Un thriller fantastique ayant pour cadre le pays Basque, voilà qui a de quoi attiser la curiosité. D'autant, qu'il ne se contente pas d'utiliser la culture basque dans son récit, mais tient compte aussi de la très complexe situation politique de cette région. Publié par Aitamatxi, une jeune maison d'éditions dédiée entièrement aux romans se déroulant au pays Basque, nous parlons aujourd'hui de "Mascarades", de Philippe Ward (accessoirement, directeur de la collection de SF et de fantastique Rivière Blanche).
"Mascarades" se déroule de nos jours dans un pays Basque déchiré par de violentes luttes intestines. L'ETA se divise entre partisans d'une lutte violente et radicale, voire terroriste, et partisans d'un processus de paix négocié avec Madrid. Mikel est libraire et un vieux de la vieille du mouvement indépendantiste. Jamais son appartenance à ETA n'a été rendue publique mais il en reste un compagnon de route. Pourtant, s'il ne renie rien de ses objectifs (l'indépendance du pays Basque), il a depuis longtemps choisi de privilégier la voie politique à la voie violente.
Il a même activement participé à la mise en place d'un cessez-le-feu durable et commence à croire à une vraie autonomie pour sa région. D'ailleurs, une rencontre décisive est bientôt prévue à Madrid pour finaliser cet accord historique.
Mais se produit alors une série de meurtres visant des membres éminents de l'ETA. Mikel ne croit pas, comme certains de ses camarades, que ce soit une tactique de Madrid pour faire échouer les négociations. il ne veut pas imaginer non plus que ces déstabilisations viennent de son propre camp...
Pourtant, avec les informations qu'il peut réunir sur ces meurtres, Mikel découvre que ce ne sont pas des soldats ni même des êtres humains qui les commettent, mais d'étranges créatures, tout droit sorti... du carnaval Basque ! Ces créatures mythiques ont mystérieusement pris vie avec un unique objectif au cours de leur éphémère existence : tuer. Et tuer des cibles bien précises...
Et bien vite, Mikel se retrouve sur la liste des personnalités à abattre. Car l'objectif suivi par le maître de ces marionnettes si dangereuses est bien de faire échouer le plan de paix...
"Mascarades" est un thriller, aucun doute là-dessus. Un thriller passionnant, mené à un rythme d'enfer, avec juste ce qu'il faut d'action pour qu'on ait envie de tourner les pages, de savoir ce qui va se passer.
Mais, pour un profane comme moi, c'est également un livre très intéressant car on y apprend énormément de choses sur l'histoire, la culture, les traditions et même la langue basques (même si, mon cher Philippe, un mode d'emploi de cette langue qu'on ne voudrait écorcher serait le bienvenu en annexe, à bon entendeur...). Mais, le talent de Ward est d'y ajouter cette touche de fantastique qui fait toute l'originalité du récit.
Avec ces "tueurs à gages" pas ordinaires, on a en tête plein d'images hautes en couleur et, finalement, bien plus effrayantes que des tueurs de chair et d'os, car ils nous renvoient en quelque sorte au Croquemitaine de notre enfance, aux monstres cachés sous nos lits ou dans nos placards.
"Mascarades" est aussi remarquables car il n'est ni militant, ni manichéen. Il se contente de faire l'état (sans mauvais jeu de mots, promis, juré !) des lieux d'un mouvement gangréné par les rivalités, les courants idéologiques et surtout la question du recours à la violence.
On comprend mieux ce qu'il y a de si spécial dans l'identité basque, de si différent par rapport aux deux pays qui se partagent le pays Basque, l'Espagne et la France. On se dit aussi que l'Histoire est injuste, car l'Histoire basque est finalement plus ancienne que celle des deux puissances actuelles.
Et on comprend que, malgré les efforts, les concessions, les avancées, on est encore loin d'une solution qui satisfasse toutes les parties, loin d'une paix véritable, loin de relations assainies entre Basques, Espagnols et Français... Mais, on est sur la bonne voie, malgré tout, à condition qu'on laisse les créatures dans les défilés du carnaval !
Un dernier mot pour remercier Philippe Ward, qui m'a envoyé ce livre. Il le fallait, puisque Philippe a participé lors des dernières Imaginales d'Epinal, à la conférence d'ouverture que j'animais, aux côtés, s'il vous plaît, de Pierre Bordage, Ayerdhal et Sire Cédric. Un très bon souvenir, en ce qui me concerne, à écouter ou réécouter ici (si ça marche!)...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire