jeudi 26 juillet 2012

« Le jeu du sang ne s’arrête jamais. »


En recevant il y a quelques semaines le nouveau roman de Sire Cédric et en découvrant qu’on y retrouve les personnages de son précédent roman « De fièvre et de sang », je m’attendais à une lecture particulièrement saignante… Une première impression que la lecture de ce nouveau roman fantastique, « Le Premier sang » (en grand format au Pré aux Clercs), n’a ni confirmé, ni démenti… Ca saigne raisonnablement, dirons-nous, mais le vrai plaisir, c’est d’y retrouver les ingrédients chers à Sire Cédric : des enquêtes policières sur fond de surnaturel. Efficace, très efficace. Et, pour ses fidèles, des révélations majeures !


Couverture Le premier sang


Un soir d’hiver neigeux et froid, Erwan Leroy, lieutenant de police de son état, et Eva Svärta, son atypique collègue albinos, planquent devant un immeuble dont le dernier étage est occupé par un important trafiquant de drogue, Ismaël Constantin. Peu d’espoir de coincer cet homme, implanté depuis 15 ans dans un quartier qui lui semble acquis. Mais Leroy ne désarme pas : il veut arrêter Constantin et mettre fin à son trafic.

Mais, alors que les deux flics se font malmener par les gamins du quartier, venus défendre Constantin, un terrible incendie éclate à l’étage où vit Constantin. Rien à faire, le feu est trop fort, Svärta et Leroy ne peuvent intervenir avant que les pompiers n’aient maîtrisé l’incendie… Mais, lorsqu’ils peuvent enfin accéder à l’appartement du dealer, ils ne peuvent que constater les dégâts : le corps carbonisé de Constantin est attaché à une chaise… Les premières constatations montrent qu’il a été horriblement torturé avant qu’on allume le feu. Des supplices qui rappellent les tortures administrées, il y a longtemps, par l’Inquisition.

Alors que l’enquête s’oriente aussitôt vers un règlement de comptes entre trafiquants, sans doute pour éliminer un concurrent et récupérer ses « parts de marché », Svärta va, dans l’appartement voisin, appartenant lui aussi à Constantin, faire une découverte qui va laisser les policiers sans voix : le corps d’un bébé, apparemment assassiné lui aussi, git dans un congélateur… Seul indice : un morceau de bois peint, trouvé à côté du petit cadavre…

Au temps pour l’hypothèse de la guerre des gangs, tout cela ressemble plus à « l’œuvre » d’un malade sanguinaire… De quoi réveiller en Eva Svärta les plus pénibles souvenirs qui soient : l’assassinat de sa sœur jumelle, lorsqu’elles avaient 6 ans, par un tueur en série, drame qui a fait naître sa vocation de flic, afin de retrouver un jour le meurtrier…

Dans le même temps, Madeleine Reich, riche industrielle en vue, est victime d’étranges stigmates. Des blessures apparues brusquement, lors d’un repas avec son mari. La nuit suivante, Madeleine tue de sang-froid son mari avant d’incendier sa luxueuse maison de Neuilly et de disparaître.

A Toulouse, Alexandre Vauvert, toujours aussi fatigué et de plus en plus désabusé, enquête sur la disparition du patron d’un important groupe industriel régional. Voilà bientôt deux semaines que Pierre Loisel a disparu soudainement. Et l’enquête piétine, aucune piste n’est privilégiée, et pour cause, les policiers toulousains ne dispose d’aucun indice crédible…

Vous vous en doutez, ces 3 histoires vont bientôt se rejoindre, je n’en dis pas plus à ce sujet, mais cela va être l’occasion de retrouvailles entre Svärta et Vauvert, dont l‘aventure nouée à la fin de « De fièvre est de sang » est restée sans lendemain. Pas du fait de Vauvert, qui a contacté régulièrement sa collègue et amie, sans obtenir de réponse. Tout à son drame personnel, Svärta a choisi de ne pas répondre au géant toulousain, pour ne pas, pense-t-elle, l’entraîner dans son malheur.

Cette relation étrange entre les deux policiers va se renouer comme elle a commencé : sous le signe du sang. Car Svärta et Vauvert ne sont pas au bout de leurs peines : les voilà à la poursuite d’un tueur impitoyable aux méthodes peu orthodoxes (fantastiques ? Surnaturelles ? Paranormales ? Choisissez le mot qui vous convient le mieux), dont les cibles ont, elles aussi, beaucoup à se reprocher…

Une enquête qui, certes, marque les retrouvailles entre les deux enquêteurs vedettes des romans de Sire Cédric, je l’ai déjà dit, mais pas seulement. Car ces journées pénibles, cette confrontation avec des évènements inexpliqués et inexplicables, les horreurs que l’enquête met progressivement au jour, les rencontres avec des personnages hors du commun et une vérité bien pénible à accepter vont provoquer bien des révélations, et pas des plus faciles à assimiler, chez nos deux protagonistes principaux…

Des révélations qui, pour nous lecteurs fidèles des romans de Sire Cédric, vont éclairer Vauvert d’abord, puis Svärta ensuite, d’une lumière nouvelle. Même si on connaît Vauvert depuis « plus longtemps » que sa collègue albinos, cette dernière a marqué les esprits lors de la première enquête où elle est apparue. Nulle surprise de la voir revenir, donc, ni de la voir retrouver Vauvert. Mais, ce « Premier sang » est l’occasion de revenir sur ses origines, sur ce mal qui la ronge depuis sa plus tendre enfance, sur cette cicatrice jamais refermée (contrairement à celles reçues dans « De fièvre et de sang »), sur les questions restées jusque-là sans réponse…

Pas forcément de quoi apaiser totalement le feu qui la consume, la demoiselle a du caractère et un passé qui ne passera jamais, quoi qu’il arrive. Mais « Le premier sang », c’est la confrontation d’Eva avec elle-même, au cœur d’un tourbillon d’une violence aussi inouïe qu’irrationnelle, où ses démons personnels et ceux qu’elle doit affronter s’allient pour lui faire perdre la raison, elle qui est aussi prompte à s’enflammer que l’amadou…

Quant à Vauvert, une nouvelle fois, le voilà confronter à une affaire complexe où le réel et le fantastique se mêlent étroitement. Mais, véritablement pour la première fois, Vauvert va avoir conscience de ce cocktail détonant. Jusque-là, s’il a bien remarqué que certaines choses curieuses se produisaient au cours de ses enquêtes (je pense à la « rencontre » finale dans « l’enfant des cimetières », par exemple), jamais ce grand costaud cartésien n’avait envisagé qu’il puisse s’agir de phénomènes défiant la raison.

Cette fois, ce qu’il va découvrir, les évènements auxquels il va assister, vont le frapper de stupeur : impossible de douter que tout cela est extraordinaire, incroyable, inexplicable… « Le Premier sang », c’est la véritable rencontre entre Vauvert et l’univers surnaturel qu’il côtoie sans le savoir, ou sans se l’avouer consciemment, depuis 4 aventures, maintenant…

« Le Premier sang » s’annonce donc comme une charnière dans la bibliographie de Sire Cédric, car rien, ni pour Vauvert, ni pour Eva, ne sera pareil après cette aventure (et je ne parle même pas de la dernière page du roman qui ouvre encore d’autres perspectives pour les personnages fétiches de l’auteur). Leur statut, la manière dont ils vont se considérer eux-mêmes, et sans doute dont leur entourage professionnel va devoir les (re)considérer, vont forcément changer. La façon dont nous, lecteurs, allons les envisager à l’avenir aussi. Et puis, également, la façon dont Sire Cédric lui-même va les mettre en scène dans ses prochains livres…

Je me rends compte que je n’ai pas beaucoup parlé de l’histoire et de son contexte, que je n’ai pas explicitement évoqué la « famille » de fantastique à laquelle appartiennent, si je puis dire, les personnages du « Premier sang ». Contentons-nous de dire qu’après les esprits, les vampires et les fantômes, Sire Cédric s’attaque à une nouvelle catégorie de créatures à la fois humaines et pourtant dotées d’aptitudes extraordinaires.

Mais je m’arrête là, car je ne veux pas risquer de trop en dévoiler, ce serait dommage. J’ai trouvé la narration de Sire Cédric pour nous amener jusqu’au dénouement est très habile, lorgnant encore une fois vers l’univers de Stephen King, tant dans le fond que la forme. On peut le dire aisément, puisque Sire Cédric assume totalement cette source d’inspiration (qui est loin d’être la pire dans ce genre littéraire reconnaissons-le).

Oh, il y a bien quelques scènes, quelques effets déjà vus ou un peu faciles (je pense à la poursuite en forêt, dans la dernière partie du roman, même si sa conclusion plus originale rachète la scène dans sa totalité), mais, dans l’ensemble, j’ai eu l’impression que les scories, les petits trucs superflus qui dépassaient dans « l’Enfant des cimetières » avaient disparu pour nous donner un produit fini brut de décoffrage et tourné vers l’efficacité du récit.

Et ça fonctionne : le suspense du « premier sang » est très efficace, on tourne les pages, avide d’en savoir plus, de comprendre ce qui peut l’être, de voir évoluer les personnages et avancer l’enquête, l’histoire est bien conçue, n’en déplaise aux plus perspicaces des lecteurs qui affirmeront avoir découvert l’un des fins mots de l’histoire très rapidement.

Sire Cédric étoffe son univers, poursuit dans un style personnel affiné (qui ne plaît pas forcément à tout le monde, mais dans lequel je suis toujours entraîné avec plaisir) et nous offre, non pas un, mais deux personnages à suivre désormais (à l’image de ce que Franck Thilliez a fait en réunissant, pour le pire, plus que pour le meilleur, vu ce qu’il leur fait subir, Sharko et Hennebelle). On a du mal à imaginer Vauvert sans Svärta, Svärta sans Vauvert, même s’il faudra régler la question géographique (lui à Toulouse, elle à Paris).

Mais « le jeu du sang ne s’arrête jamais » (citation tirée du roman, évidemment), comme je le signale en titre. Gageons donc que les prochains phénomènes auxquels ils seront confrontés rapprocherons ces deux êtres, dans un contexte particulièrement étrange, c’est vrai, mais où leur union fera leur force (mais peut-être aussi leur faiblesse).

Attention, je ne vais pas faire de Vauvert et Svärta les successeurs de Mulder et Scully, ça n’a rien à voir ! Ni leurs univers respectifs, ni leurs relations, ni même leurs manière d’appréhender les phénomènes auxquels Eva et Alexandre se retrouvent régulièrement confrontés (sachant qu’ils sont des flics « normaux », pour lesquels le paranormal n’est pas une « spécialité » ou une « spécialisation »).

En conclusion, le dernier roman en date de Sire Cédric m’a procuré une agréable journée de lecture. Je ne l’ai quasiment pas lâché avant de l’avoir terminé. Et lorsque j’ai referme « le Premier sang » je n’ai pu que me dire : « vivement le prochain Sire Cédric », car la progression de son travail est notable et doit être saluée.


2 commentaires:

  1. Malheureusement, j'ai été moins emballé que toi. Oui, on passe un bon petit moment mais c'est beaucoup trop "facile". Je n'ai pas été surpris une fois.
    Et j'ai trouvé la mise en place de l'intrigue et des persos lors des premières pages, beaucoup trop poussive. Heureusement, ça s'améliore par la suite.
    Je suis sûr qu'il peut faire bien mieux.

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  2. Je n'ai pas trouvé ça "facile", je cherchais à comprendre ce qui arrivait aux différents personnages, j'avais des hypothèses, mais pas de certitudes et je suis curieux de voir les répercussions qu'auront à l'avenir les révélations sur Vauvert et Svärta. Quant à l'aspect poussif que tu notes, vu que j'ai lu le livre en une journée, je ne l'ai pas vu ;-) J'ai aimé la mise en scène des passages fantastiques, j'ai aimé retrouver l'univers de Cédric, je ne vais pas bouder mon plaisir. Peut-être suis-je trop bon public, mais on ne me changera pas !

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