lundi 8 août 2011

Le saviez-vous ? Cervantès n'est pas que l'auteur du Quichotte !

Me voici donc en 1575, avec "le Barbaresque", d'Olivier Weber (Flammarion, grand format).

En cette année 1575, Miguel de Cervantès et son frère Rodrigo espèrent rentrer enfin en Espagne après de longues années de campagne militaire. Car, Cervantès n'est pas encore un écrivain célèbre, mais un soldat qui a participé à la victoire des armées catholiques sur les Ottomans à Lépante. Il y a été blessé 3 fois et y a perdu l'usage de sa main gauche. Désormais, il aspire à une vie pus tranquille. Mais, au large des côtes françaises, voilà son bateau abordé par des pirates mahométans. Faits prisonniers, les deux frères sont conduits à Alger où une rançon très élevée leur est attribué. Car Cervantès détenait un message de son protecteur, Don Juan d'Autriche, fils illégitime de Charles Quint.

Cette détention va durer 5 ans. Une semi-liberté, en fait, car les prisonniers n'ont pas le droit de quitter Alger, mais ils peuvent y travailler et y vivre presque normalement. Cervantès devient pêcheur de coraux. Cherchant à s'évader, attendant qu'on réunisse sa rançon, il découvre ce royaume d'Alger, terre de ces terribles "Barbaresques", zone instable politiquement, en raison des rivalités entre les autochtones et les Turcs, qui ambitionnent d'unifier la Méditerranée sous leur oriflamme.

Cervantès se lie d'amitié avec un marchand juif et tombe sous le charme de la fille de l'envoyé de Constantinople à Alger. Un amour partagé, mais impossible. Un amour qui va aider Cervantès à tenir.

Ayant gagné la confiance du père de cette jeune femme, Cervantès se voit confier une périlleuse mission : convoyer un message jusqu'au roi d'Espagne. Un message du Sultan Ottoman qui veut en terminer avec la piraterie en Méditerranée, les guerres incessantes et créer une zone de commerce et de bonne entente entre peuples.

Mais tout le monde ne voit pas ce projet d'un bon oeil et Cervantès doit encore réussir à quitter Alger sain et sauf. Un départ qui, il le sait, signifiera la fin définitive de son histoire d'amour.

Un dilemme que ne se pose pas longtemps Cervantès : la pacification de la Méditerranée est un projet titanesque et fondamental.

Olivier Weber est journaliste, correspondant de guerre. Dans ce roman historique, il mêle habilement la biographie de Cervantès, la légende de cet homme devenu ensuite un écrivain mythique et son imagination pour arriver à un livre consacré à la tolérance religieuse.

A l'heure où certains projettent une union méditerranéenne reposant sur le commerce, Weber rappelle que ce projet remonte à plusieurs siècles en arrière, en pleine période de guerres de religion entre catholiques et musulmans. Il décrit un royaume d'Alger où vivent, si ce n'est en harmonie, au moins dans un certain calme les 3 religions du livre, dont beaucoup de descendants de juifs et de musulmans chassés d'Espagne lors de la Reconquête, à la fin du XVème siècle.

Mais, comme aujourd'hui, abattre les cloisons raciales et religieuses s'annonce titanesque, quasi impossible. Et pourtant, Cervantès, et le lecteur à travers lui, vont apprendre, ou réapprendre, à découvrir que ces 3 religions qui s'entretuent depuis si longtemps, reposent aussi sur des messages de paix, d'amour, de tolérance et de respect d'autrui.

Cervantès, métamorphosé par l'amour et la spiritualité, découverte auprès des soufis, va se débarrasser de sa carapace de soldat aguerri et sans pitié, et trouver sa voie : l'écriture.

Car, comment parler de Cervantès sans évoquer Don Quichotte ? Weber y parvient plutôt bien, même si certains clins d'oeil m'ont paru un peu trop appuyés. En revanche, la manière dont Weber réussit à esquisser la genèse du livre qui rendra célèbre Cervantès est très habile. Et on voit, derrière "la triste figure" de l'auteur, apparaître en ombres chinoises, ses personnages et les lignes directrices de l'oeuvre.

"Le Barbaresque" n'est pas le meilleur roman historique que j'ai lu. Mais, le portrait de Cervantès et sa destinée méconnue valent la lecture. Et Zohra, son amour impossible, sait aussi envoûter le lecteur.

1 commentaire:

  1. Le Barbaresque d'Olivier Weber est un très beau roman de passion, d'aventures, de mer. Et de religions aussi, vous avez raison. A mettre entre toutes les mains. J'ai passé un excellent moment à lire cette épopée. Olivier Weber nous emmène sur les rives sud d'une Méditerranée de feu, de sang et d'amours. Une prouesse.
    Laurence Giusti

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