"Le voisin est un animal nuisible assez proche de l'homme" (Pierre Desproges)

Depuis "Elle s'appelait Sarah", je n'avais rien lu de Tatiana de Rosnay. Alors, cherchant de quoi rompre la litanie estivale des thrillers, je suis allé dans une maison de la presse au rayon livres plutôt fourni et j'ai vu "le Voisin", publié au livre de poche.




Colombe est une femme discrète, introvertie. Mariée, mère de jumeaux, elle tient le domicile familial et travaille comme "nègre" dans une maison d'édition.Et voilà justement que la famille déménage. Colombe se charge de trouver un appartement et, coup de bol, elle en obtient justement un, celui de ses rêves, au nez et à la barbe des nombreux autres candidats.

Et cet appartement, elle l'adore ! Emménagement rapide, aménagement, tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes... ou presque ! Car, dès les premières nuits, Colombe est réveillée par un bruit étrange émanant de l'appartement du dessus. Petit à petit, ce désagrément prend de l'ampleur et les bruits se font plus présents, plus forts, plus longs...

Colombe en perd le sommeil et, lorsqu'elle essaye d'expliquer ce qui lui arrive, on la comprend mal, on ne la croit pas. D'autant que ces bruits ne se manifestent que les nuits où Colombe est seule, lorsque son mari est en déplacement professionnel.

Au fur et à mesure, la tension monte, Colombe subit une métamorphose sous l'effet du manque de sommeil, de l'angoisse et de l'incompréhension. On ne lui dit que du bien de ce médecin habitant au-dessus de chez elle et pourtant, il la torture sans répit de la plus sournoise des façons.

D'un roman contemporain, dont le prélude aurait pu être celui d'un roman d'amour, de la rencontre et de la relation improbable entre voisin, on passe bientôt à un roman beaucoup plus sombre, presque un thriller, où toutes sortes d'hypothèses affleurent : affabule-t-elle ou est-elle vraiment victime d'un dangereux pervers ?

Et, si elle n'imagine pas tout, quelles sont les motivations de ce voisin ?

Je n'en dis pas plus sur le dénouement de cette histoire, pas extraordinaire, mais prenante et efficace. Mais, ce qui m'a vraiment intéressé dans ce roman, c'est la façon dont cette expérience va métamorphoser une femme frustré sur bien des plans et faire sortir enfin, le papillon de sa chrysalide.

Au début du livre, elle est, comme je le disais, très introvertie, toute entière tournée vers sa famille, ne travaillant qu'à mi-temps, remplissant un rôle de "nègre" qui ne l'intréresse pas plus que ça alors qu'elle rêve depuis l'adolescence d'être écrivain, et qui ne revendique rien.

Le harcèlement qu'elle va subir de la partde ce mystérieux voisin va faire office de chemin de Damas pour la jeune femme. D'un seul coup, elle va revendiquer son indépendance, en tant qu'être humain, en tant qu'épouse, en tant qu'employée. Elle découvre l'érotisme au travers d'un des livres qu'elle doit retravailler, devient moins prude, n'accepte plus les écarts de son époux, veut voler de ses propres ailes, agir enfin en se plaçant au premier rang et non en retrait, comme toujours.

Une métamorphose qui s'accompagne d'une violente rébellion contre l'ordre établi qu'était sa vie depuis toujours. Elle va mettre les points sur les i à tout son entourage et se révéler à elle-même, comme si ces moments pénibles avaient brisé sa coquille ou plutôt la carapace derrière laquelle la timide et hyper-complexée demoiselle s'était retranchée.

Un cas pour la psychanalyse, cette Colombe !

Certains verront le dénouement et la chute arriver de loin, possible. Mais si j'ai un reproche à faire au "Voisin", c'est sa brièveté. Je pense que la partie harcèlement aurait mérité des approfondissements et des développements, tout comme les passages concernant l'inévitable rencontre.

Mais l'atmosphère est bien rendue, la tension monte parfaitement. Et, encore une fois, Tatiana de Rosnay choisit un appartement comme décor de sa fiction, comme lieu de toutes ses peurs. Etrange, non ?