Voici un roman qui est sorti en France, que ce soit en
grand format ou en poche, dans des collections de littérature générale.
Pourtant, sur ce blog, je le classerai en roman noir. Non par rébellion ou par
facilité, mais parce que je pense sincèrement qu’on a là un parfait exemple de
roman noir, avec une intrigue, une enquête (même si on verra qu’elle est
particulière), des moments de tension et de suspense, des découvertes qui
épaississent le secret plus qu’elles n’en révèlent, des morts et des disparitions…
Oui, tout y est pour faire de ce livre un roman noir. Sans oublier son auteur,
dont les romans remplissent plus habituellement les rayons polars, puisqu’il
s’agit du suédois Henning Mankell. Voici une première argumentation pour vous
donner envie de lire « le cerveau de Kennedy » (en poche chez Points
Seuil). La seconde sera son thème, fort, puissant, violent, qui remue le
lecteur. Un thème que je vais développer maintenant…
Louise Cantor est suédoise mais passe une bonne partie de
sa vie en Grèce, où elle dirige des fouilles archéologiques. On ne peut pas
dire que sa vie soit une plénitude : la cinquantaine, seule depuis que son
mari, Aron, a disparu dans la nature sans laisser de trace, un boulot qui ne la
comble pas plus que ça, une vie sentimentale en pointillés… Sa seule fierté,
c’est son fils, Henrik, âgé de 25 ans.
D’ailleurs, Louise se fait une joie de passer le voir à
Stockholm puisqu’elle doit rentrer quelques jours en Suède pour participer à un
séminaire archéologique… Mais, lorsqu’elle entre chez son fils, elle le trouve
mort dans son lit… Le dernier pan solide de sa vie vient de s’effondrer avec
cette jeune vie éteinte sans prévenir, bien trop tôt…
Louise est détruite et, dans son chagrin, elle n’est
certaine que d’une seule chose : quelqu’un a tué Henrik. La police, après
les premières constatations sur place, a beau affirmer le contraire, elle n’en
démord pas : on a assassiné son fils unique et elle veut comprendre qui et
pourquoi. En fait, quelques jours après, l’autopsie rendra son verdict :
overdose médicamenteuse. La piste définitivement et officiellement retenue est
donc celle du suicide…
Pas plus satisfaisant pour Louise qui, dès qu’elle a pu,
a commencé à fureter dans l’appartement de son fils à la recherche d’éléments
qui pourraient la mettre sur la piste d’un mobile pour assassiner Henrik. La
chose la plus bizarre, celle qui retient en tout cas son attention, ce sont des
dossiers tournant autour d’un sujet assez étonnant : la disparition du
cerveau de JFK après son autopsie, à Dallas, en novembre 1963. Un cerveau, ou
plutôt ce qu’il en restait après avoir été traversé par une balle, qui n’a
jamais été retrouvé depuis…
Un peu léger, mais intriguant tout de même, cette
histoire… Mais Louise n’est pas au bout de ses surprises. D’abord avec une
visite, à l’appartement d’Henrik. Une jeune femme qui dit s’appeler Nazrin et
affirme avoir été la maîtresse d’Henrik, alors que son fils ne lui en a jamais
parlé… Un premier secret dévoilé qui, comme une série de dominos entrainés dans
une chute inexorable, va en amener beaucoup d’autres et faire prendre
conscience à Louise qu’elle en savait bien peu sur son fils…
Elle qui était persuadé que son fils vivait une vie
tranquille à Stockholm apprend par Nazrin qu’il voyageait sans cesse, sans
doute à l’étranger, mais qu’il parlait peu de cela avec elle… Seul indice, de
la terre rouge, rapportée involontairement dans ses valises… Puis, Louise va
faire une nouvelle découverte capitale en fouillant l’appartement de son fils
un peu plus soigneusement…
Deux cahiers avec, dans l’un, une photo d’une belle jeune
femme africaine… En lisant les textes, Louise comprend que celui avec la photo
a été écrit par une femme atteinte du sida, une femme en train de mourir de
cette maladie… Nouvel élément que
Louise, en archéologue chevronnée, étiquette et range avec soin dans sa
mémoire…
Mais, une fois Henrik enterré, Louise, sur un coup de
tête, va s’envoler pour l’Australie. C’est là-bas que se trouverait Aron, son
ancien mari, le père d’Henrik, qui ne s’est jamais vraiment occupé de lui mais
qui doit quand même savoir que son fils est mort. Là encore, elle n’a que peu
d’informations pour le retrouver et c’est un gros coup de chance qui va lui
permettre de débarquer chez lui, un matin, près de Melbourne.
Louise découvre alors que Henrik et Aron entretenaient
bien plus de relations qu’elle ne le croyait, en particulier par courrier. Une
correspondance qui avait cessé quelque temps avant sa mort. Aron semble même
très affecté par la disparition brutale d’Henrik et il accepte d’aider Louise
pour essayer de comprendre ce qui a pu se passer…
Leurs recherches vont les mener à Barcelone, d’abord, où
de nouveaux secrets sont révélés. Et surtout, un lien avec un pays
inattendu : le Mozambique. Et si la terre rouge, et si la femme de la
photo venaient de ce pays, l’un des plus pauvres du continent africain ?
Et si les causes de la mort d’Henrik se trouvaient aussi là-bas ?
De nouveau seule, de plus en plus persuadée que son fils
a été assassiné et certaine, désormais, qu’on la suit, qu’on la surveille,
Louise s’envole pour Maputo, la capitale mozambicaine, via Johannesbourg. Un
voyage pas plus préparé que ceux vers l’Australie ou Barcelone, mais Louise
n’est plus guidée que par son amour maternel et une parano de plus en plus tenace.
Sur place, elle va rencontrer différentes personnes ayant
croisé ou côtoyé son fils, en particulier un diplomate suédois, Lars Hakanson,
et une ancienne prostituée, Lucinda. Ces personnes vont encore une fois
dépeindre à Louise un Henrik qu’elle ne connaissait pas et, peu à peu, à
travers les engagements de son fils, en particulier auprès des malades du sida,
l’archéologue commence à entrevoir ce qui aurait pu coûter la vie à son fils…
Elle va alors plongé dans un pays, un continent, une
civilisation dont elle ignorait tout… Paradoxalement, elle qui est capable de
disserter des heures sur des civilisations disparues depuis des siècles, voire
plus, elle découvre qu’elle n’a jamais vraiment su ce qui se passait dans le
monde d’aujourd’hui, en tout cas, pas au-delà de sa propre sphère.
Mais c’est aussi à l’extrême pauvreté qu’elle va se
frotter, à un pays malade, décimé par l’épidémie de sida, incapable d’agir ou
de réagir face au fléau et devant s’en remettre à des soutiens internationaux
pas toujours bien intentionnés (et là, on n’est pas loin de l’euphémisme,
croyez-moi !).
Louise est désormais sur de toucher au but, même si elle
ne comprend pas encore le fil des événements. Son enquête, elle ne l’a pas
menée comme un policier, non, ce n’est pas son métier, mais comme une
archéologue : elle le dit elle-même, elle a patiemment rassemblé des
tessons qu’elle doit maintenant agencer pour reconstituer la poterie qu’elle
saura interpréter…
Eh oui, interpréter seulement, car ce qu’elle a accumulé
n’a rien de preuves au sens où l’on pourrait l’entendre dans un polar
traditionnel ou du genre qu’on présenterait devant une cour de justice. Non, ce
que recherche Louise, c’est comprendre. Comprendre pourquoi, en quelques jours,
en quelques semaines, on a réduit sa vie à un tas de miettes informe et
irréparable…
Alors, au mépris du danger qu’elle sent chaque jour plus
proche d’elle, elle creuse, strate après strate, élément minuscule après
élément minuscule, faisant de nouvelles découvertes plus épouvantables les unes
que les autres. Chacune lui ouvre un peu plus les yeux sur ce qui se passe au
Mozambique, et sans doute ailleurs en Afrique ou en Asie…
Mais, faute de pouvoir réellement reconstituer les faits
et gestes d’Henrik et de savoir ce qu’il faisait vraiment à l’autre bout du
monde, Louise commence à se poser de sérieuses questions… Et si son fils avait
trempé dans des trucs louches ? Et s’il s’était suicidé, comme l’affirme
la police suédoise, poussé par une culpabilité trop forte ? Ou bien a-t-on
voulu le faire taire pour l’empêcher de témoigner de ce qu’il a vu, sous le
vernis de la philanthropie ?
Alors, vous avez plus l’impression de lire un roman noir,
maintenant ? « Le cerveau de Kennedy » est en fait à la
bibliographie d’Henning Mankell ce que « la Constance du jardinier »
est à celle de John e Carré : un violent coup de gueule sur la manière
dont l’Occident considère l’Afrique et les Africains. Avec un mépris souverain,
y compris pour les vies humaines peuplant ce continent, mais aussi avec un œil
terriblement intéressé.
Pas seulement pour les ressources immenses que recèlent
les sous-sols, mais aussi, et l’on recoupe le premier point, parce qu’on a là une
population pas seulement corvéable à merci et dont pas grand monde ne fait cas,
mais aussi parce que leur mort peut aussi être profitable, et pas qu’un peu… De
nouveaux enjeux faramineux qui en font saliver plus d’un et qui effacent en un
clin d’œil toute forme de morale, de respect…
Mais, l’intérêt du « cerveau de Kennedy » est
aussi une charge sur ces bons Samaritains qui rappliquent en Afrique pour venir
en aide aux populations en danger afin de se donner une image positive et qui,
en réalité, se comportent de façon atroce, sans le moindre scrupule… Ce que
découvre Louise est digne des léproseries en Inde ou des lieux où l’on
enfermait les pestiférés au Moyen-Age… C’est immonde, dégueulasse,
révoltant !
« Le cerveau de Kennedy », ce sont 3
mots : douleur, chagrin, colère. 3 mots aussi bien applicables au
personnage de Louise qu’au romancier lui-même. Commençons par Louise, si vous
le voulez bien, puisque c’est assez simple : douleur causée par la mort de
son fils ; chagrin, parce qu’elle sait que rien ne le lui rendra et que
son deuil, au vu des secrets innombrables laissés derrière lui par Henrik, sera
particulièrement difficile à faire ; et colère, parce que ce deuil cruel
ne sera pas le seul que devra assumer l’archéologue…
La violence de ce dont elle a été témoin là-bas, les
morts auxquelles elle a assisté et celles qu’elle n’a pas et n’aura pas vues,
tout cela n’a pas fini de trotter dans sa tête. J’aurais pu ajouter la peur à
ces trois premiers mots. Pourtant, après avoir senti son souffle de plus en
plus fort sur sa nuque, Louise semble au final avoir été vaccinée par tout ce
qu’elle a appris, compris…
A tort ou à raison ? Peu importe, finalement, quand
le roman s’achève, Louise a assemblé ses tessons et s’est fait une idée précise
de ce qu’a fait son fils et de ce qui a abouti à sa mort… C’est d’ailleurs pour
cela, je pense, que « le cerveau de Kennedy » a été classé en
littérature générale : comme dit plus haut, on n’assiste pas à une enquête
traditionnelle, menée par un flic ou un aventurier, non, c’est une archéologue
et une mère qui mène la danse. Et puis, surtout, comme avec « La constance
du jardinier », si je me souviens bien, ne vous attendez pas à une fin en
forme de dénouement…
« Le cerveau de Kennedy » est un livre à thèse,
pas une enquête, aussi, ne voit-on pas au final apparaître clairement toutes
les responsabilités, les méchants punis, etc. Non, on a une thèse qui est celle
de Louise (et, à travers elle, de Mankell) mais sans la possibilité de pouvoir
agir autrement que pour elle-même…
Peut-être Louise cherchera-t-elle comment faire changer
les choses, comment faire tomber ceux qu’elle a vus à l’œuvre au Mozambique,
dans leur industrie de mort répugnante… Mais, ce serait l’objet d’un autre
livre. Ici, c’est la quête d’une mère pour digérer la mort de son fils de 25
ans, mais aussi, par la force des choses, pour le réhabiliter et trouver une
certaine paix…
Toutefois, à travers son périple et ses découvertes,
Mankell ne se prive pas de mettre au jour des choses terribles qui existent
hélas, très probablement, dans la plus grande indifférence. D’où, et je retombe
sur mes pattes, ces trois mots, douleur, chagrin, colère, qui s’appliquent
aussi directement à lui.
Si « le cerveau de Kennedy » se déroule en
grande partie au Mozamique (plus de la moitié des 430 pages du roman), ce n’est
pas un hasard. Mankell est Suédois, mais, depuis un certain temps déjà, il
passe une grande partie de l’année dans ce pays, devenu sa seconde patrie. Comme
Louise, sans doute, a-t-il eu une révélation en découvrant l’Afrique, au point
de ne plus vouloir en repartir complètement.
Sa douleur, c’est de voir ce continent magnifique, ces
hommes et ces femmes d’une immense dignité et d’une hospitalité sans borne, à
mille lieues de ce que nous sommes devenus, nous, Occidentaux blasés, dans un
état de décrépitude de plus en plus prononcé. Son chagrin, c’est que tout le
monde s’en fout et que, au lieu d’aider ces gens dans la misère, la maladie, la
mort annoncée, on préfère profiter d’eux et de leurs terres. Colère enfin
devant ces pratiques ignobles qu’il a choisies de dénoncer dans son roman et
pour taper du poing sur la table pendant qu’il est encore temps, afin d’attirer
l’attention sur le sida et ses ravages, effroyables, dans toute l’Afrique
noire.
Mankell assène des vérités et ce n’est sans doute pas
involontairement qu’il choisit un style indirect pour cela. Je
m’explique : sans doute aurait-il pu faire d’Henrik son protagoniste
central et raconter la même histoire à travers son regard, son expérience sur
le terrain. Mais voilà, lorsque commence le roman, Henrik est mort…
A Barcelone, dans une de leurs conversations, Louise et
Aron se rappelle de leur lecture commune du roman de Fenimore Cooper « le
dernier des Mohicans ». Le personnage central y est un indien dont la
mission est d’être un éclaireur. Et, à cet instant du livre, alors que le doute
qui étreindra ensuite Louise, ne s’est pas encore immiscé, ils verront leur
fils comme un éclaireur, lui aussi, à sa manière, un jeune homme plein d’idéal
et qui a voulu éveiller l’Occident à ce qu’il avait découvert en Afrique.
C’est aussi là que l’on retrouve le titre de ce billet.
Une phrase dont se souvient Louise, que lui avait dite Aron, du temps de leur
mariage. Henrik, c’est la lumière. A sa mort, Louise se retrouve plongée dans
l’obscurité, profonde, insondable… En cherchant à le faire revivre à travers
ses traces, ce voyage autour du monde, elle ravive cette lumière.
Mais, ce qu’elle éclaire, comme un jeu d’ombres
chinoises, n’est pas forcément évident à comprendre. On peut aussi se
méprendre, voir des choses différemment de ce qu’elles sont, comme Louise s’en
rend compte quand elle commence à craindre de découvrir de possibles turpitudes
chez son fils (et il y en a, apparemment…).
Pourtant, c’est aussi cette lumière filiale qui va
permettre à Louise, lorsqu’elle rassemble enfin la majeure partie des tessons
composant la vie de son fils, de savoir si tel ou tel, Lars, Lucinda ou
d’autres encore, sont des amis ou des ennemis, des gens que Henrik a aimés,
protégés ou au contraire, qui lui ont mis des bâtons dans les roues, voire précipiter
sa fin…
L’éclaireur est donc mort… Terrible symbolique, vous ne
trouvez pas ? Derrière lui, sur ses traces, une mère éplorée, dans
l’incapacité de se faire à son tour éclaireur… D’ailleurs, j’y pense, de nos
jours, cette métaphore de l’éclaireur tient toujours : on appelle ça des
lanceurs d’alerte ! A quand un lanceur d’alerte qui sensibilise et dénonce
la situation des malades du sida en Afrique ?
Et puisque Mankell a décidé de dénoncer tous azimuts, il
y a deux personnages qui en prennent pour leur grade, comme des archétypes de
ce néo-colonialisme écoeurant. Le premier, c’est Lars Hakansson, diplomate
suédois, en mission pour son pays pour coordonner l’aide au développement
auprès du gouvernement mozambicain. Des attributions dans lesquelles entrent
aussi les questions e santé publique au centre du roman.
Dévoué envers Louise à son arrivée, lui donnant un
portrait tout à fait élogieux d’Henrik, ce « brave » homme va
s’avérer être la parfait prototype du profiteur et du diplomate usant de son
pouvoir pour son propre bien-être et bien moins souvent pour celui d’autrui…
Son mode de vie, son comportement, rappelle les pires heures du colonialisme,
et même si Mankell rappelle en fin d’ouvrage qu’il est un personnage de
fiction, difficile de ne pas penser qu’il existe des gens comme lui, sans doute
dans bien des endroits…
Sur le second personnage, je vais être beaucoup moins
bavard, car il est au cœur du livre, et j’en ai peut-être déjà dit trop sur lui
depuis le début de ce billet. Je dois dire qu’une fois le livre refermé, je me
suis posé bien des questions à propos de celui que j’appellerai « le
découpeur de silhouettes ». Car, c’est un peu Docteur Jekyll et Mister
Hyde, autour de lui flottent à la fois une aura quasi mystique et une forte
odeur de soufre et de pourriture…
Louise le démaque-t-elle véritablement ? C’est tout
le sujet de ma réflexion… Oui, sans doute, en tout cas à son échelle. Pour
autant, elle n’a sans doute découvert qu’une partie émergée d’un iceberg bien
plus gros et bien plus atroce encore… On n’a pas de preuve concrète, au final,
contre lui, ce n’est pas ce que Louise est venue chercher au Mozambique, mais
le soupçon est très certainement fondé et la paranoïa de l’archéologue sans
doute pas psychosomatique…
Pour autant, l’homme possède un tel charisme, on le
présente tellement comme un homme bien, l’homme de Maputo, comme Schweitzer
était l’homme de Lambaréné… Je force un peu le trait, mais c’est toute
l’ambiguïté de cet homme qui, en outre, pourrait bien agir comme il le fait pour
des motifs qui ne peuvent que le rapprocher de Louise…
Et si l’enfer était vraiment pavé de bonnes
intentions ?
« Le cerveau de Kennedy » est un roman qui
prend aux tripes, remue le lecteur, le bouscule dans nombre de ses certitudes
et le culpabilise, sans exagération, juste la claque qui réveille. Je l’ai
signalé brièvement plus haut, certaines scènes sont d’une grande dureté, une
violence qui prend à la gorge, qui vient nous frapper là où ça fait mal :
dans nos propres valeurs, dans ce que nous serions prêts à ne pas tolérer pour
nous et nos proches mais que nous acceptons pour d’autres, parce qu’ils sont
loin, différents.
Un dernier point, certains d’entre vous se demandent sans
doute quel rapport il peut bien y avoir entre tout ce que je viens de raconter
et le cerveau de Kennedy, qui se retrouve en couverture du roman avec le
délicat rôle de titre… C’est vrai que ça ne saute pas aux yeux tout de suite et
qu’il y a plusieurs dimensions à cet élément.
D’abord, soyons clair, il s’agit d’une métaphore,
l’organe disparu du président assassiné n’est pas l’objet d’une quelconque
recherche et ne resurgit pas brusquement dans le cours du roman (quoi que…).
Non, c’est autre chose, une réflexion philosophique qui pousse Henrik d’abord,
puis Louise plus tard à s’intéresser à cette drôle d’affaire…
Je ne vais pas vous l’expliquer, car, si dans les faits,
ce n’est pas capital et donc, pas forcément une manière de spoiler le roman, la
démarche pour comprendre par vous-même ce mystérieux rapprochement est intéressante.
En particulier, la vision que Louise en aura, une fois ses fouilles (là encore,
on est dans la métaphore) bien engagées.
Henrik, lui, a laissé ses fameux dossiers, que découvrent
Louise en premier lors de sa fouille de l’appartement de son fils. Dedans, des
documents, coupures de presse sur le sujet… Et des annotations de la main de
son fils… Assez difficile à comprendre dans un premier temps, pour elle, comme
pour le lecteur.
En écrivant ces lignes, je relis ce passage, pages 62 et
63, et je me rends compte d’un seul coup qu’elles expliquent peut-être pas mal
de choses… Que le cerveau de Kennedy et les questions que Henrik se pose à
propos de sa disparition sont une manière d’expliquer ce qui a pu se produire,
pas au Mozambique, mais à Stockholm, dans cet appartement où tout commence
réellement…
Je pense que chacun y verra une explication personnelle,
comme sans doute chacun aura des explications sur ce qu’on voit et ne voit pas,
sur les éléments concrets et les ouï-dire… Mais, je pense que, plus que jamais,
il ne faut pas s’arrêter à une lecture au premier degré de ce roman. Non, il
faut accepter la réflexion, la prise de recul, le temps, comme Louise, de
rassembler tous les tessons que Mankell laisse…
En n’oubliant pas, comme le rappelle Mankell à la fin de
sa postface, que ce livre a été écrit sous le coup de la colère. Alors, bien
sûr, c’est un roman, une fiction, toute ressemblance avec des personnes
existant ou ayant existé… vous connaissez la suite… C’est vrai, et pourtant, il
y a sans doute beaucoup de vérités dans ces 430 pages… Et une colère
contagieuse…
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