Vous me connaissez, maintenant, je suis un adepte du
billet au long cours… Je ne pars jamais dans l’idée de faire long (enfin, si,
un peu, quand même…) mais ensuite, je me laisse emporter par l’élan et je fais
long… Voici un roman fleuve, une saga historique passionnante, avec une
kyrielle de personnages et des événements nombreux qui se déroulent sur une
période de trente années… Comme je n’ai pas l’intention de vous donner un cours
détaillé d’histoire italienne, je me disais que j’allais parler des
personnages… Or, vous allez comprendre mon dilemme : voici un roman épique
et violent, signé par l’auteur de « Romanzo criminale », Giancarlo de
Cataldo, intitulé « les traîtres » (en poche chez Points Seuil). Je
me disais que j’allais mettre en exergue ces traîtres, sauf… qu’il n’y a que
ça, dans ce roman ! Ou presque… Différentes formes de trahisons, mais qui
ont un point commun : elles font partie intégrante d’une période fondamentale
de l’histoire de l’Italie.
A la chute de Napoléon Ier, la majorité des Etats
Italiens (le pays est encore une mosaïque désunie) sont sous la tutelle
austro-hongroise, même le sud de la Botte, pourtant monarchie indépendante où
règnent des Bourbons. Mais, progressivement, apparaît l’idée d’une Italie
unifiée, de Turin à la Sicile, de Venise à Naples, sans oublier Rome, sous
domination papale.
Cette idée d’unification est défendue par deux camps aux
vues et aux idées clairement opposés : d’un côté, le Royaume de
Piémont-Sardaigne, de l’autre côté, des groupes d’hommes aux idées
progressistes, qu’on désigne par le nom de sociétés révolutionnaires
démocratiques. Ces sociétés agissent dans le sillage d’un homme, surnommé le
Maestro : Giuseppe Mazzini.
On va y revenir, car ce Mazzini est le personnage central
du roman. Mais « les traîtres », c’est d’abord le récit, mêlant
événements historiques et personnages de fiction, de tous les événements,
souvent violents et dramatiques, qui vont permettre à l’Italie moderne de
naître. Je ne peux pas tout vous raconter, bien sûr, ce serait fastidieux, mais
je vais m’intéresser à quelques-uns des nombreux personnages qui gravitent
autour de Mazzini.
Commençons par Lorenzo di Vallelaura. Issu d’une noble
famille vénitienne, ce jeune homme blond aux yeux bleus est l’autre personnage
central du livre, celui qui fait véritablement le lien entre les faits
historiques et la fiction. Très jeune, il se tourne vers les idées
révolutionnaires, contre l’avis de son père, lieutenant-général de la marine
austro-hongroise, pour qui l’idée d’une Italie unifiée est une absurdité.
La rupture est consommée lorsque Lorenzo, en 1844,
débarque en Calabre, région appartenant au royaume Bourbon des Deux-Siciles,
pour y mener un coup de force. Les assaillants ne sont que 17, soutenus, de
loin, par Mazzini, qui vit en Angleterre après avoir été condamné à mort 10 ans
plus tôt pour avoir fomenté un attentat contre le roi de Piémont-Sardaigne.
Mais, l’expédition calabraise de Lorenzo tourne
rapidement au fiasco, suite à la trahison d’un des brigands calabrais censés
aider les révolutionnaires… Après un procès sommaires, les responsables de
l’expédition sont condamnés à mort. Mais pas Lorenzo. Son père est intervenu
auprès des autorités locales pour venir défendre un fils qu’il blâme pourtant
de ses actions.
Le baron de Vallelaura a le bras long, il a réussi à
obtenir l’intercession de l’Empereur d’Autriche en personne pour que Lorenzo
soit gracié. Mais, cela s’accompagne d’une condition, et pas des moindres… S’il
veut vivre, Lorenzo doit renier ses idéaux pour devenir un espion du camp qu’il
combattait jusque-là. Et, comble du déshonneur, sa mission sera de renseigner
l’Empire sur les projets à venir de Mazzini…
Lorenzo hésite, mais accepte finalement ce contrat.
Appelez cela de la lâcheté ou une terrible envie de vivre… Toujours est-il que
Lorenzo ne finira pas comme ses acolytes devant le peloton d’exécution et ne se
suicidera pas. Pour autant, ne croyez pas que sa décision est facile à digérer :
le jeune homme nourrira alors une haine de lui-même qui ne cessera de
s’amplifier au fil des années…
Pourtant, il accomplira sa vilaine besogne auprès de
Mazzini, en triant les informations qu’il livrera à l’ennemi, c’est vrai, mais
il agira contre les intérêts qu’il était venu défendre en Calabre. Et ce, avec
une redoutable habileté qui l’empêchera d’être pris, malgré les doutes et les
soupçons... Le plus étonnant, c’est que le seul qui ne sera sans doute jamais
dupe du double jeu de Lorenzo, c’est Mazzini lui-même. « Notre destin est
inéluctable, mon brave », lui dira-t-il même bien plus tard, sans pour
autant sembler lui en vouloir, ni le dénoncer…
Durant ce quart de siècle, entre « le printemps des
peuples », de 1848, embryon de révolution populaire qui touchera Paris,
Vienne, mais aussi la Sicile ou Milan, jusqu’à ce que Rome rejoigne l’Italie
unifiée et en devienne sa capitale, Lorenzo sera partout où les choses se
passent, en Angleterre auprès de Mazzini, en Italie pour pousser à la révolte,
trafiquer ou faire capoter les projets des factieux.
Au cours de ces années, il va croiser de nombreux autres
personnages, dont la ravissante Lady Violet Cosgrave, fille d’un lord anglais
et d’une indienne, et dont il tombera fou amoureux. Un amour non partagé, et de
toute façon impossible, car incompatible avec ses activités d’espion. Lady
Violet, elle, malgré ses origines sociales, a embrassé les causes progressistes
en Angleterre et soutient également les Républicains italiens.
Parmi ceux qui se battent pour une Italie unie, il y a le
mystérieux combattant sarde, condamné à mort dans son île natale et qui a pris
le nom de Terra di Nessuno (Terre de Personne, traduit littéralement), un
combattant redoutable, un militant fervent et un homme qui connaîtra un
incroyable destin.
Mario Tozzi, lui aussi républicain, enfin, quand ça
l’arrange. Car, bien vite, il va se désintéresser du combat en tant que tel
pour essayer de faire prospérer des affaires lucratives. Lui qui est tailleur
de formation aura du mal à se faire accepter en Angleterre, pays de la mode,
déjà, dans cette profession, alors il deviendra importateur de Marsala, un vin
sicilien… Une vie compliquée, faite de hauts et de bas, placée sous le signe du
profit, bien loin des idéaux des autres exilés italiens… Pourtant, c’est lui
qui ravira le cœur de Lady Violet…
Mario s’alliera en affaires avec un baron sicilien,
Michele Liberato de Villagrazia. Comme Lorenzo, Michele a choisi les idées
révolutionnaires contre l’avis de son père et a rompu avec lui. Pourtant, il va
conserver de solides attaches dans son île, même une fois installé en
Angleterre, grâce à un étrange personnage, Salvo Matranga, homme de main et de
confiance. On reviendra plus tard au rôle de ce garçon, il est loin d’être
anodin.
Enfin, je ne voudrais pas oublier le personnage le plus
étonnant de ce roman. On ne la connaîtra jamais autrement que sous le nom de
Striga, autrement dit, la Sorcière. Cette flamboyante rousse, au regard
envoûtant, apparaît pour la première fois dans le roman en Calabre, lors de la
mésaventure qui va pousser Lorenzo à se damner. Ensuite, suivant un chemin
chaotique, passant par des aventures dignes de Dickens, elle se retrouvera dans
cette société italo-anglaise où elle épatera vite son monde.
Car, bien que muette, Striga est un véritable génie. Si
pouvoir magique elle a, il concerne les chiffres, qui semblent habiter son
esprit en permanence et qu’elle maîtrise mieux que personne. Lors de son
passage londonien, elle aidera sir Charles Babbage et Lady Ada Lovelace dans
leurs recherches visant à fabriquer une machine capable de traiter les
informations mieux que quiconque (en fait, l’ancêtre de nos ordinateurs).
Lorenzo, de son côté, fréquente assidument cette société
qui gravite autour de Mazzini, utilisant les uns, aidant parfois les autres,
mais toujours agissant dans l’ombre contre leurs intérêts. Mais pas toujours
pour le même maître… En 1856, son supérieur autrichien, victime d’une cabale,
se suicide. Lorenzo se croit libérer… Mais, c’est sans compter avec le
responsable de la cabale, un certain Paolo Vittorelli de la Morgière…
Lorenzo et lui se sont déjà croisés auparavant, et
Vitorelli en conserve une profonde rancoeur. Sa vengeance, il va la tenir en
partie en contraignant Lorenzo à travailler pour lui. Or, Vittorelli est le
chef des services secrets piémontais et travaille directement sous les ordres
du Comte de Cavour, l’homme fort du Royaume du Piémont.
Ce ministre du Roi va travailler d’arrache-pied à l’union
de l’Italie, qui serait alors placé sous la tutelle de la couronne de
Piémont-Sardaigne, et pas sous forme d’une République sociale, comme le rêve
Mazzini. Là encore, je ne développe pas le jeu d'alliances politiques, de
rivalités, de guerres et de trahisons que cela recèle, tout est dans le roman.
Je peux quand même vous dire que cette fameuse unité de
l’Italie, elle sera faite en 1861, lorsque le roi Emmanuel II, qui contrôle
désormais tout le nord du pays, va annexer le Royaume des Deux-Siciles. Ne
manquent plus à l’Italie, telle que nous la connaissons, que Venise et Rome,
qui rejoindront le pays unifié dans la décennie qui suit.
Pourtant, cette unification n’arrêtera pas la lutte menée
par Mazzini. Son rêve d’unification est devenu réalité, c’est vrai, à une
différence de taille : Mazzini rêvait d’une République là où un royaume a
été constitué… S’il est le vrai initiateur de l’idée, force est de reconnaître
que d’autres ont su tirer les marrons du feu, Garibaldi, la tête brûlée, quand
Mazzini est plus penseur et rechigne à aller sur le terrain, à la bagarre, et
le falot Emmanuel II en tête.
En fait, si Giancarlo de Cataldo avait complètement
centré son roman sur Mazzini, il aurait pu l’appeler « le Trahi »,
plutôt que « les traîtres », car, au final, Mazzini fait partie de
ces cocus de l’histoire. Ces personnages dont l’influence fut immense en leur
temps, qui firent changer les choses et qui, finalement, meurent oubliés de
tous, dans la misère et sont rejetés en bas des pages des livres d’histoire.
Même si Cataldo ne semble pas forcément en phase avec ce
que fut Mazzini, en particulier ses recours aux complots, au terrorisme (il est
sans doute à l’origine du meurtrier attentat qui visa Napoléon III, rue Lepelletier,
à Paris, en 1858, par exemple), il nourrit une admiration pour ce personnage
qui lui semble plus méritant que Garibaldi, par exemple.
Mais, trop naïf, trop idéaliste, trop utopiste, pas assez
à l’écoute du peuple, grand absent, bien souvent, des actions révolutionnaires,
mais qui en payent souvent les pots cassés, Mazzini a laisser son rêver
s’échapper et n’a jamais pu le mettre en place et le voir fonctionner. Le
XIXème siècle sera celui de l’unification mais pas celui de la République…
En fin de roman, sous la plume de Vitorello, Giancarlo de
Cataldo écrit : « Mazzini est le seul Homme qui, sans changer, en
restant toujours fidèle à lui-même, n’est pas mort et n’a jamais été un idiot.
Par chance, il est unique en son genre… » Une phrase qui conclut une
comparaison entre Mazzini et Cavour (décédé au début des années 1860). Et
Vitorello de songer à ce que l’alliance entre les deux grands hommes, Cavour,
l’homme d’Etat, et Mazzini, l’idéologue, aurait pu donner…
Si le roman de Giancarlo de Cataldo nous en apprend
beaucoup sur la période, l’Histoire de l’Italie et sa constitution en Etat uni
et indépendant, ainsi que sur Mazzini, qui traverse le livre dans ses
ambiguïtés, dans son mystère, presque, il aborde en creux un autre phénomène
particulièrement intéressant… Celui de l’émergence de sociétés, puisque l’une
d’entre elle se fait appeler ainsi, très structurées et qui, peu à peu, vont
étendre leur influence non plus seulement à leur territoire d’origine, mais,
par le biais de l’unification, à tout le pays.
Oh, vous allez vite comprendre. J’ai parlé de Michele
Liberato, baron sicilien. Lorsqu’il commence son commerce de vin avec
l’Angleterre, il explique à Mario, son associé, que le projet est lancé et
qu’il devrait, d’ici quelques années, donner de confortables bénéfices. Puis,
dans une phrase sibylline, Michele laisse entendre que ce sera plus important
encore quand l’Italie sera unifiée et républicaine. Mais, lui, ne le dit pas
ainsi. Non, il dit : « quand l’Italie sera notre chose ». En
Italien : Cosa Nostra.
Dans « les traîtres », Giancarlo de Cataldo
qui, avant d’être écrivain, est juge, évoque donc l’émergence de la mafia
sicilienne, mais aussi de la Camorra napolitaine. Il décrit comment ces
organisations, pas encore tentaculaires, comme nous les connaissons de nos
jours, mais déjà capable de dicter leurs lois sur leurs territoires, ont
profité de l’unification pour asseoir leur influence.
En Sicile, c’est à cette époque qu’apparaît le mot
« Mafia » en Sicile, d’ailleurs. Mais, le plus ahurissant, c’est ce
que de Cataldo raconte sur la Camorra. En 1857, Terra di Nessuno participe
activement à un débarquement révolutionnaire dans le royaume de Deux-Siciles,
sous le commandement de Carlo Pisacane, un socialiste pur et dur.
Là encore, l’opération est un échec total, Pisacane est
tué, les survivants de son corps expéditionnaire, dont Tessa di Nessuno, sont
envoyés à la prison de Favignana, un îlot sicilien où sont détenus quelques
gros poissons de la Camorra, qui en fait, commandent carrément les lieux. Tessa
di Nessuno aura bien des démêlés avec ces fiers à bras, mais il ne cédera pas.
Pourtant, déjà, on peut voir sur une prison, comment la
Camorra étend son pouvoir sur tous, détenus, matons, administrateurs… Mais, la
démonstration est plus éclatante encore quand Naples tombe en 1860, lors de
l’expédition des Mille. A la tête de mille volontaires, Garibaldi a d’abord
conquis la Sicile et la Calabre. Naples se rendra sans combattre.
Et, pour assurer l’ordre nouveau, Liborio Romano, préfet
nommé à Naples par Garibaldi, va désigner la Camorra pour devenir… garde
royale ! Voilà les pires voyous, les assassins, les ex-taulards en charge
de faire respecter l’ordre public dans la ville de Naples ! Une ville que
la Camorra tenait déjà en sous-main, mais avouez que la situation est
piquante ! les voilà en position de poursuivre leurs exactions en toute
légitimité, avec la bénédiction de ce grand homme qu’est Garibaldi ! De
quoi faire dire à un camorriste que c’est le monde à l’envers…
« Les traîtres » est une véritable saga
historique, presque un roman russe, d’une certaine façon. Un roman fleuve plein
de bruit et de fureur, de combats mais aussi de négociations, d’espionnage et
de coups d’éclats, d’amours pas toujours heureuses et de désillusions. La
version poche que j’ai en mains compte 620 pages, qu’on lit sans difficulté,
avec grand plaisir.
On ne peut pas dire qu’on est à proprement parler dans un
roman à suspense, puisque ce sont des faits historiques (d’ailleurs présentés
d’emblée, avec une très bonne chronologie dans les premières pages du livre)
qui constitue sa trame. Mais, on s’attache aux destins des personnages fictifs
que nous présente Giancarlo de Cataldo et on a envie de voir où va les mener
leurs vies aventureuses, leurs engagements plus ou moins sincères, leurs
volontés de voir l’Italie de leurs rêves se faire.
Si vous n’aimez pas les romans foisonnants, avec de
nombreux personnages, de nombreux théâtres d’opérations, si je puis dire, ou
encore les vicissitudes politiques d’un continent en pleine effervescence, ce
livre n’est pas fait pour vous, c’est une évidence. Mais, c’est d’abord et
avant tout un vrai roman d’aventures, très bien fait, qui en apprend beaucoup,
et pas seulement sur l’Italie.
Bien sûr, c’est le cœur de l’histoire et l’on découvre
cet accouchement douloureux et imparfait (en tout cas, du point de vue
révolutionnaire, qui est celui adopté par l’auteur). Mais ce qui s’est passé en
Italie a aussi focalisé l’attention de toute l’Europe. L’Angleterre, qui
accueille les révolutionnaires, mais sans leur laisser trop les coudées franches
pour ne pas risquer de déplaire aux autres pays impliqués, l’Empire
Austro-Hongrois et la France sont directement concernés. Sans oublier le
Vatican et les différents Etats italiens, dont les dirigeants s’opposeront de
toutes leurs forces à ces projets d’unification…
Les fragiles équilibres géopolitiques européens sont au
cœur de ce roman. Là encore, il y a des trahisons, sans cesse, des
renversements d’alliance ou des intérêts cachés qui poussent les uns ou les
autres à agir. La position de la France du Second Empire, est d’ailleurs
particulièrement trouble. Car, si les troupes françaises sauront parfaitement
appuyer le royaume de Piémont-Sardaigne dans sa guerre d’indépendance contre
les Autrichiens, première étape de l’unification, ce n’est pas sans arrière-pensée,
vous vous en doutez…
Oui, « les traîtres » est un roman d’une
incroyable richesse, rempli de personnages parfois détestables mais qu’on a du
mal à détester, Lorenzo en tête. Etonnant de voir le jeune homme vivre avec la
marque indélébile et pourtant invisible, en ce qui le concerne du traître. Il
se débat d’un bout à l’autre du livre dans des affres de culpabilité dont rien
ne pourrait le sortir, si ce n’est la mort, qui se refuse toujours à lui.
Je n’ai pas parlé, dans les personnages du roman, car il
est assez secondaire, de Lord Chatam. Un aristocrate anglais aux mœurs
dissolues et aux perversions abominables. Pourtant, au contact de Striga, il va
revenir à une certaine humanité, jusqu’à ce que ce pessimiste ne replonge de
plus belle dans ses déviances…
Si j’en parle, c’est parce que Lorenzo suivra un peu la
même descente aux enfers, dans la dernière partie du roman. Une entreprise
d’autodestruction terrible, menée avec un soin et une application sans faille,
qui ne lui permettra même pas d’oublier son sinistre sort. Or, que ce soit
Chatam ou Lorenzo, il y a dans ces moments (et plus encore chez l’Anglais) un
côté Dorian Gray que j’ai trouvé frappant. C’est d’ailleurs un tableau qui sera
à l’origine de la chute de Chatam…
Je termine cette digression pour en arriver à la
conclusion. « Les traîtres », peut-on faire titre plus clair ?
En effet, à tous les niveaux, les trahisons se multiplient tout au long du
récit, véritables moteurs des événements qui se déroulent sous nos yeux. Que ce
soit des trahisons intimes ou à lourde portée historique et politique, que ce
soit les personnages réels ou fictifs, que ce soit les anonymes ou les
puissants, tous trahissent quelqu’un ou quelque chose à un moment donné.
Tous, sauf Mazzini, droit dans ses bottes jusqu’au bout
et, comme je le disais plus haut, victime, directe ou indirecte, de toutes les
trahisons… D’ailleurs, Giancarlo de
Cataldo joue de cette situation à merveille, tous les propos tenus par Mazzini
dans le roman ne sont jamais anodins. Exemple, lorsqu’il dit à Terra di
Nessuno : « la trahison est une vilénie, mais si vous pouviez
imaginer, mon ami, combien elle peut se révéler utile en certaines
situations… »
Et, sur la même page, quelques lignes plus haut, alors
qu’on lui demande si, oui ou non, il fait punir les traîtres repérés dans son
entourage, il élude en répondant : « c’est l’Histoire qui s’occupera
d’eux. Le poignard est réservé au tyran ». Venant d’un personnage que
l’Histoire a justement bien souvent reléguer au second plan, c’est
visionnaire !
Pourtant, je me suis demandé pourquoi Mazzini était le
seul qui n’avait jamais trahi, ni homme, ni idées… Et si, tout simplement, cela
venait du fait qu’il n’avait justement jamais pu mettre en application ses
idées ? Car, lorsque l’on défend une utopie, ne la trahit-on pas forcément
lorsqu’on en fait une réalité ?
Romanzo criminale m'avait passionné ! il faut que je lise celui-là !!
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