible récit. Mais elle est envoûtante aussi, tant le destin de l'homme est hors du commun.

Et lorsqu'on réalise l'ampleur du plan mis en place par Perez, ses motivations et les conséquences cataclysmiques qu'il va entraîner, alors, on sait qu'on a entre les mains un grand roman, qui nous laisse finalement pantelants, abasourdis, comme Hartmann.

Mais "Vendetta" est aussi un roman sur la rédemption et sur les formes parfois étranges qu'elle peut prendre. Comme si le sang versé, tel le feu, pouvait s'avérer purificateur. Une rédemption indispensable pour parvenir enfin à la paix dans une dernière action d'éclat d'une violence inouïe.

10 commentaires:

  1. Je ne peux que te conseiller "Seul le silence". Un chef d'oeuvre. J'ai également lu son dernier paru en France "Les anonymes" pas mal. "Vendetta" est pour bientôt, en octobre, pour une LC. Ce que j'aime chez cet auteur, c'est qu'il arrive à partir au fin fond de l'Amérique avec "Seul le silence", au milieu de la mafia avec "Vendetta" et sur un complot gouvernemental avec "Les anonymes" : des genres très différents, mais un vrai talent de conteur.

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  2. J'ai aimé retrouver dans "Vendetta" la même atmosphère que j'aime tant chez Faulkner, chez Steinbeck, mais aussi ce côté sombre, cette noirceur propre au roman noir américain qui prend aux tripes et captive, même sans foncer à 1000 à l'heure avec une débauche d'effets spéciaux et de poursuites échevelées. Une belle lecture qui va en appeler d'autres de cet auteur, très certainement.

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  3. J'ai ce livre dans ma PAL. Faudra que je l'en sorte, d'autant plus que j'avais adoré Seul le silence.
    Sinon, si tu aimes aussi l'ambiance de la Lousiane avec ses bayous, sa chaleur, je te conseille Bad City Blues de Tim Willocks.

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  4. Pareil j'avais dévoré "Seul le silence" (quel mauvais titre par ailleurs, le titre VO, A quiet belief in angels, lui allait mille fois mieux) et Vendetta était sur ma Wish List. Du coup il va se retrouver en haut de la liste!
    En tout cas, dernièrement Sonatine sort de bons bouquins. Elle me plaît de plus en plus cette maison.

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  5. Pour le titre, c'est la même chose pour "Vendetta" qui a perdu son qualificatif de "Quiet" dans la traduction. Dommage, car ces titres sont un vrai plus, ils sont très bons, alors pourquoi les amputer ou les dénaturer ?

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  6. J'avais une réticence à lire Ellory. Pourquoi ? Mystère ! Mais après avoir lu les anonymes, j'ai vraiment été conquise par son style. Et depuis je désire poursuivre l'aventure. Donc tu l'auras compris je souhaite lire Vendetta

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  7. Ellory est un de mes chouchoux littéraires. J'aime sa façon d'écrire, le soin qu'il attache à la psychologie de ses personnages... Je l'ai découvert avec "Seul le silence" et ce fut une vraie claque! Depuis j'ai lu ses romans traduits mais ce dernier reste mon préféré.
    Pour "Vendetta" c'était la 1ere fois que je lisais un roman sur la mafia. J'appréhendais un peu mais la magie d'Ellory a opéré :)

    J'avais fait un billet sur ce roman, si ça te dit:
    http://cafardsathome.canalblog.com/archives/2011/04/20/20940287.html

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  8. Rolala... je sens que je vais ajouter ce livre à ma wish list! Merci milles fois pour ce billet!
    :-D

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