jeudi 15 août 2013

"Le plaisir est plus rapide que le bonheur et le bonheur que la félicité" (Voltaire).

Une troisième année d'existence, ça se fête avec de nouvelles expériences. En voici une, inédite en ce qui me concerne, pas banale pour ceux qui connaissent mes goûts livresques et sur laquelle je vais avoir pas mal de choses à dire, des bonnes et des moins bonnes (mais je ne parle que de mon ressenti, attention !). Oui, je me suis laissé tenter par un roman de bit-lit... S'il vous plaît, ne le répétez pas trop fort, j'ai une réputation ! Je plaisante, bien sûr, il fallait que je le fasse, moi qui prône l'éclectisme et la curiosité. L'occasion s'est présentée sous la forme d'une rencontre impromptue sous la Bulle du Livre des Imaginales, avec Sophie Jomain. Nous papotâmes et voilà comment je me suis retrouvé avec, entre les mains, un exemplaire de "les Anges mordent aussi", premier volet de la série mettant en scène le personnage de Felicity Atcock (Rebelle Editions). Ca me brûlait un peu les doigts, je me trouvais bien embarrassé, craignant de devoir avouer que je n'aimais pas du tout ce livre une fois lu (car je suis consciencieux, comme garçon)... Pour être franc, je suis toujours aussi embarrassé, car je ne suis manifestement pas le coeur de cible de ce genre de livres, mais j'ai tout de même passé, au niveau de l'histoire, un agréable moment de lecture.





Felicity Atcock a 24 ans et vit à Bath, en Angleterre, où elle vend des chocolats dans une confiserie. Elle vit seule dans un grand et beau cottage, isolé au milieu de nulle part, où cette végétarienne cultive des légumes et entretient son jardin avec ferveur. Suite à une énième déception sentimentale, Felicity a choisi de prendre de la distance avec les hommes et de se concentrer sur sa vie, saine et équilibrée. Mais, c'est sans compter sur sa meilleure amie, Daphnée, elle aussi vendeuse dans la même confiserie...

Un soir, alors que Felicity s'apprête à passer une soirée bien tranquille au coin du feu (ou presque), Daphnée l'alpague avec comme projet d'aller à Londres, à deux bonnes heures de route de Bath, pour sortir en boîte, s'éclater et plus si affinités... Les mêmes affinités dont Felicity ne veut plus entendre parler... Mais elle a quelque chose que Daphnée n'a pas : une voiture... Voilà pourquoi son exubérante amie la pousse à revenir sur ses bonnes résolutions pour la soirée...

Après avoir cédé, Felicity se retrouve donc dans un boîte branchée de la capitale, "la fièvre du samedi soir", où Daphnée a rencard avec le patron, Mario... Enfer et damnation, Felicity comprend qu'en plus d'avoir joué les chauffeurs et d'aller bosser le lendemain après une courte nuit, ce dont elle a horreur, il va en plus falloir qu'elle tienne la chandelle ! En voilà, une belle soirée ! Alors, hop, alcool mon ami, et encore une nouvelle résolution qui s'envole.

Jusqu'à ce qu'apparaisse un homme étrange, beau comme un dieu mais dont l'aura dangereuse clignote comme une enseigne lumineuse... Et cet homme fixe Felicity... Cette fois, Felicity entend bien résister à ce personnage (je ne sais pas pourquoi, il m'a irrésistiblement fait penser à Sire Cédric... Est-ce parce que j'ai discuté avec Sophie Jomain en attendant justement de lui parler ? Allez savoir !), parce qu'elle veut rester seule, parce qu'elle sent que ce mec est synonyme d'embrouille...

Elle lui met un râteau, fière de sa résistance, mais, quelques verres plus tard, elle se réveille dans une chambre d'hôtel où elle n'a manifestement pas fait que dormir... Elle réalise alors que, sans doute bien éméchée, elle a fini par céder aux avances de cet homme dont elle ne connaît même pas le prénom, mais qu'en plus, elle ne se souvient plus du tout de ce qui a pu se passer au cours de cette nuit de folie...

Déjà en colère de s'être ainsi comporté, d'avoir baissé ses défenses face en plus, à ce genre d'homme, Felicity découvre autre chose qui va la mettre hors d'elle : une morsure. En haut de sa cuisse, là, palpitante, qui semble la narguer de toute sa rougeur... Elle, Felicity Atcock, qui devrait pourtant plus que personne se méfier, aurait donc eu une liaison torride avec un... vampire !!!

Elle sait trop bien ce qui risque de se passer lorsqu'on tombe sous la coupe de ce genre de créature, les dangers qu'on court, ce qu'on pourrait devenir, la liberté qu'on y laisse... De quoi rager un peu plus... Mais, voilà que d'autres événements se produisent, qui vont compliquer les choses. Le lendemain soir, en rentrant chez elle, Daphnée découvre son colocataire, Toni, raide mort sur le canapé. Et quand je dis raide, ce n'est pas qu'une formule... La position du corps est effrayante et, le peu de temps qu'elle le voit suffit à Felicity pour se dire qu'il a été vidé de son sang... Vampire, acte 1, scène 2 ?

La police arrive, emmenée par un inspecteur tout à fait charmant, et pas du genre timide, on dirait,Terrence MacAllister, épaulé par la pour le moins sculpturale Stephenie... Terrence est à croquer mais il semble vite penser la même chose de Felicity... Disons-le tout net, il lui fait du rentre dedans, et ce ne sera pas la dernière fois... Sur une scène de crime, quand même ! Où va-t-on ?

Mais Terrence n'est pas que séduisant et séducteur, il semble lui aussi en savoir beaucoup sur la question vampirique et son intérêt pour Felicity n'est peut-être pas uniquement une question d'attraction... D'autant que des vampires nouvellement créés, Toni en tête, vont faire leur soudaine apparition dans les alentours de Bath. Pire, ils semblent converger et se donner rendez-vous... dans le jardin de Felicity !

Il devient urgent de comprendre ce qui se passe exactement, pourquoi ces bébés vampires recherchent sa proximité et semblent apaisés par sa présence, et de trouver qui se cache derrière ces transformations qui pourraient finir par s'avérer dangereuses... Mais, bien qu'aguerrie aux phénomènes les plus bizarres et étranges, Felicity, comme le lecteur, d'ailleurs, est dans le brouillard. Et il est épais !

A commencer par ces deux hommes qui sont entrés dans sa vie presque simultanément, l'inconnue de la boîte de nuit et Terrence, le flic trop canon... Qui sont-ils vraiment, sachant que, forcément, les apparences sont trompeuses ? Et quels rôles ont-ils dans tous les événement qui sont venus bouleverser la vie de Felicity qu'elle voulait si tranquille, si calme, si pépère... ? Alors que la jeune femme plonge avec délice et volupté dans des abîmes sensuels et sexuels, il va pourtant lui falloir retrouver toute sa lucidité et son objectivité si elle veut découvrir ce qui se passe...

Autour d'elle, flotte une atmosphère de folie douce, pouvant forcir en soirée pour devenir furieuse, avec des risques de houle. Les questions s'accumulent et les mystères s'épaississent. Des dangers, car il n'y a pas que la bagatelle et la légèreté, dans ce roman, il y a aussi des méchants très méchants qui pourraient s'en prendre à Felicity et ses amis, si elle ne parvient pas à remettre un peu d'ordre là-dedans. Mais seule, y parviendra-t-elle ? Et sur qui peut-elle décemment compter pour l'aider, alors qu'il lui arrive de jouer les cachottières ?

Bref, on a, au coeur de ce roman, une vraie intrigue qui m'a bien plu, avec des personnages auxquels on s'attache, par leur excentricité, leur folie, leurs mystères, leur drôlerie... Non, on ne s'ennuie pas une seconde et cette enquête débridée dans laquelle la dimension fantastique ne va certainement pas se limiter à la présence plus que suspecte de vampires... D'ailleurs, pas besoin d'être visionnaire, il suffit de lire le titre du roman pour comprendre à qui on va se retrouver confronté.

Eh oui, des anges au milieu d'une histoire de vampires... Ou en tout cas, ce que l'on suppose, et légitimement, d'ailleurs, comme étant une simple, une banale histoire de vampires... Car on nous les sert à toutes les sauces, ces pauvres non-vivants assoiffés de sang, alors que les anges sont des centres d'intérêt plus rares pour les romanciers...

Amusant d'ailleurs de regarder comment Sophie Jomain joue avec les archétypes de ses personnages. Elle se montre respectueuse des traits de caractère qui font les vampires de tradition (oui, ils n'ont pas encore reçu leur AOC de l'Union Européenne... Mais le dossier suit son cours...), créatures nocturnes, craignant le soleil et devant s'en cacher sous peine de partir en fumée, incapables de maîtriser leur soif de sang et devant trouver vite de quoi l'étancher quand elle se déclenche, etc. Bon, on n'a pas de confrontation avec des miroirs, de l'ail ou des crucifix, mais on peut aisément imaginer aussi que ces dimensions seraient prises en compte...

D'ailleurs, entre le côté léger et humoristique du roman et l'atmosphère saturée d'hormones et de désir pas encore assouvis, j'ai trouvé qu'il y avait un petit côté Bal des Vampires absolument pas désagréable, bien au contraire... Bon, à l'image de Toni, il faut reconnaître qu'on est loin des vampires effrayants qui vous refilent des cauchemars au poing que la nuit ne vous va plus si bien qu'avant... Mais, c'est le genre qui veut ça, on est clairement dans quelque chose qui ne veut pas se prendre la tête, du divertissement assumé et, ma foi, plutôt bien réalisé.

Côté anges, en revanche, là, Sophie Jomain prend des libertés... Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'ils n'ont rien d'asexués, les anges qu'elle nous propose ! Pas sûr, même, que ce mot appartiennent à leur vocabulaire... Des bombes sexuelles, oui, des créatures faites toute entière pour la séduction et l'assouvissement des désirs les plus intimes... Comme le fait remarquer Felicity, je crois, rien à voir avec les gamins joufflus et fessus des représentations traditionnelles de nos tableaux et sculptures baroques.

Et puis, surtout, et j'ai regretté que cet aspect ne soit pas un peu approfondi, mais l'ange est aussi traditionnellement un symbole positif, un acteur qu'on classe tout de suite du côté du Bien, avec un B majuscule... Ici, c'est plus compliqué que cela, nos anges ne sont ni tout blancs, ni tout noirs... Ils ont leurs qualités, tempérées par des côtés sombres, des modes de vie différents, également, et ils sont loin de former une armée divine unie pour vaincre le Mal, même si cette lutte leur tient à coeur, si, si, un peu, quand même...

S'ils sont les moins foufous des personnages impliqués dans ce roman, on ne peut pas dire pour autant qu'ils ne vont pas contribuer à mettre un peu plus le bazar dans la vie sans histoire de Felicity Atcock. Ils ont, disons, d'autres arguments par lesquels ils sont capables de provoquer quelques bas instincts et autres défauts si communs à nous autres, mortels, mais, plus embêtant, en tout cas, pour eux, de les ressentir eux-mêmes... Ca qui n'a rien pour simplifier des situations déjà pas faciles à appréhender !

Et puisqu'on évoque indirectement Felicity, revenons à elle... Une demoiselle bien de son temps, jolie, gentille et douce, aimant son indépendance et nourrissant une vraie passion pour les dessous affriolants, dont le lecteur profite aussi grâce à quelques descriptions détaillées... Une jeune femme qui n'a pas froid aux yeux, en toutes circonstances ou presque (bon, c'est sûr que quand un vampire vous maintient au sol, hésitant entre vous violer d'abord ou après vous avoir vidée de votre sang, forcément, ça décontenance un peu...), et qui sait ce qu'elle veut...

Elle m'a étonné, Felicity. Daphnée, elle, c'est la fofolle de service, la copine sympa mais dont on ne peut pas attendre grand-chose quand la situation se gâte... Mais Felicity possède à la fois ce petit grain de folie et de fantaisie qui lui permet, parfois, de ne plus avoir les pieds sur terre, mais cela ne dure jamais longtemps, car elle aime avoir le contrôle de sa vie et des événements qui y prennent place. Alors, à part lorsqu'elle boit ou lorsqu'elle s'abandonne auprès d'un homme plus que séduisant, elle essaye de tout rationaliser, même ce qui, à nos yeux de lecteurs, est parfaitement irrationnel.

En cela, ce personnage est intéressant, plutôt profond et peut encore gagner en épaisseur, face aux dilemmes qui vont se présenter à elle (et je ne parle que de ce premier tome, parce que je crois comprendre qu'elle n'est pas au bout de ses découvertes, y compris certains éléments qui la concernent directement...). Elle est drôle, espiègle, mais aussi très amusante quand elle est dépassée, surprise ou amoureuse. C'est un personnage qui ne manque pas d'attrait et qu'on aura plaisir à retrouver.

Reste la partie plus négative de ma lecture... Et là, j'entends déjà hurler à la mort telles une meute de loups garous les nombreuses fans de Sophie Jomain... Alors, d'avance, pardonnez ce ressenti tout personnel et qui n'a aucunement pour objet de critiquer ou remettre en cause quoi que ce soit. C'est juste un goût personnel en matière de livres que j'ai depuis longtemps, dans tous les genres, de la littérature générale au thriller : j'ai horreur des scènes de sexe...

C'est ainsi, ce n'est pas l'expression d'un quelconque puritanisme, c'est juste que ça ne m'intéresse pas. La plupart du temps, et je dois dire que c'est ainsi avec le roman de Sophie Jomain, ça me laisse froid comme le marbre... A croire que l'ange asexué, c'est moi ! Attention, comprenons-nous bien, je ne dis pas qu'il ne faut pas de sexe dans les romans, juste que les descriptions des ébats sur des lignes et des lignes me gâchent mon plaisir de lecteur...

Je m'explique, enfin, j'essaye (même si je pense que, à ce point du billet, on a déjà fabriqué des poupées vaudou à mon effigie et on aiguise les aiguille...) : pour moi, les loooongues scènes de sexe n'apportent rien ç l'histoire, en ralentissent même le rythme. Ou alors, il faudrait que, en pleine extase, il se passe quelque chose qui remette l'intrigue principale sur les rails, évidemment. Mais, le sexe pour le sexe, ce n'est pas ma tasse de thé, ça m'ennuie prodigieusement...

Par ailleurs, en ce qui concerne "les Anges mordent aussi", ça n'arrête pas ! Et trop, c'est trop, vraiment ! Pas de puritanisme dans mon constat, là non plus, je vous assure, juste une accumulation de scènes qui, pour moi, n'apportent rien, truffées de détails franchement pas utiles, comme certaines aptitudes physiologiques de Felicity, qu'on se passerait bien de connaître... Mon intimité avec les personnages des romans que je lis a des limites que je n'ai pas besoin de franchir. Ce que je sais des aptitudes de Felicity à prendre et donner du plaisir ne me la fera pas voir différemment, tout simplement parce que ce n'est pas cet aspect-là de sa personnalité qui me paraît primer.

Enfin, dernier point, histoire de me tailler une complète réputation de Père la Pudeur, j'ai regretté que, dans la quasi totalité du roman, la plupart des relations sociales passent par le sexe ou les allusions sexuelles... J'ai eu l'impression que les personnages, en particulier dans les relations entre femmes et hommes, ne pouvaient absolument pas passer par un autre biais... Je sais bien que c'est sans doute ce genre romanesque particulier qui veut ça, mais c'est franchement pénible par moment...

Remarquez, je suis un lecteur. A une époque, je me souviens m'être fait verbalement lynché pour avoir dit dans une émission que j'animais autour des livres qu'il y avait des littératures masculines et d'autres, féminines... Juste ça, je n'avais même pas fait de classement, de jugement de valeurs, ni rien... Et on m'était tombé dessus à bras raccourcis... Force est de constater que, 10 ans après, l'émergence de la bit-lit et de la chick-lit ont modifié la donne. Et que je ne suis définitivement pas le coeur de cible de ce genre de romans, puisque ce qui y ravit les lectrices me laisse froid, voire me déplaît...

C'est ainsi, il faut de tout pour faire un monde. Il fallait que je lise de la bit-lit, le challenge est rempli. Oh, je ne l'ai pas fait à reculons, j'ai d'ailleurs lu "les anges mordent aussi" en une journée, je ne l'ai pas traîné des jours et des jours comme une croix le long d'un calvaire. J'ai juste essayé d'expliquer ce qui m'avait plu dans ce roman et la dimension qui, elle, ne me poussera pas forcément à diversifier l'expérience (je ne dis pas encore non au second tome de Felicity Atcock, mais je m'attends à y faire les mêmes constats)...

Mais je me suis plutôt amusé, l'humour de Sophie Jomain a souvent (pas toujours mais souvent) fait mouche sur moi, j'ai aimé imaginer l'éclat de son oeil, son espièglerie tandis qu'elle écrit et le plaisir qu'on ressent qu'elle a à partager ces histoires avec son lectorat. Là encore, gros point positif pour moi, tant il y a d'écrivains dont on sent qu'ils se prennent terriblement au sérieux quand on les lit...

J'ai juste trouvé parfois que le ton donnait un peu l'impression qu'on s'adressait aux lecteurs comme à des gros bébés, et ça m'a parfois un peu dérangé. Là encore, je crois que cela vient surtout du fait que je ne suis pas dans le coeur de cible et que le bientôt quadra que je suis ne se retrouve pas dans les codes du genre... Il en restera une enrichissante expérience de lecture et, pourquoi pas, l'occasion d'échanger et de débattre avec Sophie Jomain la prochaine fois que nous attendrons que Sire Cédric ait fini de signer ses nombreux autographes !

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