En guise de titre, une phrase extraire de « la
Charge de la Brigade Légère », poème de Tennyson, à un mot près, le
« ou » qui remplace un « et », dans le texte original.
C’est le personnage principal de notre roman du jour qui la prononce, un avocat
chevronné qui explique à son assistante débutante sa stratégie quelque peu
kamikaze… C’est en effet Maître Mickey Haller qui est le principal protagoniste
de Michael Connelly, « le Cinquième témoin », publié en grand format
chez Calmann-Lévy. Une livraison annuelle, pour ce romancier prolifique, qui
profite de l’actualité lourde de son
pays, la crise des subprimes, en
l’occurrence, pour nous montrer le fonctionnement parfois curieux du système
judiciaire américain (bel euphémisme, non ?). Un polar judiciaire de grande
qualité, qui comprend une enquête délicate et pleine de zones d’ombres et une
démonstration in vivo des
imperfections d’une institution…
Avec la crise, les criminels capables de payer les
honoraires d’un avocat talentueux comme Mickey Haller se font rares, au point qu’il
a vu, ces dernières années, ses ressources baisser sensiblement. L’avocat a
donc choisi de se réorienter dans le droit des affaires, une branche en plein
essor depuis que la crise des subprimes
a fait augmenter de façon exponentielle les dossiers d’expulsion.
Après une petite remise à niveau, Haller a donc choisi de
défendre les citoyens qui risquent de perdre leurs maisons à cause des
manœuvres pour le moins indélicates des banques et des actions un peu trop
zélées des sociétés mandatées pour effectuer ces saisies. Un travail à temps
plein, et même plus, au point que Haller a dû embaucher pour pouvoir traiter
tous les dossiers qui lui sont soumis.
En plus de Lorna, son ex-femme, qui gère le cabinet de
main de maître, de son enquêteur baraqué, Cisco, et de son chauffeur repenti,
Rojas, l’avocat a recruté une jeune avocate fraîche émoulue de son école de
droit, Jennifer Aronson, surnommée Bullocks. Une recrue corvéable à merci, pour
le moment, qui doit encore en apprendre beaucoup sur le job, mais se montre
plutôt efficace.
Alors que Haller est justement sur le terrain pour voir
s’il va accepter un dossier supplémentaire, Lorna l’appelle pour le prévenir
qu’une de ses clientes, Lisa Trammel, vient d’être arrêtée pour meurtre et
qu’il ferait bien de se rendre au commissariat pour savoir de quoi il retourne
exactement. De quoi faire retrouver à l’avocat ses vieux réflexes…
Qui est Lisa Trammel? Cette mère de famille, dont le mari
est parti quelques années plus tôt, lui laissant sur les bras une maison pas
encore complètement payée, se bat depuis des mois contre sa banque pour essayer
de garder son logement qui devrait lui être saisie. Cette professeure s’est
découvert, à cette occasion, des talents d’activiste : elle a monté un groupe
de pression, un site internet et une page Facebook pour essayer de rassembler
tous ceux qui connaissent la même mésaventure et protester à grand renfort de
publicité contre les abus des banques.
Des protestations qui n’ont pas fait plaisir à tout le
monde : la banque concernée, exaspérée de voir Trammel et ses amis
manifester sous ses fenêtres, a porté l’affaire devant la justice et obtenu une
injonction d’éloignement à l’encontre de Lisa Trammel. Comme elle n’a plus le
droit d’approcher les locaux de la banque, elle a repris ses actions pacifiques
devant le tribunal qui a délivré cette injonction… Chez les Trammel, on ne
baisse pas les bras !
Que lui reproche-t-on exactement ? Ce matin-là, un
des vice-présidents de la banque Westland, cette fameuse banque qui voudrait
faire saisir la maison des Trammel, a été retrouvé mort dans le garage de sa
société. Mitchell Bondurant a apparemment été mortellement frappé à la tête au
moment où il descendait de sa voiture pour aller travailler…
En quelques heures, Lisa Trammel est tombée dans le
collimateur des policiers. Une diligence due au témoignage d’une employé de la
Westland qui affirme avoir vu Lisa Trammel en arrivant à son boulot, à
proximité de la banque. Comme Lisa était en haut de la liste des potentielles menaces
pouvant viser l’établissement, c’est vers elle que l’enquête s’est orientée
d’emblée.
Evidemment, Haller n’entend pas déléguer cette affaire à
un autre avocat, c’est lui qui va s’occuper de Lisa Trammel jusqu’à son terme.
Mais, et ce n’est pas moi qui le dit, Lisa Trammel est une cliente
enquiquinante… Comprenez qu’elle a du mal à suivre les directives de son
avocat, qu’elle a tendance à parler à tort et à travers, surtout s’il y a des
caméras, et à hausser un peu trop le ton…
Une cliente délicate à gérer, donc, mais pas autant que
l’affaire qui va se présenter à Haller… Car, les enquêteurs puis la procureure,
Andrea Freeman, semblent persuadés que Lisa Trammel a fait le coup. Même si
l’enquête peut paraître avoir été menée un peu… rapidement, l’accusation est
assez sûre d’elle pour vouloir mettre d’ores et déjà Lisa Trammel derrière les
barreaux, en attendant son procès…
Finalement, Trammel va être libérée sous caution, mais
Haller n’y est pour rien. Le garant s’appelle Herb Dahl, un curieux personnage
qui n’a pas hésité à sortir de sa poche la somme coquette qu’avait demandé le
juge pour libérer Lisa… Oh, ne croyez pas que Dahl soit un philanthrope… Non,
il espère obtenir de Lisa tous les droits sur son histoire en vue d’en faire un
film, et retrouver ainsi sa mise, lorsque le projet aura vu le jour…
Si Trammel est séduite, Haller considère Dahl comme un
caillou sournois arrivé dans sa chaussure qui lui meurtrirait le pied… D’abord
parce que le bonhomme a une tête qui ne lui revient pas. Ensuite, et surtout,
parce que la stratégie de Haller est également de prélever ses honoraires sur
les droits cinématographiques à venir… Ca fait une personne de trop sur cette
affaire…
Mais Dahl n’est pas le seul souci que va devoir gérer
Haller dans cette histoire… Alors que le procès se profile, l’avocat est passé
sévèrement à tabac par deux gros bras… Pas de doute, à leurs commentaires,
c’est bien lui la cible. Et le geste a forcément été commandité… Mais par
qui ? Cela pourrait-il avoir un rapport avec l’affaire Trammel ?
Ensuite, c’est Freeman qui va faire des siennes et
réveiller la sérieuse migraine qui guette toujours l’avocat de la défense… A
des moments-clés de la procédure, la voilà qui fournit des pièces à convictions
terriblement préjudiciables pour sa cliente et qui semblent être tombées du
ciel… « Une manne céleste », dira même Freeman…
Quand je dis « pièces à conviction », soyons
clair, ce sont des éléments de preuve qui risquent de peser lourd dans la
balance face au jury et que Haller pourrait avoir bien du mal à désamorcer…
Pourtant, on y reviendra, Haller ne se pose pas la question de la culpabilité
ou de l’innocence de sa cliente. Peu importe, son boulot, c’est de la faire
acquitter…
Et, pour y parvenir, il doit pouvoir apporter devant la
cour une solution alternative qui puisse créer le fameux « doute
raisonnable », cher au droit américain, suffisant pour obtenir un verdict
favorable à la défense. Pas besoin d’apporter un dossier chiadé, avec des
preuves solides et argumentées, non, juste une histoire suffisamment crédible
pour qu’au moins un des jurés y croit…
Or, cette histoire, il l’a. Pas besoin de chercher midi à
quatorze heures : Lisa Trammel est victime d’un coup monté, résultat de la
lutte entre la banque et la société chargée de la saisie. Une lutte d’influence
portant sur des sommes faramineuses qui pourrait avoir poussé au meurtre… Mais,
et Haller est le premier à le reconnaître, son dossier est un vrai château de
cartes et il faudra bien des circonstances favorables pour que son opération
suicide (faire des preuves indiscutables contre Lisa un argument en faveur du
coup monté) fonctionne.
Des circonstances favorables, et aussi (et surtout),
quelques arrangements avec l’éthique… Un domaine dans lequel Mickey Haller,
réputé pour ses coups tordus, excelle depuis longtemps. C’est donc sur le fil
du rasoir que Haller se présente face au jury, espérant mettre en avant les
insuffisances d’une enquête très rondement menée, l’impossibilité d’analyser la
scène de crime avec certitude, et, cerise sur le gâteau, sa fameuse théorie
alternative, qu’il entend bien étayer le moment venu avec des témoignages qu’il
n’est pas sûr de pouvoir maîtriser…
« Le Cinquième témoin », c’est le récit de
cette enquête, de la procédure contre Lisa Trammel et de son procès, avec
rebondissements et effets de manche à la clé, jusqu’à un verdict qui posera pas
mal de questions, à Haller au premier chef… Et, pour en arriver là, il aura
fallu déjouer tous les pièges, l’ambitieuse Andra Freeman, le soupe-au-lait
juge Perry, une cliente insupportable, un Herb Dahl bien trop présent et une
défense bien aléatoire…
Je n’en dis pas plus sur l’histoire, je vais maintenant
aborder quelques thèmes forts de ce roman. En commençant par Herb Dahl. Je ne
sais pas ce que vous penserez de lui, mais en lisant le roman, je n’ai pu
m’empêcher de voir Joe Pesci… Plus celui de « l’Arme fatale » que des
« Affranchis », quoi que…
Si Trammel est par moments pénibles, Dahl donne
simplement envie de lui filer de grandes baffes pour le faire taire et le
renvoyer d’où il vient… D’ailleurs, Haller, au fil de l’histoire, sent aussi la
moutarde lui monter au nez devant ce pitre. Un homme pourtant symbolique de
cette Amérique où tout n’est que spectacle et source potentielle de profits.
En effet, et Dahl n’est pas le seul à agir ainsi, à Los
Angeles, à deux pas des studios hollywoodiens, il est fort tentant de trouver
un producteur près à miser gros sur une histoire croustillante. Une fois
scénarisée, ce « destin » finira au mieux sur grand écran ou, au pire,
sortira directement en DVD ou en téléfilm pour les après-midis de TF1…
Quand je dis que Dahl n’est pas le seul, c’est d’abord
parce que Haller agi exactement de la même façon, lorsqu’il sait pertinemment
que son client n’aura pas les moyens de lui payer ses honoraires habituels (et
c’est le cas de Lisa Trammel). La différence, c’est que Haller est en contact
avec un agent au bras long, possédant des contacts plus « haut de
gamme » que ceux de Dahl, comme o le découvrira vite.
Haller a sans doute bon cœur, mais travailler gratos ne
fait pas partie de ses projets professionnels. Aussi, voit-il d’un très mauvais
œil l’arrivée de Dahl, espèce d’opportuniste en contact avec les pires studios
de cinéma et les producteurs les moins regardants, et son influence croissante
auprès de Lisa, parce que ce triste sire risque de lui ôter le pain de la
bouche s’il arrive à ses fins…
Voilà, en plus de son dossier mal ficelé, un élément
perturbateur de plus à gérer, comme si l’avocat et son équipe n’avaient que ça
à faire… Mais, Dahl n’est pas juste un parasite permettant à Connelly de
montrer du doigt cette industrie du fait divers qui fait prospérer bien du
monde, sans trop se poser de questions morales et sans état d’âme…
Bien sûr, il nous faut parler aussi de ces subprimes, qui
sont au cœur du « Cinquième témoin ». Non, je ne vais pas vous faire
un cours, rassurez-vous. Juste esquisser brièvement le contexte. Longtemps, les
banques ont proposé aux personnes souhaitant devenir propriétaires de leur
domicile des prêts à des taux avantageux.
Tant que l’activité a été florissante, aucun souci. Mais,
lorsque la crise a éclaté, en 2007-2008, les banques ont voulu récupérer leurs
mises. On s’est alors rendu compte que ces mêmes banques avaient prêté bien
plus d’argent qu’elles ne l’auraient dû à de nombreuses personnes. Lorsque les
traites ont augmenté, nombreux sont ceux qui, ayant souvent perdu leur emploi
dans le même temps, n’ont pu les honorer…
En retour, les banques ont donc lancé des procédures de
saisie, faisant fi du fait qu’elles étaient responsables de la panade dans
laquelle leurs clients étaient plongés. Et, pour faire le sale boulot, les
banques ont mandaté des sociétés
spécialisées dans cette activité… Ainsi, les banques n’apparaissent dans aucune
des démarches aboutissant à la saisie, constitution du dossier, courriers aux
emprunteurs visés, saisies elles-mêmes… Mais ramassent tout de même leurs
billes… Tout bénef, quoi.
C’est dans la gestion de ces dossiers, fort rémunérateur,
que bien des magouilles se cachent, dont les victimes sont les pauvres
emprunteurs, déjà menacés de perdre leurs maisons, mais en plus montrés du
doigt comme responsables de leurs propres malheurs… Dans le roman de Connelly,
la banque, c’est la Westland, pour laquelle travaillait Mitchell Bondurant, la
victime.
Pour les saisies, il met en scène une société baptisée
ALOFT, une « usine à saisies », comme la qualifie Haller, que
l’avocat retrouve impliquée dans au moins un tiers des dossiers dont il a la
charge. A travers elle, Connelly dénonce les abus perpétrés par ces
« chasseurs de subprimes ».
Sa théorie est osée mais très intéressante qui montre que, derrière ce scandale
qui a touché tant de monde, pourraient bien se cacher des gens beaucoup moins
fréquentables encore que des banquiers (si, si, c’est possible…).
Le talent de Connelly, c’est de parvenir à évoquer le
sujet sans être ennuyeux, et surtout, de fondre ce sujet d’actualité au combien
brûlant dans sa fiction. Tout tourne en effet autour de cette saisie qui aurait
pu pousser Lisa Trammel à commettre le pire (thèse de l’accusation) ou servir
de trompe-l’œil à un coup monté pour masquer le véritable mobile du crime
(thèse de la défense).
De ce fait, le cœur de l’histoire est d’une simplicité
enfantine, c’est tout ce qui se passe en périphérie qui vient alimenter les
rebondissements mais surtout la procédure et le procès. « Le Cinquième
témoin » se déroule en grande partie pendant le procès de Lisa Trammel,
avec, vous connaissez sans doute cela pour l’avoir vu dans des films ou des
séries, les fameux interrogatoires et contre-interrogatoires des deux parties
concernées.
Comme au poker (menteur), chacun à tour de rôle montre sa
main et l’autre partie doit découvrir une meilleure main pour atténuer ou
discréditer un témoignage, instiller la certitude de la culpabilité de
l’accusée ou, au contraire, le doute dans l’esprit des jurés… Les joutes entre
Andrea Freeman et Mickey Haller sont tout à fait intéressantes, pleines de
chausse-trappes et de coups de Jarnac, toujours à la limite de l’outrage,
Haller sachant se montrer exaspérant avec un incroyable talent, le tout arbitré
par un juge aux idées bien arrêtées mais très à cheval sur l’équité entre
accusation et défense…
Pourtant, et d’entrée, dans le roman, la question est
posée, il y a une absente de taille dans tout cela : la vérité.
« Bullocks », la nouvelle recrue de Haller, encore jeune et
idéaliste, demande à Haller s’il croit Lisa coupable. Elle a droit en retour à
une réponse catégorique : aucune importance. Haller ne veut même pas
savoir, son seul objectif est de mettre en échec l’accusation en démontant ses
arguments et d’avancer une théorie qui puisse convaincre un juré au moins, même
si elle s’avère tirée par les cheveux…
Connelly, qui fut chroniqueur judiciaire au Los Angeles
Times avant de faire la carrière de romancier qu’on lui connaît, s’empare de
cette situation assez étrange pour nous, Européens : la recherche de la
vérité n’est pas le but de la justice américaine… En fait, quel que soit le
verdict, il n’est que le résultat de la conviction contagieuse du camp
vainqueur…
Peut-être connaissez-vous une série américaine qui
s’appelle « the whole truth »… Pas sûr, ce fut un fiasco aux
Etats-Unis, il n’y a donc eu que 13 épisodes, je crois. En France, elle a été
diffusée par TF1 à des heures indues, presque en catimini, se plantant là aussi
joyeusement. Pourtant, c’est une très intéressante série judiciaire.
On y suit les enquêtes d’une procureure et d’un avocat,
amis depuis leur enfance, et qui se tirent la bourre dans les prétoires, en
essayant de l’emporter l’un sur l’autre à chacune des affaires qui les
opposent. On y voit comment chaque camp élabore sa stratégie, les éléments
nouveaux qu’ils découvrent, les réactions du camp adverse et, au final, le
verdict…
Le spectateur n’a que très peu d’élément sur ce qui s’est
vraiment passé, comme souvent, mais il n’y a pas d’enquête de police, on arrive
directement sur la prise en main du dossier par la partie judiciaire. Que ce
soit la procureure ou l’avocat, chacun est persuadé de l’a culpabilité ou de
l’innocence de l’accusé. Mais on ne découvrira « The whole truth »,
toute la vérité, si je traduis littéralement, qu’à la toute fin de l’épisode…
Autrement dit, lors de la dernière scène de l’épisode,
indépendamment de tout ce qui a précédé, y compris du jugement qui a été rendu,
le spectateur découvre l’élément qui permet de savoir qui était vraiment
l’assassin. Et ce n’est pas forcément la personne qui a été jugée, évidemment,
sinon, ce ne serait pas drôle…
Pardon de cette longue parenthèse, mais « le
Cinquième témoin » m’a fait penser à cette série dans sa construction. Pas
dans le rapport entre Freeman et Haller, qui ne se connaissaient pas avant de
se retrouver face à face dans cette affaire. Mais, parce que, lors de l’épilogue,
on comprend ce qui s’est réellement passé. D’un seul coup, les questions posées
lors du procès et restées sans réponse jusque-là, vont être élucidées, comme
par magie… Et aors, toute la vérité apparaît…
Une vérité, qui plus est, qui a de quoi ébranler les
certitudes de tous les acteurs de ce roman, car ce dénouement est assez
inattendu, en tout cas, dans sa forme, plus que dans son fond. Mais surtout, un
dénouement qui apporte de l’eau au moulin de Connelly (vous me direz, c’est lui
l’auteur, il serait un peu couillon s’il arrivait à une conclusion
inverse…) : comment un système judiciaire comme celui des Etats-Unis
peut-il acquitter des coupables et condamner des innocents ?
Comment un système judiciaire comme celui des Etats-Unis
peut-il se montrer si indifférent à la vérité ? Au-delà du strict cadre de
ce roman, c’est une justice à plusieurs vitesses que met en lumière Connelly.
Une justice qui repose entièrement sur la dimension financière des prévenus,
qui peuvent ainsi se payer un avocat de qualité, des enquêteurs avec des
moyens, etc.
Haller, au début du roman, j’en parlais au début de ce
billet, a fait le choix de cesser de s’occuper des affaires criminelles, parce
que de moins en moins de prévenus sont capables de régler les honoraires. En
cette période de crise, ce sont les avocats commis d’office qui croulent sous
les dossiers en attente. Avec des moyens plus que limités pour défendre leurs
clients…
En revanche, quelle que soit l’affaire, le bureau du
procureur, lui, dispose de moyens quasi illimités. D’où l’allusion de Haller à
« la Charge de la Brigade Légère », qui l’amène à citer Tennyson…
Même lui qui a une équipe efficace et très professionnel et ne compte ni ses
heures, ni les dollars dépensés, se retrouve en grande infériorité face à
l’accusation et doit donc faire preuve, disons, de créativité, parfois, dans
son mode de défense…
Pourtant, et on l’avait déjà vu dans le précédent roman
de Connelly, « Volte-face », Haller commence à sérieusement se poser
des questions sur son job d’avocat criminel. En défendant la plupart du temps
des gens peu recommandables, ou même des Lisa Trammel, pour laquelle il doit
recourir à des subterfuges et multiplier les entorses à l’éthique, Haller n’a
pas l’impression, pardon pour le cliché, de faire le bien.
Le fait de ne pas rechercher la vérité, donc de trahir
les faits, qu’il gagne ou qu’il perde, lui pèse de plus en plus lourdement sur
la conscience. Sa fille adolescente a commencé à se poser des questions à ce
sujet et avoir pour ex-épouse une procureure, n’aide pas l’avocat à se sentir
bien dans ses baskets…
On sent bien qu’en s’occupant des dossiers de saisies, en
défendant les faibles et les démunis contre les forts, les opprimés contre les
oppresseurs, il avait retrouvé une certaine forme de sérénité, même si business is still business, et que
demander des honoraires confortables à des clients en situation précaire n’est
pas évident… Mais, au moins, il agit sans se poser de questions morales ou sans
avoir de cas de conscience…
Ce retour inopiné à la case « procès criminel »
va réveiller ces états d’âme et, dans les dernières pages du roman, on comprend
que les prochains romans de Michael Connelly mettant en scène Mickey Haller
pourraient bien prendre à l’avenir une nouvelle direction. Un cap plus en
adéquation avec un certain idéal, avec les convictions profondes de cet homme
qu’il a souvent mis dans sa poche, avec son mouchoir dessus, parce que cela
faisait partie du boulot…
Alors, rendez-vous en 2014, sauf si on retrouve Harry
Bosch, l’autre personnage récurrent de Connelly, pour savoir si la carrière de
Mickey Haller va prendre un tour nouveau. Avec, probablement, de nouvelles
sources d’emmerdements, mais différentes, et moins douloureuses, souhaitons-le
lui, de celles qu’on croise ici, dans ce « Cinquième témoin ».
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